RDC : quelle politique de défense face à un processus électoral fragile et à l’agression rwandaise ?

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Un appel à l’espérance !
Le gouvernement congolais vient de publier un document sur la politique de défense du pays dans lequel il est défini des objectifs à court, moyen et long termes. C’est incontestablement un pas dans la bonne direction. Néanmoins, en lisant attentivement ledit document, on ne peut que déplorer le manque d’appui sur des données fiables ainsi que l’absence d’une véritable analyse contextuelle sur les difficultés et les enjeux politiques, sécuritaires et régionaux auxquels le pays fait face depuis plus d’un quart de siècle.
Tout en nous réjouissant du fait que l’Etat congolais semble enfin se focaliser sur le processus primordial de la réorganisation de l’armée, nous nous interrogeons humblement sur la procédure et la méthodologie utilisées pour parvenir aux conclusions dudit document. Et ce, d’autant plus que toutes les tentatives de réformes initiées depuis une vingtaine d’années ont échoué.

Etendre la réflexion
D’entrée de jeu, nous estimons que la réflexion devrait être plus globale, car les causes des graves problèmes sécuritaires auxquels, la RDC est confrontée ne se limitent pas à la seule armée congolaise. Elles concernent l’ensemble du fonctionnement et de la gestion du pays. Ainsi, la réforme du secteur de la défense ne pourrait être efficace sans une réponse générale à la crise systémique que traverse notre pays.
Nous savons tous que le point de départ est la faible légitimité des dirigeants ainsi que la qualité de ces derniers. La principale préoccupation devrait donc consister à envisager le meilleur moyen de donner au Congo des dirigeants plus légitimes, porteurs de valeurs fondamentales telles que l’amour du pays et de son prochain, le respect du bien commun, l’esprit de mérite, le respect de la légalité, etc. Des dirigeants intègres, compétents et capables de travailler pour l’intérêt général, de défendre l’intégrité territoriale, des femmes et des hommes d’Etat capables de penser à la prochaine génération en lieu et place de leurs propres intérêts et de leur maintien coûte que coûte au pouvoir.
En lisant la politique de défense récemment publiée, une autre question fondamentale que nous nous posons est celle de savoir comment peut-on élaborer une politique de défense efficace lorsqu’on ne dispose d’aucun recensement fiable de l’effectif de l’armée ? Dans l’un de ses nombreux discours, le Président de la République a lui-même reconnu que l’effectif des troupes était volontairement augmenté au profit de quelques officiers véreux.
Et lors de la présentation de la politique de défense, le ministre de la Défense n’a pas été capable de donner avec précision l’effectif de l’armée. Il a déclaré ce qui suit en répondant à une question qui lui a été posée : «L’effectif de notre armée est peut-être de 150.000 hommes. C’est insuffisant pour 100 millions d’habitants».
De plus, au-delà du nombre, l’autre défi majeur réside dans la qualité des militaires dont une partie non négligeable a été intégrée à l’issue de différents processus de brassages/mixages d’hommes provenant de multiples groupes armés, au mépris de la discipline et de la formation indispensables à une armée de métier, professionnelle et moderne.
L’armée n’étant pas un corps isolé du reste du pays, aucune réforme efficace de l’armée ne sera possible si l’on ne tient pas compte des réalités de notre environnement politique et de la gouvernance du pays dans son ensemble. En effet, l’armée congolaise est à l’image de l’état général du pays, un Etat en quasi-faillite dont les éléments constitutifs sont défaillants. La population n’a plus été recensée depuis 1982. Dès lors, comment peut-on réformer efficacement une armée lorsqu’on n’est pas capable d’identifier sa propre population ? Une partie du territoire n’est pas sous le contrôle des institutions légalement reconnues et censées en détenir le monopole, des dizaines de groupes armés coexistent avec l’Etat, une situation qui est aggravée par l’inexistence d’une véritable administration et infrastructures publiques.
Notre souveraineté est régulièrement mise à mal par les multiples agressions que nous subissons depuis plus de 25 ans, dont celle du Rwanda en cours sous le couvert du M23. Une situation fortement aggravée par la faible légitimité des institutions et de leurs animateurs qui est l’une des principales causes des crises politiques récurrentes auxquelles le pays est confronté depuis son indépendance.
Que dire de la corruption généralisée, impulsée par le système politique, et qui gangrène l’ensemble de notre société, y compris les forces de sécurité et de défense, et ce, dans une totale impunité.
Avec un tel constat, comment croire en une véritable politique de défense et à une bonne réforme de notre armée ?
Comment, dans ces conditions, pourrions-nous mettre fin à l’actuelle agression rwandaise dans l’Est du pays et aux multiples groupes armés qui sèment la terreur et la mort, et ce, malgré la vaillance d’une grande partie de nos militaires dont les conditions logistiques et sociales sont pourtant déplorables ? Conséquence, le pays est réduit à faire appel à des troupes étrangères dont la plupart des Etats sont d’une manière ou d’une autre eux-mêmes totalement impliqués dans le conflit afin de protéger leurs intérêts respectifs. Les récents propos blessants et réducteurs, mais malheureusement factuels, prononcé par le Président burundais, également président en exercice de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), en marge des pourparlers de Nairobi entre le gouvernement de Kinshasa et les groupes armés, devraient nous – citoyens congolais – pousser à nous indigner et à réfléchir sur le devenir de notre Nation.
Pour rappel, ce dernier a déclaré que la République Démocratique du Congo ne dispose pas d’une armée et d’une police protectrice et que les forces de l’EAC devront y rester jusqu’à ce que le gouvernement congolais se dote d’une armée et d’une police protectrice de tous. Néanmoins, cette nouvelle aventure du Rwanda à travers le M23, dont l’objectif non avoué est d’occuper une partie du territoire congolais, sera de nouveau un échec car le peuple congolais est déterminé à préserver l’intégrité de son territoire et son unité.
En cette année électorale, la question sécuritaire dans l’Est de notre pays est encore plus importante car elle risque d’impacter négativement sur le choix du peuple congolais, et par ricochet sur le niveau de légitimité des futures institutions et de leurs animateurs. Néanmoins, il est important de rappeler qu’avant d’être sécuritaire, l’organisation d’élections de meilleure qualité est avant tout une question de volonté politique et de capacité logistique. Les difficultés rencontrées et le chaos observé par de nombreux observateurs dans le processus d’enrôlement en cours dans les zones qui ne sont pas en conflit le confirment.

