En prélude au lancement du dialogue national visant à renforcer la cohésion et à établir un «Pacte social pour la paix», la CENCO et l’ECC intensifient leurs consultations avec les acteurs sociopolitiques du pays. Jeudi, Mgr Donatien Nshole et le Révérend Eric Nsenga, porte-paroles respectifs des deux confessions religieuses, ont rencontré Matata Ponyo Mapon, leader du LGD et Alliés. Cette rencontre a permis d’échanger sur les contours du dialogue et de recueillir les propositions du LGD, qui plaide pour un cadre inclusif et porteur de réformes structurelles. Affirmant leur volonté de poursuivre ces échanges avec d’autres leaders, les initiateurs du projet insistent sur la nécessité d’un dialogue véritable, loin des calculs politiciens.
Face aux tensions sociopolitiques persistantes et à la nécessité de restaurer un climat de stabilité et de cohésion en République démocratique du Congo, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) poursuivent leurs consultations en vue de la mise en place d’un dialogue national. Ce forum vise à jeter les bases d’un «Pacte social pour la paix», dans l’espoir de bâtir un consensus autour de la gestion du pays.
Dans ce cadre, Mgr Donatien Nshole et le Révérend Eric Nsenga, porte-paroles respectifs de la CENCO et de l’ECC, ont rencontré jeudi Matata Ponyo Mapon, autorité morale du Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD) et Alliés, au siège du Congo Challenge, situé sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa. Cette rencontre s’inscrit dans une série d’échanges initiée par les deux confessions religieuses, qui multiplient les contacts avec les principaux acteurs politiques et sociaux du pays avant le lancement officiel du dialogue national.
À l’issue de la réunion, Mgr Donatien Nshole a pris la parole devant la presse pour expliquer les motivations de cette démarche et l’importance d’une concertation approfondie avant d’engager le pays dans un nouveau processus de dialogue.
«Comme vous le savez, nous sommes en train de consulter les leaders sociopolitiques afin de partager et d’échanger sur le forum national que nous projetons. L’objectif est d’obtenir un consensus national sur la gestion du pays, de manière à renforcer la cohésion nationale et à établir un véritable pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble», a-t-il déclaré.
Il a insisté sur l’approche méthodique adoptée par la CENCO et l’ECC, expliquant qu’il ne s’agit pas de se précipiter dans un dialogue sans avoir recueilli les différentes opinions et propositions des parties prenantes. «On ne peut pas se lancer dans ce processus sans écouter tout le monde, sans recueillir les avis des uns et des autres. C’est pour cela que nous sommes venus rencontrer LGD et Alliés », a-t-il ajouté.
UNE CONTRIBUTION SIGNIFICATIVE DU LGD ET ALLIES
Lors de ces échanges, Matata Ponyo Mapon et son regroupement politique LGD et Alliés ont présenté des documents de travail détaillant leur vision du dialogue national. Un apport que Mgr Nshole a salué avec intérêt.
«Nous avons admiré leur proactivité. Ils savaient déjà pourquoi nous venions, ils ont travaillé et nous ont remis de précieux documents. Rien que les titres de ces documents montrent combien leur contribution est précieuse pour aller vers un dialogue politique constructif», a-t-il souligné.
La nature même de ce dialogue suscite de nombreuses interrogations dans l’opinion publique : S’agit-il d’un dialogue visant un partage de pouvoir entre les acteurs politiques ou d’une véritable démarche en faveur de réformes profondes ?
À cette question, Mgr Nshole a tenu à apporter des clarifications : «Mais quel type de dialogue voulons-nous ? Un simple partage de gâteau? Un arrangement politique opportuniste ou un véritable engagement pour transformer la gestion du pays ? »
Selon lui, LGD et Alliés ont apporté une analyse approfondie des causes profondes de la crise congolaise, en identifiant des éléments politiques, économiques et socio-culturels. Ils ont également proposé des réformes à court, moyen et long terme, visant à corriger les dysfonctionnements structurels du pays.
Parmi les documents remis par Matata Ponyo et son regroupement politique, figure notamment un mémorandum sur un dialogue national inclusif pour un Congo pacifique, stable et prospère, dans lequel sont détaillées des dispositions pratiques pour garantir le succès de ce processus.
Conscientes de la nécessité d’un dialogue réellement représentatif, la CENCO et l’ECC entendent poursuivre leurs consultations avec d’autres leaders politiques et sociaux afin de bâtir un consensus solide avant de lancer officiellement les travaux du dialogue national.
«Nous continuons d’écouter toutes les parties prenantes. Nous espérons qu’au terme de ces échanges, quelque chose de sérieux pourra être mis en place pour le bien de la nation», a assuré Mgr Nshole.
UN DIALOGUE SOUS HAUTE SURVEILLANCE DE L’OPINION PUBLIQUE
Si la démarche initiée par la CENCO et l’ECC est largement saluée, elle suscite également des interrogations et une certaine méfiance. L’histoire politique récente du pays a vu plusieurs dialogues déboucher sur des accords politiques temporaires, souvent motivés par des intérêts partisans et non par une volonté réelle de changement.
Le scepticisme est d’autant plus grand que la RDC est actuellement confrontée à de nombreux défis sécuritaires, économiques et sociaux, qui nécessitent des réformes profondes et non de simples arrangements politiques.
Dès lors, la réussite de ce dialogue dépendra de plusieurs facteurs : l’inclusivité réelle du processus : Toutes les forces vives du pays devront être impliquées, y compris la société civile et les acteurs économiques ; la sincérité des participants : Le dialogue ne devra pas être un prétexte pour négocier des postes, mais un cadre de discussion en vue de réformes structurelles ; le suivi des recommandations : Il faudra éviter que ce dialogue ne soit une simple rencontre sans impact réel sur la gouvernance du pays.
UN PARI RISQUE MAIS NECESSAIRE
La CENCO et l’ECC jouent une carte délicate en prenant l’initiative de ce dialogue national. Leur crédibilité repose sur leur capacité à garantir un processus transparent, inclusif et porteur de véritables réformes.
Dans un pays où les crises politiques se succèdent et où la population attend des changements concrets, l’heure n’est plus aux discours, mais à l’action. Ce dialogue national sera-t-il un simple épisode de plus dans la longue série des concertations politiques congolaises, ou marquera-t-il un véritable tournant vers une refondation de la gouvernance nationale ?
L’avenir nous le dira.
Hugo Tamusa