L’évolution de l’économie nationale à fin mai 2025 : les grands indicateurs (Congo Challenge)

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L’économie nationale affiche des signes contrastés à fin mai 2025, selon les dernières analyses de Congo Challenge. Si l’inflation hebdomadaire recule fortement (–78,5 %), le cumul annuel reste en hausse (+18,1 %), soulignant une désinflation encore fragile. Le taux de change se stabilise, avec une légère dépréciation sur le marché interbancaire, tandis que les réserves de change se maintiennent à 6,74 milliards USD. Du côté des finances publiques, un déficit budgétaire de 940,8 milliards CDF persiste, comblé par la trésorerie excédentaire. Dans un contexte marqué par des pressions économiques, la RDC poursuit son ajustement, entre stabilité relative et défis structurels. Voici la note technique de Congo Challenge, repris dans le n°97 de son Mensuel de mai 2025.

Les projections de Congo Challenge pour la quatrième semaine de mai 2025 montrent une modération de l’inflation, avec des évolutions contrastées selon les indicateurs. Le taux d’inflation hebdomadaire est estimé à 0,12 %, marquant une baisse significative de 78,52 % par rapport à 0,57 % enregistré à la fin avril 2025. En revanche, le taux d’inflation cumulée atteindrait 3,47 %, en hausse de 18,09 % par rapport au mois précédent où il était de 2,94 %. Concernant l’inflation en glissement annuel, elle est projetée à 9,14 % contre 9,96 % en avril, soit une réduction de 8,26 %. À ce rythme, Congo Challenge anticipe une inflation annuelle de 8,81 % d’ici décembre 2025, contre 9,11 % en avril, traduisant une désinflation progressive mais encore fragile.

Les projections de Congo Challenge pour mai 2025 font état d’une stabilité relative du taux de change, avec une légère dépréciation de 0,29 % sur le marché interbancaire, où le taux atteindrait 2 859,96 CDF/ USD, contre 2 851,78 CDF/USD en avril. En parallèle, une appréciation modeste de 0,15 % est attendue sur le marché parallèle, à 2 867,13 CDF/USD contre 2 871,57 un mois plus tôt. Par ailleurs, les réserves de change se maintiendraient à 6,74 milliards USD, assurant une couverture de 2,6 mois d’importations, signalant une stabilité nominale, mais aussi un manque de renforcement significatif de la position extérieure du pays dans un contexte de pressions économiques persistantes.- Au mois de mai 2025, les finances publiques de la RDC ont affiché une dynamique marquée par un déséquilibre budgétaire, avec des recettes mobilisées à hauteur de 1 201,3 milliards de CDF (soit 72,4 % des prévisions mensuelles), contre des dépenses atteignant 2 142,1 milliards de CDF (62,7 % d’exécution), dégageant un déficit mensuel de 940,8 milliards de CDF. Ce déficit a pu être absorbé par une portion de la trésorerie excédentaire antérieure. La mobilisation des recettes reste dominée par la DGI (52,25 %), suivie par la DGDA (29,24 %) et la DGRAD (14,52 %), tandis que les décaissements ont prioritairement concerné les salaires, les investissements en infrastructures et les subventions. Par ailleurs, sur le marché intérieur, l’État a levé 35 millions USD via les titres publics à un taux d’intérêt moyen de 9,6%, portant l’encours à plus de 5 165 milliards CDF, signalant une gestion proactive mais contraignante du financement budgétaire.

Enfin, l’actualité économique du mois de mai 2025 a été marquée par plusieurs faits notables : (i) analyse de la non-concordance entre les licences d’importation et les entrées douanières en RDC : un enjeu de gouvernance commerciale; (ii) loi de Finances rectificative 2025 : un budget de combat à l’efficacité discutable; (iii) multiplication des établissements publics non budgétisés en RDC : une dérive administrative aux lourdes implications macroéconomiques.

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Dynamique des prix 

Les projections de Congo Challenge indiquent que la dynamique de l’inflation se serait modérément décélérée en mai 2025, mais devrait rester très forte pendant une longue période, comparativement à avril 2025. Comme l’indique le tableau ci-dessous, les prix continueraient de diminuer en mai 2025.

En effet, pour ce qui est du taux d’inflation hebdomadaire, il table sur une inflation de 0,12% à la quatrième semaine du mois de mai 2025, soit une baisse de 78,52% comparée à celui enregistré à la clôture d’avril  2025 où ce taux s’était fixé à 0,57%.

Quant au taux d’inflation cumulée, il se fixerait à 3,47% à la quatrième semaine de mai 2025 contre 2,94% un mois plutôt, soit une variation positive de 18,09%.

