«PDL-145T, entre développement et enrichissement illicite» : les premiers signes d’un échec programmé

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Le Programme de Développement local de 145 territoires (PDL-145T) est mal parti. Comme ses précédents, le Programme court droit vers un échec. Le constat est du Centre de Recherche en Finance Publique et Développement Local (CREFDL) dans un rapport intitulé « PDL-145T, entre développement et enrichissement illicite». Le CREFDL, une initiative d’un groupe d’experts en finances publiques, note que «les décaissements des 511 millions USD ont été opérés en procédure d’urgence activée par le ministre des Finances en lieu et place de son collègue du Budget, conformément au manuel des procédures et du circuit de la dépense publique tel que révisé en 2010. Pire, c’est sans émissions des OPI que ce montant colossal est passé de la Banque Centrale du Congo vers les comptes des agences d’exécution. Conséquence, le total des marchés surfacturés à la première phase pourrait faire perdre à l’Etat 334,4 millions USD par rapport». Voici les grands extraits de ce rapport (introduction et conclusion), avec, en encadré, une note synthétique.
La mise en œuvre du Programme de Développement local des 145 territoires intervient après plusieurs initiatives des projets d’investissements publics par le Gouvernement. Il s’agit entre autres du programme d’urgence des « 100 jours » pour un coût global de 304 millions USD, mais qui a consommé plus de 400 millions de dollars dans son exécution pour la réhabilitation de 152,52 Km des routes, la construction des logements sociaux, (…).
Le Gouvernement a aussi initié «Tshilejelu», programme modèle en Tshiluba, langue parlée en grande partie dans le grand Kasaï, province d’origine du Président de la République lancé en 2021. Ce programme a été Chiffré à 138 millions USD pour 141,43 Km des routes à réhabiliter à Kinshasa et dans les provinces du grand Kasaï. Selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances d’août 2021, des pratiques de détournement de deniers publics de l’ordre de 13 millions USD ont été constatées, comme dans le programme d’urgence des 100 jours, censé améliorer les infrastructures routières à Kinshasa et dans d’autres provinces.
Par la suite, un autre programme a été lancé en 2022 à Kinshasa, dénommé «Kinshasa Zéro trou». Ce dernier devrait améliorer la voirie urbaine de la plus grande ville de la RDC. Son coût de financement est de 32 millions USD. La première phase a duré six mois pour 15,6 millions de dollars. Le rapport d’exécution de la Loi de finances 2022 à fin juin retrace un montant décaissé de 22,3 millions USD, des chiffres non confirmés par le ministère des Infrastructures.
Ces opérations dégagent un dépassement de 7 millions USD par rapport aux prévisions. A la surprise générale, CREFDL constate que les trous sont toujours visibles dans les artères de la ville de Kinshasa.
Face à cette situation, le Programme de développement local dédié aux 145 territoires (PDL145T) apparait comme un remède pour corriger les erreurs du passé. Il résulte de la volonté politique du Président de la République et de sa majorité parlementaire de vaincre la pauvreté et les inégalités, sous toutes leurs formes. Il est adossé au «pilier 5» du Plan National Stratégique de Développement (PNSD) 2019-2023 dans son volet relatif au développement équilibré des provinces. Le PDL-145T vise principalement à réduire les inégalités spatiales, redynamiser les économies locales, et transformer les conditions et le cadre de vie des populations congolaises vivant dans les zones jusque-là mal desservies par les infrastructures et services sociaux de base.

Présentation synthèse du PDL-145T
Le coût total indicatif du PDL-145T est estimé à 1.660.101.312.USD. Il prend en compte 4composantes transversales, à savoir : Infrastructures socio-économiques de base (1.168.636.205,700 USD); Economie rurale et chaînes de valeur (290. 000.000 USD); Renforcement des capacités locales (4.940.000,3 USD) ; Système géoréférencé pour le suivi-évaluation (5.540.000 USD).
Pour l’exécution et gestion fiduciaire et coordination, il est prévu un montant de 117.529.296 USD, soit 7% du coût global du projet. Ce financement est réparti sur trois exercices budgétaires à hauteur de : 300 millions USD pour 2021; 700 millions USD pour 2022 et 660,1 millions USD pour 2023. Le Gouvernement n’exclut pas la contribution des partenaires au développement.

