Dans une nouvelle autobiographie, qui paraît en France ce 20 mars, le Pape tape à nouveau sur ses détracteurs et redit sa foi en une Église ouverte.
Encore un livre du pape François ! À première vue, on pourrait s’en lasser avant même de l’avoir ouvert, tant les écrits du pape sont publiés à profusion. En l’occurrence, on aurait tort. Cet ouvrage intitulé Vivre, qui sort cette semaine partout dans le monde – et en France le 20 mars, aux éditions HarperCollins –, présenté comme une autobiographie du Saint-Père, est le fruit d’entretiens avec un journaliste vaticaniste italien, Fabio Marchese Ragona.
Le propos est de revisiter la vie de Jorge Bergoglio, dans son regard sur la plupart des événements historiques auxquels il fut confronté, de près ou de loin. Au fil des chapitres, le pape revient, donc, sur la Seconde Guerre mondiale, le génocide des juifs, les bombes atomiques, le maccarthysme, le coup d’État de Videla en Argentine, la chute du mur de Berlin, le 11 Septembre, la naissance de l’Union européenne, ou encore « le débarquement sur la Lune » (sic).
«C’est un livre bien fait, commente l’historien Giovanni Maria Vian, directeur émérite de L’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican. Mais il n’y a pas de grande nouveauté. Le meilleur livre d’entretiens avec le pape François pour moi est celui avec Dominique Wolton [Politique et société, Éditions de l’Observatoire, 2017], qui présentait la même force que les dialogues de Paul VI avec l’écrivain Jean Guitton. Il est difficile de rejoindre la hauteur de ces deux ouvrages.»
Une démission ? «Hypothèse lointaine»
En attendant, il n’est pas inintéressant de connaître la lecture des événements de la grande histoire par ce pape venu du Sud, à l’aune de son expérience personnelle. La grande histoire, et les petites. Car, au passage, le pape révèle un amour de jeunesse, pour «une fille très gentille qui travaillait dans le monde du cinéma, qui s’est ensuite mariée et a eu des enfants». Il confie aussi un vif émoi, alors qu’il venait d’entrer au séminaire, lors de la réception de mariage de l’un de ses oncles : «J’ai été ébloui par une fille, raconte François. Sa beauté et son intelligence m’ont fait tourner la tête. Pendant une semaine, son image a occupé mon esprit, et il m’a été difficile de prier ! Heureusement, cela a fini par passer, et je me suis consacré corps et âme à ma vocation.»
Dans ces 350 pages, le pape montre sa détermination à aller au bout de sa mission, malgré les problèmes de santé qui l’affectent, et les oppositions virulentes au sein du Vatican qui le canonnent. «Jusqu’à aujourd’hui, grâce à Dieu, affirme François, je n’ai jamais eu de raison de songer à démissionner, car selon moi on ne peut prendre cette option en considération que face à de graves problèmes de santé. Je suis sincère : je ne l’ai jamais envisagé car, comme j’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques années à des confrères jésuites africains, je pense que le ministère de Pierre est ad vitam.» Avis à ceux qui glosent sur son empêchement, François redit avec force qu’une éventuelle renonciation serait «une hypothèse lointaine», précisant qu’il n’a «aucune raison sérieuse d’envisager une démission».
Réagissant aux attaques dont il est perpétuellement l’objet, de la part de ceux qui disent que «François détruit la papauté», le successeur de Pierre tape encore une fois sur la table, fustigeant une fois de plus, comme il le fait à intervalles réguliers depuis le début de son pontificat, l’ambiance délétère qui règne au sommet de l’Église catholique et la confiscation du pouvoir par de petites coteries. «Il est vrai que le Vatican est la dernière monarchie absolue d’Europe, et qu’on y mène souvent des raisonnements et des manœuvres de cour, mais ces schémas doivent être définitivement abandonnés et dépassés», insiste encore François.
Intentions manœuvrières
«Heureusement, la majeure partie des cardinaux présents aux congrégations générales avant le conclave de 2013 a demandé une réforme dans ce sens, poursuit-il. Il existe un grand besoin de changer les choses, d’abandonner certaines attitudes qui aujourd’hui encore peinent à disparaître. En effet, quelqu’un cherche toujours à freiner la réforme, certains voudraient rester figés au temps du pape-roi, d’autres rêvent d’un certain faste qui ne fait pas de bien à l’Église.»
Et le Saint-Père de préciser à ses ennemis – nombreux – qui lui prêtent des intentions manœuvrières : «Au sujet du conclave, certains médias américains ont fait circuler la rumeur que j’envisagerais de changer les règles en admettant au vote pour l’élection du nouveau pape des religieuses et des laïcs. Il s’agit de pures inventions diffusées dans le but évident de créer des dissensions au sein de l’Église, et de désorienter les fidèles.»
Une volonté d’ouverture
François redit sa foi en «une Église mère, qui embrasse et accueille tout le monde, même les personnes qui se sentent mauvaises et que nous avons jugées par le passé». Et assume sa volonté d’ouverture pour la bénédiction des unions homosexuelles. «Jésus fréquentait et allait souvent à la rencontre des personnes qui vivaient aux marges, dans les périphéries existentielles, souligne-t-il. C’est ce que l’Église devrait faire aujourd’hui avec les personnes de la communauté LGBTQ+, qui sont souvent marginalisées en son sein : faire qu’elles se sentent chez elles, surtout celles qui ont reçu le baptême et qui appartiennent de plein droit au peuple de Dieu. Quant à celles et ceux qui n’ont pas reçu le baptême et désirent le recevoir, ou qui souhaitent devenir parrain ou marraine, je vous en prie, qu’on les accueille en leur faisant accomplir un chemin attentif de discernement personnel.»
L’un des passages les plus émouvants de ce livre est celui dans lequel François témoigne, de l’intérieur, de la façon dont il a vécu le jour de son intronisation sur le trône de saint Pierre. « Quand, se souvient-il, vint le moment d’enfiler pour la première fois les vêtements de pape, dans la pièce appelée Chambre des Larmes, le maître des célébrations liturgiques pontificales de l’époque, Mgr Guido Marini, m’a expliqué avec une grande patience tout ce qu’il fallait faire. Il me montra la croix pectorale, les mules rouges, la soutane blanche en trois tailles et d’autres parements papaux, dont la mosette rouge. Je lui ai dit : Je vous remercie beaucoup pour votre travail, monseigneur, mais je suis attaché à mes affaires : je porterai seulement la soutane blanche, mais je garderai ma croix pectorale d’archevêque et mes chaussures orthopédiques !» On connaît la suite.
Avec Le Point (France)