Biodiversité, climat, dépollution, tourisme… Les forêts du globe nous rendent de nombreux services. C’est assez difficile à imaginer, mais sans les forêts, la Terre deviendrait sans doute un désert. Sans leur habitat, des centaines d’espèces d’animaux disparaîtraient. Il y aurait moins d’eau, moins d’oxygène. L’homme finirait sans doute lui-même par disparaître. Passage en revue des six principales raisons que nous avons de les protéger.
Les forêts sont d’une richesse inestimable et ont un rôle clé pour le climat et le vivant. Et pas seulement les forêts tropicales, toutes les forêts sont importantes. Par le mécanisme de photosynthèse, la végétation capte du dioxyde de carbone (CO2) en grande quantité et le stockent sous forme solide. On estime que les forêts captent et stockent 30% des émissions mondiales de carbone dans leur biomasse. Les forêts assainissent aussi l’air et l’eau en filtrant les poussières et les bactéries. Elles régulent le cycle de l’eau et préviennent l’érosion des sols. Lorsqu’il pleut, les forêts régulent l’écoulement et permettent que l’eau soit bien absorbé par les sols. Une partie de l’eau de pluie qui tombe sur les forêts remonte dans les airs grâce à l’évapotranspiration des arbres tandis que le reste permet de nourrir les végétaux et de remplir les nappes phréatiques.
Les forêts sont également un habitat pour de nombreuses espèces animales et végétales qui vivent en interdépendance. Elles recouvrent 31% de la superficie totale des terres et hébergent 80% de la biodiversité mondiale, principalement des mammifères, des oiseaux, des insectes et des décomposeurs, dont nous ne connaissons qu’une faible partie. En effet, si nous avons découvert, décrit et catalogué 1,23 million d’espèces, le nombre d’espèces dans le monde est estimé à 8,7 millions.
Enfin, de nombreux peuples autochtones continuent aujourd’hui de subvenir à leurs besoins quotidiens grâce aux forêts. L’Amazonie à elle seule compte 34 millions d’habitants dont des centaines de milliers de peuples autochtones. Préserver ces écosystèmes, c’est donc aussi préserver les ressources et habitants de populations qui y vivent et en vivent depuis des générations.
C’est en cela que nous pouvons considérer que nos forêts sont un bien commun de l’humanité.
#1. DES LIEUX À LA BIODIVERSITÉ EXCEPTIONNELLE
Si les forêts gardent encore de nombreux secrets, c’est parce qu’elles sont de formidables réservoirs de biodiversité : 80 % des espèces terrestres de la planète y trouvent refuge, tandis qu’un seul mètre carré de sol forestier renferme pas moins de 1.000 espèces différentes d’invertébrés, en moyenne.
En Amazonie, une nouvelle espèce animale ou végétale est découverte tous les deux jours, tandis que sur l’île indonésienne de Sumatra 400 espèces inédites de plantes ont été recensées depuis 1995.
Ce «capital naturel », appelé ainsi par le naturaliste Jean Dorst, est pourtant en danger. À court terme, une espèce sur huit serait vouée à disparaître. Au point que certains scientifiques n’hésitent pas à parler de «6e extinction massive ». Sauf qu’à la différence des précédentes, l’humain est cette fois-ci responsable.
#2. DES ALLIÉES CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
« La planète est en surchauffe, il faut d’urgence la mettre à l’ombre des arbres», alertait récemment Nathalie de Noblet, coordinatrice au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans la revue Science & Vie. L’image est bien choisie puisque les forêts représentent le deuxième plus grand puit de carbone de la planète, derrière les océans.
Un arbre de 5m3 est en effet capable de stocker cinq tonnes de CO2 en moyenne au cours de sa vie. C’est l’équivalent de l’empreinte carbone de cinq vols aller-retour Paris-New York pour un seul passager. Actuellement, les forêts absorbent chaque année près de 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, soit 5 % des gaz à effet de serre émis à l’échelle mondiale. C’est loin d’être négligeable.
