L’Onu appelle le gouvernement britannique à «reconsidérer son plan» d’expulsions vers le Rwanda

L’Onu ainsi que le Conseil de l’Europe appellent le Royaume-Uni à revenir sur son projet de loi controversé permettant d’expulser vers le Rwanda les demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni, après le vote du Parlement britannique en ce sens.

L’Onu a demandé mardi au gouvernement britannique de «reconsidérer son plan» d’expulsion de migrants vers le Rwanda, après le vote en ce sens du parlement.

Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, et son homologue en charge des réfugiés, Filippo Grandi, appellent le gouvernement «à prendre plutôt des mesures pratiques pour lutter contre les flux irréguliers de réfugiés et de migrants, sur la base de la coopération internationale et du respect du droit international des droits de l’homme ».

Le Parlement britannique a approuvé dans la nuit de lundi à mardi le projet de loi permettant l’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile, d’où qu’ils viennent, entrés illégalement au Royaume-Uni, après une interminable bataille entre la chambre haute, réticente face à ce texte controversé, et la chambre basse.

Annoncé il y a deux ans par le gouvernement conservateur de Rishi Sunak, ce plan était présenté comme une mesure-phare de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine.

Faut-il mettre en place une défense européenne ?

Adossé à un nouveau traité entre Londres et Kigali qui prévoit le versement de sommes substantielles au Rwanda en échange de l’accueil des migrants, le texte débattu lundi au Parlement visait à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre dernier. Il définit notamment le Rwanda comme un pays tiers sûr. Si le Rwanda se présente comme l’un des pays les plus stables du continent africain, son président Paul Kagame est toutefois accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d’expression.

Selon l’Onu, le projet de loi et le traité «ne comblent pas les lacunes de protection identifiées par la Cour suprême», peut-on lire dans le communiqué. «Au contraire, une fois promulguée, elle empêchera les tribunaux britanniques d’examiner correctement les décisions d’expulsion, laissant ainsi aux demandeurs d’asile une marge de recours limitée, même s’ils sont confrontés à des risques importants ».

Selon Filippo Grandi, le plan d’expulsions «vise à déplacer la responsabilité de la protection des réfugiés, sapant ainsi la coopération internationale et créant un précédent mondial inquiétant. »

Le Conseil de l’Europe appelle Londres à revenir sur sa loi

Le patron des droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également appelé le gouvernement britannique à revenir sur son projet d’expulser des migrants vers le Rwanda. « Le gouvernement du Royaume-Uni doit s’abstenir d’expulser des gens aux termes de son plan Rwanda et revenir sur l’atteinte à l’indépendance de la justice que constitue ce projet de loi », a déclaré dans un communiqué le commissaire du Conseil de l’Europe pour les droits de l’homme, Michael O’Flaherty.

Londres fait partie de cette institution qui réunit 46 États membres et est dépositaire de la convention européenne des droits de l’homme.

Le nouveau commissaire aux droits de l’homme, l’Irlandais Michael O’Flaherty, se dit «inquiet que le projet de loi sur le Rwanda autorise à expulser des gens vers ce pays sans que leur demande d’asile ait été étudiée par les autorités britanniques dans la plupart des cas ».

La législation «exclut la possibilité pour les tribunaux britanniques de se pencher pleinement et en toute indépendance sur les affaires qui leur sont présentées », ajoute-t-il. Michael O’Flaherty rappelle qu’aux termes de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, le Royaume-Uni n’a pas le droit de refouler des demandeurs d’asile vers leur pays d’origine, même indirectement via un pays tiers.

Or, le texte approuvé mardi à la Chambre des communes «empêche les individus de recourir aux tribunaux britanniques sur cette question clé du refoulement», écrit le haut responsable du Conseil de l’Europe. «Il interdit explicitement aux tribunaux britanniques d’évaluer le risque que le Rwanda expulse des gens vers d’autres pays et de se pencher sur l’équité et le fonctionnement des procédures d’asile au Rwanda».

La Cour européenne des droits de l’homme, qui émane du Conseil de l’Europe, avait en juin 2022 arrêté in extremis un premier vol prévu par Londres à destination du Rwanda. Fin 2023, le Premier ministre Rishi Sunak a assuré qu’il ne permettrait pas «à une cour étrangère de bloquer» les vols vers le Rwanda.

Kigali «satisfait »

De son côté, le gouvernement de Kigali s’est dit «satisfait» du vote par le Parlement britannique du projet de loi, a affirmé mardi la porte-parole du gouvernement. «Nous sommes satisfaits que le projet de loi ait été adopté par le Parlement britannique », a déclaré Yolande Makolo dans un communiqué transmis à l’AFP, ajoutant que les autorités étaient «impatientes d’accueillir les personnes relocalisées au Rwanda ».

Les traversées à bord de petits bateaux constituent un enjeu politique important en Grande-Bretagne, où elles sont considérées comme la preuve de l’incapacité du gouvernement à contrôler l’immigration.

M. Sunak a fait de son projet de «stopper les bateaux » une de ses principales promesses de campagne, alors que son Parti conservateur est en mauvaise posture dans les sondages d’opinion à l’approche des élections générales qui se tiendront dans le courant de l’année.

Le nombre de migrants arrivant en Grande-Bretagne sur de petites embarcations a grimpé en flèche, passant de 299 il y a quatre ans à 45.774 en 2022, les personnes fuyant la guerre, la famine et les difficultés économiques ayant payé des milliers de livres à des gangs criminels pour les faire traverser la Manche.

Les arrivées par petits bateaux ont chuté à 29.437 l’année dernière, le gouvernement ayant sévi contre les passeurs et conclu un accord pour le retour des Albanais dans leur pays d’origine.

Avec Ouest-France

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights