Une bourse des céréales au sein des BRICS, soutenue par Moscou, fait son chemin

La Russie avance dans l’idée de créer une bourse des céréales au sein des BRICS qui permettrait d’acheter et de vendre des céréales directement entre pays membres. Lancée à la fin 2023 par la Russian Union of Grain Exporters (Rusgrain), le projet a reçu l’aval début mars du président russe Vladimir Poutine. Un président qui sait manier l’arme diplomatique du blé depuis l’invasion de l’Ukraine et la fin de l’accord céréalier en mer Noire en juillet 2023 avec plusieurs milliers de tonnes de céréales livrées gratuitement à plusieurs pays africains.

Le président de Rusgrains, Edouard Zernin, a estimé que les problèmes sur la bourse seraient résolus avant le prochain sommet des Brics qui se déroulera fin octobre à Kazan en Russie, ajoutant à Reuters : «Nous avons constaté une compréhension et un soutien pour l’initiative dont l’intérêt est assez élevé».

La Chine et l’Inde sont les plus grands producteurs de blé au monde et la Russie le plus premier exportateur mondial de céréales, de sorte que tout échange basé sur le groupe des BRICS aurait une influence mondiale. Actuellement, les pays des BRICS représentent près de la moitié de la production mondiale de céréales, ainsi que de leur consommation.

Le principal problème des bourses de matières premières traditionnelles est qu’elles sont redevables à des «spéculateurs », y compris des fonds spéculatifs qui négocient des produits dérivés sur les matières premières, ce qui conduit à des prix inférieurs au coût de production estime Edouard Zernin. «Nous pensons qu’il est dans l’intérêt des fournisseurs et des acheteurs de céréales réelles d’éliminer une telle volatilité extrême et d’ajouter de la transparence et de la prévisibilité au marché mondial des céréales », souligne le président de Rusgrain.

De nombreux points sont encore à définir. Quel sera le pays qui enregistrera la bourse ? Quelle infrastructure de commerce et compensation ? Quelle monnaie sera utilisée ? … Sur ce dernier point, Edouard Zernin, a déclaré «nous n’insistons pas sur l’exclusion du dollar des règlements sur les céréales. Mais la libre conversion de la monnaie de compensation en roubles est pour nous cruciale».

D’ores et déjà, la Russie a assis sa domination sur le commerce mondiale du blé, représentant environ 25% du commerce mondial de la céréales, et diversifié ses partenaires face aux sanctions. Les exportations russes de céréales devraient atteindre 65 millions de tonnes (Mt) au cours de la campagne actuelle 2023/24, contre 60 Mt en 2022/23. Spécifiquement pour le blé, elle s’élèveraient à 52 Mt selon Ikar et 48,6 Mt selon SovEcon en 2023/24. « Jusqu’à présent, les exportations de céréales progressent à un bon rythme, malgré les problèmes de règlement, d’assurance et de financement du commerce », indique Edouard Zernin, ajoutant qu’à ce jour, environ 47 Mt de céréales ont été exportées de Russie, dont environ 36 Mt de blé.

Les principaux marchés céréaliers de la Russie sont la Turquie, l’Égypte et l’Iran, mais cela a également stimulé les exportations vers l’Algérie, l’Indonésie et le Bangladesh. «Les marchés des céréales russes semblent désormais plus diversifiés qu’avant la crise géopolitique», souligne le président de Rusgrain. Précisant : «Pour compenser la disparition des intermédiaires internationaux de nos chaînes d’approvisionnement, nous nous sommes concentrés sur la diplomatie céréalière, en développant des contacts directs avec les plus grands importateurs mondiaux de blé et d’autres céréales. Le résultat ne s’est pas fait attendre ».

Si économiquement les Brics pèsent au fil des années de plus en plus jusqu’à devenir les locomotives de la croissance mondiale, c’était moins vrai sur le plan politique. Avec l’invasion de l‘Ukraine par la Russie la donne a changé. Le 15ème sommet des BRICS à Johannesburg en août 2023 a acté l’intégration de 5 nouveaux pays à savoir l’Arabie Saoudite, l’Egypte, les Emirats Arabes Unies, l’Ethiopie et l’Iran. D’autres devraient suivre, l’Algérie, l’Indonésie ou le Nigeria, par exemple, ayant formulé une demande d’adhésion. Ce nouvel ensemble, qui représente environ 1/3 du PIB mondial et plus de 40% de la population mondiale, mais par ailleurs très hétérogène, s’affirme sur le plan politique face aux grandes puissances occidentales. Une bourse des céréales serait un moyen de s’affranchir du dollar et de la bourse de Chigaco.

Pour rappel, BRICS est un ensemble géopolitique au départ composé par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chineq auquel s’est jointe l’Afrique du Sud en 2011 puis l’Arabie Saoudite, l’Egypte, les Emirats Arabes Unies, l’Ethiopie et l’Iran en 2023).

Avec Commodafrica

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