S’agissant de l’inflation en glissement annuel, les projections de Congo Challenge indiquent que l’inflation en glissement annuel s’établirait à 9,14% à la quatrième semaine de mai 2025 contre 9,96% un mois plutôt, soit une baisse de 8,26%. A ce rythme, nos projections tablent sur un niveau d’inflation de 8,81% en fin d’année 2025 contre 9,11% réalisé en avril 2025.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer la décélération des prix observée entre avril 2025 et mai 2025. Il pourrait s’agir de :

— Baisse des prix des matières premières (baisse de l’inflation importée). La RDC, en tant que pays importateur net de matières premières, notamment de produits alimentaires, de carburants et de produits manufacturés, a bénéficié de la baisse des prix de ces matières premières. Cette réduction des coûts d’importation a contribué à atténuer les pressions inflationnistes, rendant certains produits plus abordables pour les consommateurs.

— Meilleure coordination entre la Banque centrale du Congo et le gouvernement. Une réduction du financement monétaire par la BCC, un meilleur contrôle de la chaîne des dépenses et une limitation des dépenses non essentielles ont permis de réduire l’excédent de francs congolais en circulation.

Cette stratégie a contribué à stabiliser le rythme de l’inflation, soutenant ainsi un environnement économique plus stable.

Dans l’ensemble, les anticipations d’inflation à moyen terme demeurent non ancrées au niveau de la cible d’inflation de la BCC (soit 7%) et les risques à la hausse de l’inflation pourraient provoquer des nouvelles tensions sur les coûts de l’énergie et des produits alimentaires.

Taux de change et réserves de change

Les projections de Congo Challenge indiquent une légère appréciation du taux de change en avril 2025. Sur le marché interbancaire, ce taux s’établirait à 2 859,96 à la quatrième semaine du mois de mai contre 2 851,78  en fin avril 2025, soit une dépréciation de 0,29%.

Sur le marché parallèle, le taux de change se situerait à 2 867,13 à la quatrième semaine de mai 2025 contre 2 871,57 en avril 2025, soit une appréciation 0,15%.

En ce qui concerne les réserves de change, les projections de Congo Challenge indiquent une stagnation entre mars et avril 2025. Évaluées à 6 338,33 millions d’USD en avril 2025, les réserves n’ont pas enregistré de progression notable en mai. En termes de couverture des importations, elles demeureraient à 2,42 mois, traduisant une stabilité relative, mais soulignant également l’absence de renforcement de la position extérieure du pays malgré les besoins accrus de résilience macroéconomique.

Finances publiques

La note de conjoncture de la Banque Centrale du 23 mai nous renseigne que la balance des recettes de l’État a enregistré des recettes totales de l’ordre de 1 201,3 milliards de CDF, entièrement mobilisées par les régies financières, correspondant à un taux de réalisation de 72,4 % de leurs prévisions mensuelles. Conjointement, les dépenses publiques se sont tablées à 2 142,1 milliards de CDF, soit un taux d’exécution de 62,7 % par rapport à la prévision mensuelle. Il est ainsi constaté un déficit mensuel de 940,8 milliards. Ce déficit peut entièrement être financé par une quotité de la marge de trésorerie antérieurement constituée.

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La répartition des recettes publiques en date du 23 mai s’établissait comme suit : la Direction Générale des Impôts (DGI) a contribué à hauteur de 675,7 milliards de CDF, soit 52,25 % des recettes totales ; la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) a collecté 351,3 milliards de CDF, correspondant à 29.24 % des recettes totales ; et enfin, la Direction générale des recettes administratives et domaniales (DGRAD) a enregistré une collecte de 174,4 milliards représentant 14,52 % du total des recettes.

Durant le mois de mai 2025, les dépenses publiques ont affiché un total de 2 142,1 milliards de CDF. Cette enveloppe a été distribuée selon la répartition ci-après : 427,8 milliards de CDF ont été consacrées au paiement des salaires des agents et fonctionnaires de l’État ; 214,8 milliards de CDF à titre de frais de fonctionnement des institutions et ministères ; les subventions se sont chiffrées à 138,5 milliards de CDF ; enfin, les dépenses en capital se sont élevées à 405,7 milliards de CDF contre 500,1 milliards des prévisions pour le mois.

La majeure partie de ces décaissements a été destinée à la réhabilitation et à l’amélioration des infrastructures, ainsi qu’à l’acquisition de matériels et divers équipements.

Sur le marché intérieur, le 20 mai 2025, le Gouvernement a accepté l’ensemble des offres reçues lors de l’adjudication, soit un total de 35 millions de dollars américains. Le taux de couverture s’est élevé à 116,7 %, avec un taux d’intérêt moyen de 9,6 %. À la date du 22 mai, l’encours total des titres publics atteignait ainsi 5 165,3 milliards de francs congolais.

