Le Congo N’est Pas à Vendre (CNPAV) est vivement préoccupé par les conclusions de la renégociation de la Convention Sino-Congolaise et craint que le mémorandum signé ne perpétue le caractère déséquilibré de ce partenariat en défaveur des populations congolaises.
Le Congo N’est Pas à Vendre (CNPAV) est très préoccupé par les informations confuses et contradictoires diffusées autour des conclusions de la renégociation de la Convention Sino-Congolaise et appelle le gouvernement congolais à publier sans délais le mémorandum y relatif signé le 19 janvier 2024 avec la partie chinoise.
Le CNPAV a pris connaissance de la signature de ce mémorandum, à travers le discours d’investiture du Président Félix Tshisekedi du 20 Janvier 2024, la conférence de presse de l’Inspecteur Général en chef de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et le communiqué de presse de la SICOMINES du 27 janvier 2024.
D’après les informations diffusées par les deux parties, ce mémorandum prévoit que :
1. Les fonds à allouer à la réalisation des infrastructures devraient atteindre sept (7) milliards USD pendant toute la durée du projet de collaboration;
2. La SICOMINES paiera à la partie congolaise les royalties de 1,2% du chiffre d’affaires annuel en maintenant la structure d’actionnariat;
3. Le Gécamines sera chargée de la commercialisation de 32% de la production annuelle de SICOMINES;
4. Le Barrage hydroélectrique de Busanga sera géré conjointement entre la partie chinoise et la partie congolaise à raison de 60% des parts pour la partie chinoise et 40% pour la RDC.
Ces informations ne permettent pas aux citoyens de se faire une opinion sur le nouveau modèle de gestion de la SICOMINES et sur la fin des déséquilibres structurels et opérationnels de ce partenariat jusque-là moins bénéfique aux populations congolaises.
Parmi les préoccupations et inquiétudes que le CNPAV soulève, il y a entre autres :
1. Imprécision sur la nature et l’origine de sept (7) milliards USD diffusés
L’annonce de l’augmentation des fonds destinés aux infrastructures suscite beaucoup d’interrogations sur la nature et l’origine des fonds additionnels de 3,8 milliards USD. D’après les informations diffusées, ces fonds sont passés de 3,2 milliards USD à 7 milliards USD sans préciser s’il s’agit des prêts additionnels et/ou des revenus directs du projet minier. Le CNPAV rappelle les risques réels de surendettement de la RDC, si le montant additionnel de 3,8 milliards USD est un prêt. Ces risques avaient déjà été soulevés après la signature de la version initiale de cette Convention en 2008 et avaient conduit à la réduction du montant initial de prêts dédiés aux infrastructures de 6.2 milliards USD à 3.2 milliards USD. Si ces fonds additionnels proviendront exclusivement des bénéfices de la Sicomines tel qu’annoncé, le CNPAV doute que les 35% des bénéfices à prélever pour financer les infrastructures puissent atteindre le montant annuel de 324 millions USD.
Etant donné que les deux parties ont convenu du prélèvement de 35% des bénéfices de la Sicomines pour financer les infrastructures, le CNPAV s’étonne que les conclusions de cette renégociation n’aient ramené la Sicomines au régime fiscal du code minier, en ce que les 35% des bénéfices à prélever avoisinent le taux de l’Impôt sur les bénéfices et profits (IPB) dû à l’Etat.
Par ailleurs, le CNPAV s’interroge sur les mécanismes mis en place pour le remboursement du solde des prêts (et intérêts) ayant financé les infrastructures déjà réalisées et les coûts opérationnels du projet minier qui représenteraient plus de 1,54 milliards USD selon le rapport ITIE-RDC 2020-20211.
2. Paiement par la SICOMINES à la partie congolaise des royalties de 1,2% du chiffre d’affaires annuel
D’après les informations diffusées par les deux parties, la Sicomines paiera désormais à la partie congolaise les royalties de 1,2% du chiffre d’affaires annuel. Le montant total de ces royalties représenterait deux (2) milliards USD avec un paiement annuel de 24 millions USD. Le CNPAV s’interroge sur la véracité du montant de 2 milliards USD au regard la durée de la convention Sino-congolaise et de la durée de vie des mines mises à la disposition de la Sicomines suivant les données techniques disponibles.
