Rebondissement. Vingt candidats seront dans la course. Mais pas les principaux opposants que sont Karim Wade et Ousmane Sonko, recalés par le Conseil constitutionnel.
Le suspense aura duré jusqu’au dernier moment. Le Conseil constitutionnel a finalement publié tard dans la soirée de samedi (soit juste avant la date butoir de validation des candidatures) les noms des vingt retenus à l’élection présidentielle qui se tiendra le 25 février. Et le nom du principal opposant, Ousmane Sonko, emprisonné, n’y figure pas. L’ancien inspecteur des finances, toujours populaire chez les jeunes et donné favori, a vu son dossier définitivement rejeté par les sages sénégalais au terme d’un rocambolesque feuilleton politico-judiciaire qui a donné lieu à plusieurs épisodes de troubles violents dans le pays.
Qui pour remplacer Ousmane Sonko ?
C’est sur la base de sa condamnation à six mois de prison pour diffamation à l’encontre du ministre Mame Mbaye Niang que le Conseil constitutionnel a écarté la candidature d’Ousmane Sonko. En effet, cette condamnation confirmée par la Cour suprême le 4 janvier dernier «le rend inéligible pour une durée de cinq ans », peut-on lire sur la décision rendue par le Conseil constitutionnel.
Ousmane Sonko a été déclaré coupable en juin de détournement de mineure et condamné à deux ans de prison ferme, puis écroué fin juillet pour d’autres chefs d’inculpation, dont appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l’État. Ce dernier continue de dénoncer un complot pour l’empêcher de participer à la présidentielle, ce que le pouvoir dément.
Reste que le plan B du parti de Sonko (les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dissous depuis l’été dernier), Bassirou Faye, voit, lui, sa candidature validée. Actuellement détenu pour une affaire pour laquelle il n’a pas encore été jugé, le Conseil constitutionnel a estimé que sa détention préventive n’était pas une entrave à l’exercice de ses droits politiques et a confirmé sa candidature. Cependant, des doutes persistent sur sa capacité à battre campagne, loin du terrain. Le parti a déjà trouvé une réponse, et lancé les hostilités avec le slogan «C’est Diomaye qui est Sonko». Une situation presque inédite au Sénégal, où pour les législatives de 2017, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, avait été investi depuis la prison dans l’incapacité de faire campagne. Le Pastef veut parer à toute éventualité en misant également sur Cheikh Tidiane Dieye, ancien directeur de campagne de Sonko, et le député Habib Sy, dont les candidatures sont validées.
Coup de massue pour le PDS
L’autre surprise, c’est l’absence de Karim Wade, autrefois ministre et fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, lui aussi recalé par le Conseil constitutionnel en raison de sa double nationalité française et sénégalaise. Tout candidat à la présidence «doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques», dit la Constitution du Sénégal. Karim Wade, 55 ans, né en France d’un père sénégalais et d’une mère d’origine française, a d’après le Conseil produit une déclaration sur l’honneur datée du 21 décembre selon laquelle il aurait renoncé à sa nationalité française. Or, le document qu’il a présenté est un décret daté du 16 janvier publié au Journal officiel de la République française. Dans leur argumentaire, les juges – qui avaient pourtant validé sa candidature dans un premier temps la semaine dernière – ont finalement estimé que sa renonciation à sa nationalité française est intervenue tardivement, et donc les effets du décret consacrant la renonciation de Karim Wade à sa nationalité française «ne sont pas rétroactifs» et sa déclaration sur l’honneur «inexacte », en tout cas au moment de son dépôt.
C’est un autre candidat, l’ancien ministre Thierno Alassane Sall, qui avait déposé lundi un recours contre la candidature de Karim Wade, désigné par le Parti démocratique sénégalais, l’un des grands partis politiques au Sénégal. «Cette décision est scandaleuse, c’est une atteinte flagrante à la démocratie. […] Dans tous les cas, je participerai d’une manière ou d’une autre au scrutin du 25 février», a vivement réagi l’intéressé sur son compte X. Il a aussitôt annoncé avoir saisi la Cour de justice de la Cedeao. Pour l’instant, aucune consigne de vote n’a été donnée par ce parti qui a dirigé le pays pendant douze ans, alors que les dernières élections ont montré l’effritement de l’électorat du PDS. Déjà, en 2019, la candidature de Karim Wade avait déjà été invalidée, à cause de sa condamnation pour détournement de fonds publics. Exilé au Qatar depuis la grâce présidentielle de Macky Sall en 2016, l’ancien ministre n’était pas rentré au Sénégal. Alors que ces proches annonçaient un retour imminent, il semble désormais compromis.
Un Premier ministre et des habitués dans la course
En revanche, du côté de la majorité présidentielle, le nom du Premier ministre et candidat – désigné par le président sortant – pour la coalition Benno Bokk Yakaar, Amadou Bâ, est bien présent sur la liste finale des sept sages ainsi que ceux des ex-chefs de gouvernement Idrissa Seck et Mahammed Boun Abdallah Dionne. C’est la première fois que le Sénégal organise une présidentielle avec autant de prétendants à la magistrature suprême. Lors de la précédente présidentielle en 2019 remportée par Macky Sall, ils n’étaient que cinq sur la ligne de départ, dont deux femmes, Rose Wardini issue de la société civile et l’entrepreneure Anta Babacar Ngom.
Avec Le Point Afrique