Avec Mensuel Congo Challenge (Mai 2025)

 

Loi de Finances rectificative 2025 : un budget de combat à l’efficacité discutable

Lors de la 44e réunion du Conseil des ministres présidée par le Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le ministre d’État, ministre du Budget, Aimé Boji Sangara, a présenté le projet de loi de finances rectificative pour l’exercice budgétaire 2025. Ce collectif budgétaire, adopté après examen et délibération, prévoit un budget révisé à l’équilibre en recettes et en dépenses, à hauteur de 50 691,8 milliards de francs congolais, soit environ 17,2 milliards de dollars américains. Cette révision représente un ajustement à la baisse de 1,7 % par rapport à la loi de finances initiale, qui s’élevait à 51 553,5 milliards de FC.

Ce recalibrage budgétaire repose sur un nouvel ancrage macroéconomique, intégrant des hypothèses actualisées, notamment une croissance du PIB réel projetée à 5,3 %, une inflation moyenne attendue à 8,8 % (et 7,8 % en glissement annuel en fin de période), ainsi qu’un taux de change moyen stabilisé autour de 2 859,2 FC/USD. Le PIB nominal, quant à lui, est désormais estimé à 239 489,7 milliards de FC, traduisant un ajustement des anticipations de performance économique.

Malgré une érosion de la pression fiscale, qui recule de 15,1 % à 12,5 % en raison d’une contraction des recettes courantes, le ministre d’État a insisté sur le caractère stratégique de cette loi rectificative, qualifiée de « budget de combat ». Celui-ci ambitionne de répondre aux impératifs sécuritaires, humanitaires et sociaux dans un contexte marqué par des contraintes budgétaires accrues, exacerbées par l’instabilité dans l’est du pays et les pressions inflationnistes persistantes.

Ce collectif budgétaire intègre plusieurs axes prioritaires du Gouvernement, notamment :

— La montée en puissance des allocations en faveur du secteur Défense et Sécurité, dans un contexte de résilience nationale face aux agressions armées ;

— La poursuite des efforts de maîtrise de la dépense publique à travers une rationalisation rigoureuse des charges récurrentes de l’État ;

— Le renforcement de la diplomatie proactive et des actions humanitaires ;

— La poursuite de la mise en œuvre du programme national DDRCS (Désarmement, Démobilisation,

Réinsertion communautaire et Stabilisation) ;

— Et l’opérationnalisation du Fonds d’Investissement Stratégique (FIS), outil catalyseur de la transformation structurelle de l’économie.

Ce collectif ne se limite pas aux enjeux conjoncturels. Il consacre également des ressources substantielles à la consolidation des réformes sociales engagées par l’exécutif : gratuité de l’enseignement primaire, mise en œuvre progressive de la couverture santé universelle via la gratuité de la maternité, poursuite du Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T), diversification économique et protection du pouvoir d’achat des ménages.

Sur le plan de la soutenabilité budgétaire, ce projet reste aligné avec les engagements souscrits dans le cadre du programme triennal conclu avec le Fonds Monétaire International (FMI). Le maintien de l’objectif de solde budgétaire intérieur témoigne de la volonté du Gouvernement de préserver la stabilité macroéconomique tout en renforçant l’espace budgétaire en faveur des secteurs prioritaires.

Afin de garantir le financement intégral du budget rectificatif, le Gouvernement compte sur un appui budgétaire complémentaire de la Banque mondiale à hauteur de 165,4 millions USD, s’ajoutant aux 500 millions USD déjà prévus dans la loi initiale, portant l’appui global de cette institution à 665,4 millions USD.

En parallèle, un financement additionnel du FMI, estimé à 266,7 millions USD au titre des mécanismes FEC (Facilité élargie de crédit) et FRD (Facilité de Résilience et de Durabilité), est attendu pour soutenir l’effort d’investissement public, en particulier dans les infrastructures et les filets sociaux.

À l’issue de son adoption en Conseil des ministres, le projet de loi de finances rectificative 2025 sera prochainement transmis à l’Assemblée nationale pour examen en commission, débat en plénière et adoption définitive. Cette étape sera déterminante pour garantir une exécution budgétaire en phase avec les priorités nationales et les engagements internationaux du pays.