Les forêts jouent aussi un rôle de premier plan dans le remplacement des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz…) par celles issues de la biomasse (bois, biogaz…). Ces dernières ont l’avantage d’être renouvelables et affichent un bilan carbone nettement plus positif. Les résidus de scieries, le bois de qualité inférieure et les branchages issus des éclaircissements pourraient notamment être mieux valorisés qu’aujourd’hui.
Sans les forêts, le dérèglement climatique serait déjà à un stade plus avancé. Mais avec elles, nous pouvons espérer l’enrayer un jour.
#3. UNE RESSOURCE INDISPENSABLE AUX POPULATIONS LOCALES
Qu’il s’agisse des Pwo Karen en Thaïlande, des Waiapi en Amazonie ou des Ntumu au Cameroun, les peuples forestiers représentent 700 millions d’individus. Ils forment des populations disparates, allant des agriculteurs (cacao, café…) aux chasseurs-cueilleurs, en passant par les producteurs itinérants (latex, noix…) et les commerçants, tous liés au destin des forêts.
Et si l’on ajoute les populations qui, dans le monde entier, utilisent du bois pour se chauffer, cuisiner ou construire leur habitation, des plantes pour se soigner, du gibier ou des fruits pour se nourrir, ce sont au total près de 1,6 milliard de personnes qui dépendent des forêts pour subvenir à leurs besoins élémentaires, soit un cinquième de la population mondiale.
#4. DES REMPARTS CONTRE LES CATASTROPHES NATURELLES
Avalanche, coulée de boue, érosion, inondation… Les forêts se dressent comme des remparts face aux risques naturels, atténuant leurs dégâts. Même lorsque les catastrophes sont d’une extrême violence : une étude réalisée sur l’île de Palu, en Indonésie, suite au tsunami de 2018, a révélé qu’une mangrove de 50 à 70 mètres d’épaisseur avait permis de diminuer la hauteur de la vague meurtrière de 5 mètres à 1 mètre, épargnant ainsi les villages voisins. Cette mangrove se révéla plus efficace que n’importe quelle digue artificielle.
Encore faut-il que les forêts soient suffisamment robustes. Si le Portugal subit autant d’incendies géants ces dernières années, c’est en partie parce que ses forêts sont majoritairement constituées d’une seule espèce d’arbre, peu résistante aux feux, et que beaucoup de parcelles souffrent d’un trop faible entretien. Une foresterie durable et diversifiée demeure alors la meilleure arme contre les catastrophes naturelles.
#5. DES GARANTS DE LA QUALITÉ DE L’EAU
Dans l’imaginaire commun, «l’eau de source» se rapproche de l’eau parfaite. Il serait pourtant plus juste de dire «eau de forêt». Une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) a ainsi montré que l’eau qui transite par un massif forestier est nettement moins polluée (dix à vingt fois moins) que celle captée sous des cultures (maïs, céréales, colza).
Les forêts sont des milieux naturels où les pesticides et les engrais sont absents la plupart du temps. Mais les micro-organismes présents dans leurs sols assurent également une filtration très efficace des impuretés. Tandis que les sous-sols forestiers peuvent stocker d’importantes quantités d’eau – jusqu’à 2 millions de litres par hectare. De véritables sources de vie.
#6. DES LEVIERS D’ATTRACTIVITÉ TOURISTIQUE
Partout dans le monde, les forêts deviennent des hauts lieux de tourisme. L’allée des baobabs, une douzaine de ces gigantesques arbres longeant une route de l’ouest de Madagascar, est l’une des attractions les plus visitées de la région. L’île japonaise de Yakushima, entièrement recouverte de forêts primaires, a connu un regain de fréquentation depuis qu’elle a inspiré le film d’animation Princesse Mononoké. Tandis que les interminables palmiers de la vallée de Cocora sont désormais une étape incontournable pour quiconque voyage en Colombie.
Un rapport publié par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services éco-systémiques (Ipbes) rappelle toutefois la nécessité de maîtriser l’affluence dans ces lieux à l’équilibre fragile. Se promener en forêt, oui, à condition de pouvoir aussi y préserver la vie sauvage.
Avec afd.fr