Priorités du PDL-145T
D’après le Gouvernement, le Programme de Développement Local des 145 territoires vise à réduire les inégalités spatiales, redynamiser les économies locales, et transformer les conditions et le cadre de vie des populations congolaises vivant dans les zones jusque-là mal desservies par les infrastructures et services sociaux de base.
Ce programme ambitieux de Félix Tshisekedi, qui prévoit de sortir 25 millions des congolais de la pauvreté multidimensionnelle, accorde une priorité importante aux infrastructures de base pour un coût de 1,1 milliard USD. Ainsi, 8.844 km des routes (132 millions USD) seront transformées, 30.092 km de route de desserte agricole (75 millions USD) seront entretenus pendant l’exécution du programme. 3.071 forages d’eau (76 millions USD) seront érigés, en raison de 21 forages par territoire. Le programme prévoit le coût de réhabilitation d’un kilomètre de route de desserte agricole à 15.000 USD et l’entretien à 2.500 USD.
Le PDL-145T s’intéresse aussi à la construction de 1.450 logements pour les staffs dirigeants du territoire (145 millions USD), dont le prix unitaire est fixé à 100.000 USD. 145 bâtiments administratifs seront aussi construits pour un coût unitaire de 200.000 dollars, soit un total de 29 millions de dollars.
En ce qui concerne l’électrification, le Gouvernement prévoit la construction de 418 mini-centraux solaires. Ce qui permettra de connecter à une source d’énergie, au moins 15 millions de ruraux et périurbains. Le Programme vise à assurer l’accès à l’eau potable à 15 millions de congolais vivant dans les 145 territoires ruraux. Il procédera à cet effet, à la construction/réhabilitation de 447 sources d’eau aménagées, 3.071 forages.
A cela s’ajoute, la construction/réhabilitation et équipement de 1.210 écoles primaires et secondaires dans 145 territoires de la RDC. Ce assurera la formation de 1.000.000 enfants dont au moins 40% de filles. 788 Centres de Santé seront réhabilités ou construits. Le programme fixe le coût de réhabilitation d’une école à 150.000 USD et la construction à 257.000 USD. Pour la réhabilitation des Centres de Santé, le prix fixé est de 150.000 USD et la construction à 218.000 USD.

Conclusion et recommandations
Après analyse de la procédure de mise en œuvre du programme de développement local des 145 territoires dans sa première phase, CREFDL note avec regret que la gestion des finances publique en RDC s’écarte toujours des normes édictées par la Loi relatives aux finances publiques et le code des marchés publics. Bref, l’absence de crédibilité plane sur les opérations financières en cours.
D’abord, les décaissements des 511 millions USD ont été opérés en procédure d’urgence activée par le ministre des Finances en lieu et place de son collègue du Budget, conformément au manuel des procédures et du circuit de la dépense publique tel que révisé en 2010. Pire encore, c’est sans émissions des OPI que ce montant colossal est passé de la Banque Centrale du Congo vers les comptes des agences d’exécution. Conséquences, le total des marchés surfacturés à la première phase pourraient faire perdre à l’Etat 334,4 millions USD par rapport.
Ce fonds ont été par la suite mis à la disposition des entités ad hoc dissoutes et/ou inéligibles. Pourtant, la Loi attribue ce rôle à la seule Cellule de Gestion des Projets et des Marchés Publics (CGPMP), rattachée à l’autorité contractante. C’est conformément à la réforme intervenue en 2010.
Ce processus est envenimé par le conflit d’intérêt et sur financement des marchés publics. Le ministre des finances apparaît comme étant le seul maitre : à travers ses entités, ce dernier sélectionne des entreprises/ALE, valide les budgets, décaisse et exécute le programme. Un comité apparent vient valider les rapports mensuels. La caisse nationale de péréquation censée financer ce programme est inactive suite à des disputes de sa tutelle entre le ministère du plan et celui de l’Intérieur.
Pour mettre fin à cette situation chaotique, CREFDEL formule les recommandations suivantes :
Au Premier ministre : recadrer en urgence la gestion du PDL-145T et la procédure de décaissement des fonds y affectés conformément au manuel des procédures et du circuit de la dépense publique tel que modifié en 2010 ; ordonnancer la révision à la baisse des coûts des ouvrages tenant compte de l’architecture proposée par les entreprises ; activer la caisse nationale de péréquation pour qu’elle joue son rôle dans le cadre du PDL-145 T ; faire respecter le principe de l’unicité de compte pour toutes les opérations financières de l’Etat
Au Parlement : interpeler le Ministre des finances pour qu’il s’explique sur le choix d’écarter les ministères sectoriels dans la mise en œuvre du PDL-145T en faveur des entités ad hoc dissoutes et/ou inéligibles à la gestion des projets et des marchés publics; mener des missions de contrôle du PDL-145T pour s’assurer de la crédibilité de la dépense publique;
Aux organes de contrôle (Cour des Comptes, Inspection Générale des Finances et l’autorité de régulation des marchés publics) : auditer de manière permanente la mise en œuvre du PDL-145T pour s’assurer de sa bonne exécution conformément à la règlementation en vigueur.
A la population : s’approprier le PDL-145T et accroitre le contrôle citoyen pour éviter son échec.

Econews

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