En plus, le CNPAV constate que le taux de ces royalties reste inférieur au taux moyen de 2,5% appliqué dans plusieurs autres projets miniers en RDC.
3. Absence de clauses sur le transfert de technologies et de compétences aux congolais.
Le CNPAV regrette que la renégociation de la Convention Sino-congolaise n’ait pas débouché sur les clauses contraignantes de transfert de technologies et de compétences aux congolais dans la mise en œuvre de cette Convention, à travers notamment les formations de main d’œuvre congolaise et la réalisation des infrastructures par les entreprises détenues par les congolais.
4. Evaluation de l’apport de la RDC dans le barrage de Busanga
Alors que le protocole d’accord de 2010 sur la création du barrage de Busanga prévoit 49% des parts pour la RDC contre 51% pour la partie chinoise, les conclusions de la renégociation prévoient 40% des parts pour la RDC et 60% pour la partie chinoise. Cette nouvelle réparation des parts sociales a été faite en défaveur de la RDC et sans aucune évaluation des apports des parties ne soit réalisée.
5. L’impréparation technique et le manque de transparence du processus de renégociation de la Convention Sino-congolaise.
Le CNPAV déplore que le processus de renégociation de cette convention se soit déroulé d’une part en toute opacité en écartant les autres membres/institutions initialement désignées, notamment la Gécamines pour participer aux négociations directes, et ne gardant que la Présidence et l’IGF, et d’autre part sans aucune évaluation technique et financière préalable des coûts et de la qualité des infrastructures réalisées ainsi que des coûts opérationnels et des revenus générés du projet minier SICOMINES.
Dans son communiqué de presse du 3 avril 2023, le CNPAV avait déjà recommandé au gouvernement congolais une préparation rigoureuse, impliquant notamment la mise en place d’une commission gouvernementale avec des termes de référence clairs, la conduite des audits techniques sur le projet SICOMINES et une transparence totale du processus d’évaluation et de renégociation de cette Convention.
6. Absence d’évaluation de la valeur totale des exonérations fiscales
Selon la convention initiale de 2008, le projet SICOMINES bénéficie d’exonérations fiscales complètes afin d’accroître les bénéfices et faciliter le remboursement rapide des prêts d’infrastructures et d’investissement minier. Les conclusions de la renégociation n’ont pas évalué ces exemptions pour mieux comprendre ce que la RDC gagnerait si la SICOMINES payait tous les impôts et taxes. Ceci aurait permis à la partie congolaise de mieux négocier les termes de la révision de la Convention Sino-congolaise et éventuellement envisager un nouveau modèle de gestion de ce partenariat plus bénéfique pour la RDC.
Le CNPAV rappelle que les expériences antérieures de négociation et de renégociation des contrats miniers sans une préparation adéquate et dans l’opacité ont conduit à des pertes énormes pour le pays. Le CNPAV craint que ce mémorandum signé ne consacre la continuité du caractère déséquilibré de ce partenariat pour la partie congolaise.
Le CNPAV note aussi que la volonté exprimée par le Président Félix TSHISEKEDI dans son discours d’investiture du 20 janvier 2024 de « Tirer les leçons… pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus et pour que les actions nécessaires à l’avancement de notre pays soient promptement prises » trouve véritablement son champ d’application dans le cadre de la renégociation de la Convention Sino-congolaise qui reste moins bénéfique aux populations congolaises.
S’appuyant sur ce discours, le CNPAV réitère sa recommandation pour une évaluation exhaustive et indépendante du projet SICOMINES et appelle à la publication immédiate du mémorandum signé le 19 janvier 2024 en vue d’éclairer les citoyens congolais sur son contenu et de leur permettre de faire une analyse objective et exhaustive sur ledit mémorandum.
En outre le CNPAV demande également la publication du manque à gagner et des pertes que la RDC a enregistrées depuis 2008, la poursuite judiciaire de tous les acteurs impliqués dans les premières négociations et dans les pertes qu’a subie la RDC durant cette période. Nous exigeons également la publication de la liste de tous les négociateurs du présent contrat.
Kinshasa, le 02 février 2024
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