Analyse critique de la loi de finance rectificative et recommandations

Malgré les efforts affichés par le Gouvernement dans le cadre de la loi de finances rectificative 2025, plusieurs insuffisances structurelles méritent d’être soulevées, tant dans l’orientation stratégique que dans la discipline budgétaire effective. En premier lieu, l’objectif de rationalisation des dépenses publiques, tel qu’annoncé dans la présentation du « budget de combat », semble en décalage manifeste avec les pratiques budgétaires observées. En effet, la multiplication des structures étatiques créées sans évaluation rigoureuse de leur utilité ou de leur efficience institutionnelle soulève de sérieuses interrogations sur la rigueur de la gestion publique. Plusieurs organes nouvellement établis apparaissent davantage comme des duplications administratives à visée politique que comme des instruments efficaces d’action publique. Cette prolifération dilue les ressources publiques, complexifie l’architecture institutionnelle et augmente inutilement les charges de fonctionnement.

De plus, le maintien d’un nombre élevé de ministères – supérieur à 40 – dans un contexte de guerre hybride et d’austérité budgétaire, s’avère peu cohérent. Une telle structure gouvernementale alourdit considérablement le budget de fonctionnement, notamment en frais de personnel, logistique, sécurité, missions et autres charges connexes, alors que la situation sécuritaire dans l’Est du pays exige justement une réallocation des ressources vers les secteurs régaliens et prioritaires. En période de crise, une réduction significative du périmètre gouvernemental aurait permis de réaliser des économies d’échelle et de réorienter les moyens vers les impératifs stratégiques : défense, santé, aide humanitaire et réformes institutionnelles.

En outre, les dépenses militaires, bien qu’en augmentation, ne semblent pas structurées autour d’une stratégie crédible de dissuasion. Les ressources allouées n’ont pas encore permis de restaurer la capacité opérationnelle des forces armées congolaises de manière dissuasive vis-à-vis des groupes armés et de leurs soutiens. L’absence de résultats tangibles sur le terrain appelle à une meilleure gouvernance sécuritaire, fondée sur des investissements plus ciblés, une transparence accrue et une coordination renforcée entre l’appareil militaire, les services de renseignement et les acteurs diplomatiques.

Par ailleurs, la baisse sensible du taux prévisionnel de pression fiscale à 12,5 %, contre 15,1 % initialement, traduit une faiblesse structurelle de l’administration fiscale et douanière. Une telle révision à la baisse reste peu réaliste au regard du potentiel fiscal du pays, surtout dans un contexte d’élargissement de l’assiette possible par la digitalisation, la lutte contre la fraude et l’élargissement de la base contributive. Ce recul constitue une régression par rapport à l’objectif de soutenabilité budgétaire et compromet la capacité du pays à financer de manière autonome ses politiques publiques. Il est impératif que le Gouvernement revoie ses projections à la lumière des marges de mobilisation fiscale encore inexploitées, notamment dans les secteurs miniers, télécoms, informels structurés et services numériques.

Face à ces constats, plusieurs recommandations s’imposent. D’abord, une revue fonctionnelle indépendante des structures gouvernementales et parapubliques devrait être conduite afin d’évaluer leur pertinence, leur efficacité et leur alignement avec les priorités stratégiques du pays. Cette démarche permettrait d’identifier les institutions redondantes ou inefficaces à supprimer ou à fusionner, réduisant ainsi la charge récurrente du budget.

Ensuite, une réduction du nombre de ministères à un format resserré et cohérent avec les capacités budgétaires actuelles est urgente. Une gouvernance de crise exige un exécutif allégé, axé sur les missions fondamentales de l’État. Cela inclut notamment les ministères régaliens, les secteurs sociaux clés, l’économie et les infrastructures stratégiques.

Sur le plan sécuritaire, il est nécessaire de restructurer l’investissement militaire pour le recentrer autour d’une doctrine de dissuasion efficace, intégrant le renseignement, la technologie de défense, la logistique, et les partenariats bilatéraux avec des pays disposant d’expertises avérées en guerre asymétrique. L’objectif doit être de restaurer la crédibilité de l’armée nationale et de reconquérir durablement les zones sous occupation.

Parallèlement, une réforme profonde de la politique fiscale s’impose. Il convient de renforcer l’administration fiscale et douanière, notamment à travers la numérisation, la traçabilité des transactions, la mise en réseau des régies financières et la répression des circuits de fraude. Une stratégie de fiscalité inclusive devrait également cibler l’intégration progressive du secteur informel structuré, des professions libérales et de certaines niches fiscales jusqu’ici peu exploitées.

Enfin, la réussite de ces mesures requiert un engagement fort en faveur de la transparence budgétaire et de la participation citoyenne. La publication trimestrielle des rapports d’exécution budgétaire, la mise en place d’un tableau de bord interactif des grands projets publics, ainsi que le renforcement des organes de contrôle parlementaire et juridictionnel (Cour des comptes, IGF, etc.) seraient des signaux forts de volonté politique.

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