Le véritable défi
En définitive, le véritable défi de la réforme du système de défense congolais et la reconstruction d’une armée de métier forte, organisée, disciplinée et professionnelles, implique tout d’abord l’existence d’un leadership politique légitime, visionnaire, patriote et compétent, capable de mettre fin au système prédateur actuel et de procéder à une réorganisation générale de l’Etat. Et nous sommes aujourd’hui confiants car nous sentons l’émergence, au sein de la population, d’une prise de conscience et d’un vent nouveau, incarné par une génération consciente et patriote, engagée dans la reconquête de notre souveraineté. C’est à eux, et à tous ceux qui à travers le monde pensent que le Congo mérite mieux, que nous voulons rendre hommage. Nous les appelons à se lever pour mettre fin au système prédateur qui est à la base de l’état actuel du pays. Plus particulièrement, nous les invitons à participer à la construction d’une nouvelle classe politique alternative qui apportera plus de prospérité, de stabilité et de sécurité à nos compatriotes.
Ceci constitue notre appel à l’engagement et à l’espérance pour un autre Congo, celui voulu par les pères de notre indépendance, un Congo plus beau qu’avant, une Nation forte au cœur de l’Afrique pour le développement de notre continent.
Floribert Anzuluni, activiste, membre du mouvement citoyen FILIMBI et consultant en Intelligence économique.
Donat Kambola, avocat, défenseur des droits humains.
Jean-Claude Mputu, analyste et politologue.

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