Un pas de plus vers une guerre régionale : deux morts et trois blessés dans le contingent sud-africain

Le 14 février 2024 vers 13h30, deux soldats sud-africains ont été tragiquement tués et des blessés – dont certains grièvement – lors d’une attaque que le gouvernement sud-africain a attribuée à un obus de mortier qui a atterri à l’intérieur d’une des bases militaires du contingent sud-africain basé à Masisi (Nord-Kivu). Si le Gouvernement sud-africain estime que « les détails de cet incident sont encore flous », en attendant les conclusions d’une enquête, des doutes subsistent sur le fait qu’il s’agisse d’un acte isolé : deux victimes  et des blessés représentant un nombre élevé qui fait débat en Afrique du Sud. Et des doutes subsistent également sur le fait que l’attaque ait eu lieu à Goma sur une base du contingent sud-africain déployé dans le cadre de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique Australe). On ne sait pas trop qui en est à l’origine, mais les terroristes du M23, soutenus par le Rwanda, en sont probablement responsables. Pour l’instant, la grande inconnue reste la réaction sud-africaine. Tendrait-on déjà vers une guerre régionale dans la région des Grands Lacs ? Tout est possible, se dit-on dans certains milieux spécialisés.

En plein déploiement au Nord-Kivu, le contingent sud-africain a enregistré, jeudi 14 février aux alentours de 13 heures 30, heure de Goma, ses premiers morts sur l’une de ses bases.

Selon le communiqué du ministère sud-africain de la Défense, c’est un obus de mortier provenant de «tirs indirects », dont l’origine n’a pas été précisée. Le bilan fait état de deux morts et de trois blessés parmi les militaires sud-africains. Les blessés ont été acheminés vers un centre médical. L’incident ne laisse pas de soulever des interrogations sur la mission militaire de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) venue en renfort à l’armée nationale congolaise dans ses efforts à repousser l’agression rwandaise maquillée sous la pseudo-rébellion du M23.

Dans l’attente de plus amples informations, la ministre sud-africaine de la Défense et des Anciens combattants; Thandi Modise, le vice-ministre de la Défense et des Anciens combattants, Thabang Makwetla, le secrétaire par intérim à la Défense, Thobekile Gamede, et le chef d’état-major, le général Rudzani Maphwanya, ont aussitôt présenté leurs condoléances aux familles des soldats décédés et souhaité un prompt rétablissement aux membres blessés.

COMME UN AVERTISSEMENT

Dans un communiqué daté du 15 février, le Gouvernement congolais a présenté ses condoléances au gouvernement sud-africain, pointant du doigt la responsabilité de l’armée rwandaise dans cette tragédie.

Cet incident, dit-t-il, «apporte, une fois de plus, l’évidence de son (Ndlr : l’armée rwandaise) implication active dans la crise sécuritaire et les crimes qui déstabilisent l’Est de la République Démocratique actuellement ».

Cependant, des interrogations demeurent. D’abord, le contingent sud-africain aurait-il été délibérément visé ? Par qui et pourquoi ? La référence à un «tir indirect » ne laisse pas de s’interroger sur l’origine du tir. Le langage quasi-diplomatique utilisé fait ressortir une volonté de ne pas incriminer les agresseurs.

Si cette dernière hypothèse ne fait l’ombre d’aucun doute, la question reste de savoir la quintessence même de l’attaque rwandaise sur la plus importante composante de la force sous-régionale de la SADC évaluée à plus de 3.000 hommes. La mission, que l’on dit offensive contre les M23/RDF, a certes contribué à rebattre les cartes dans le conflit, elle donne en outre à Paul Kagamé l’opportunité de repenser sa stratégie meurtrière et d’envoyer un message suspect aux alliés de Kinshasa : on ne se laissera pas faire.

Même si l’armée rwandaise, aussi équipée qu’elle le serait, ne ferait pas le poids face à l’armée sud-africaine, et plus encore si cette dernière est appuyée par les alliés d’Afrique australe décidés à en finir avec l’agression-prédation dans l’Est d la RD Congo, tous les ingrédiens sont réunis pour une confrontation qui pourrait s’étendre sur toute la région.

L’attaque de la base sud-africaine ne restera pas sans effet. Elle pourrait peut-être rabattre les cartes et redessiner le conflit de la région des Grands Lacs.

L’on se rappelle de cette attaque japonaise sur la base de Pearl Harbor pendant la Seconde guerre mondiale qui a pratiquement changé l’issue de ce conflit, obligeant les Américains à s’engager dans la guerre. En sera-t-il encore le cas avec l’attaque de la base sud-africaine de Goma ? Difficile à dire.

Le risque d’un embrasement généralisé

On sait néanmoins que « la décision de l’Afrique du Sud de déployer des troupes en République Démocratique du Congo (RDC) pour contrer l’avancée du M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda, a provoqué des remous dans la communauté internationale. Cette intervention militaire, qui s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre l’Afrique et l’Occident, soulève de nombreuses questions quant à ses implications géopolitiques et ses potentielles répercussions.»

Des analyses n’écartent pas cette hypothèse : «Le conflit en RDC pourrait devenir un nouveau front dans la confrontation géopolitique entre le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et l’Occident. La Tanzanie, membre de la SADC, a déjà interdit le transit de la logistique polonaise vers le Rwanda par son port. La Russie et l’Iran, alliés du BRICS, pourraient également s’opposer à l’intervention occidentale en RDC.»

On est donc entré dans une nouvelle dimension de la guerre de l’Est. Un régionalisation du conflit devient probante.

Quoi qu’il en soit, le «coup de semonce » de l’armée rwandaise contre la base du contingent sud-africain a tout l’air d’une opération désespérée. En effet, le gouvernement  rwandais réalise que le temps de l’occupation appartient au passé. A preuve, le président rwandais Paul Kagame vient de séjourner au Kenya où il a eu des entretiens avec le président Ruto, alors que le secrétaire d’Etat américain sillonne le continent, et que des condamnations se multiplient en enjoignent le Rwanda de retirer ses troupes du territoire congolais.

Pour le moment, la population de la cité de Saké est partagée entre traumatisme et deuil. Située à une vingtaine de kilomètres de Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, où les combats font rage et où le M23 occupe de nombreuses zones, Sake est considérée comme le dernier verrou avant Goma, qui était tombée aux mains des rebelles fin 2012.

C’est autour de cette cité stratégique que l’armée congolaise, avec ses partenaires dont les éléments militaires déployés dans le cadre de la Force de la SADC, ont installé de l’artillerie lourde pour stopper l’avancée du M23 qui occupe encore plusieurs endroits dans les montagnes qui surplombent Sake.

Econews

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