Lettre ouverte à l’attention de Denis Kadima Kazadi, président de la CENI

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Nos cinq questions fondamentales pour la sortie de crise électorale en République Démocratique du Congo.
Monsieur le président, L’évolution non rassurante du processus électoral en
République Démocratique du Congo suscite moult interrogations et conforte les incertitudes quant à l’issue chaotique des élections attendues en décembre 2023 sur toute l’étendue de la RDC.
Après une année d’essais-erreurs inadmissibles dans un domaine de très haute sensibilité politique et de ferme exigence professionnelle comme celui des élections, il nous revient de soumettre à votre autorité quelques préoccupations d’intérêt général ci-après afin de nous édifier sur l’état du processus électoral:

I. Pourquoi aviez-vous souscrit à candidater au poste de président de la CENI sans en remplir les conditions pratiques d’expérience exigées ?

  1. L’éloquence très élogieuse de votre parcours dans l’accompagnement des processus électoraux en Afrique et dans le reste du monde vient d’être trahie par l’accumulation de bourdes infractionnelles dans la conduite de l’opération d’identification et enrôlement des électeurs qui se clôture incessamment dans les 10 provinces de la première aire opérationnelle de la zone ouest. Des faiblesses graves et jamais constatées dans la gestion d’un cycle électoral classique voient le jour sans émouvoir l’administration électorale. Il s’agit notamment de :
  • le non-respect de la loi n°04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et enrôlement des électeurs en République Démocratique du Congo telle que modifiée et complétée par la loi n°16/007 du 29 juin 2016 et par la loi n°18/007 du 27 juin 2018 en raison notamment du monnayage de l’opération dans certains centres, le trafic d’influence de certains leaders des partis politiques au pouvoir, etc.;
  • le cautionnement d’une campagne électorale précoce qui se déroule sans vergogne dans le périmètre même des Centres d’inscription des électeurs de la CENI…
  1. Les insuffisances criantes dans la planification technique de l’opération d’enrôlement des électeurs traduisent le niveau élevé d’impréparation et d’amateurisme du leadership de la CENI à conduire la machine électorale de la RDC. Ce fiasco inqualifiable a été reconnu par Monsieur Denis Kadima Kazadi au cours d’une interview avec la radio Top Congo FM. En affirmant que la CENI navigue à vue, le leadership de la CENI s’est auto-disqualifié. Idéalement, l’administration électorale congolaise devrait se dessaisir de la gouvernance électorale afin d’aider la nation à stabiliser plus efficacement le processus électoral.

II. Pourquoi persévérez-vous dans l’accentuation de la crise politique du pays ?

  1. Nous avons déploré la fissure de la plateforme des confessions religieuses de la République Démocratique du Congo à la suite de l’élection du président de la CENI sous très haute surveillance politique et financière du pouvoir. Pour la toute première fois dans l’histoire de la RDC, le nom d’un candidat président de la CENI a divisé les plus importantes communautés religieuses du pays laissant des cassures (plaies) non cicatrisables jusqu’à ce jour.
  2. Le processus de désignation, entérinement, investiture et installation de l’actuelle équipe dirigeante de la CENI a été entaché d’irrégularités et violations flagrantes des lois de la République. Le passage en force du président de la CENI et des pseudos délégués de l’opposition en qualité de membres de la centrale électorale, n’a fait qu’accentuer la méfiance vis-à-vis de l’institution de gestion des élections en République Démocratique du Congo. Cette crise de confiance ne favorise pas la poursuite régulière du cycle électoral congolais;
  3. La non-participation déclarée de certains partis de l’opposition politique aux opérations d’identification et enrôlement des électeurs que la CENI semble prendre à la légère, est signe de la défectuosité avérée de la qualité des élections en cours d’organisation. Cet état de choses altère la saveur des élections et sacrifie le principe d’inclusivité attendu du processus électoral.
  4. Le penchant visible de l’actuelle CENI envers les partis et regroupements politiques au pouvoir et son insensibilité vis-à-vis des doléances de l’opposition confisquent au processus toutes ses chances de bonne cohésion électorale;

III. Au cas où vous rejetteriez toute idée de démissionner de vos fonctions suite à votre incompétence de gérer la CENI, comment comptez-vous corriger les incongruités opérationnelles liées à l’enrôlement et qu’allez-vous faire pour combler vos propres lacunes de gestion du processus avant les grandes échéances de décembre 2023 ?

  1. Le leadership de la CENI étant reconnu dans son obstination à conduire le processus par défi et en faveur d’un seul camp politique, devrait se ressaisir en levant des options courageuses de sauvetage du processus électoral. Entre autres options fondamentales, nous citons :
  • la démission collective des 15 membres de la CENI et leur remplacement par des personnalités issues d’une procédure régulière de désignation par les entités concernées;
  • la suspension préventive de l’opération d’identification et enrôlement des électeurs afin de corriger les imperfections techniques et opérationnelles qui handicapent ladite opération. Dans cet ordre d’idées, il est préférable que la CENI prochainement recomposée change de fournisseur de la carte d’électeur pour doter l’institution d’équipements fiables et plus modernes offrant une carte d’électeur moins polémique.
  1. Il a été noté que la conduite de l’opération d’identification et enrôlement des électeurs par l’actuelle CENI n’est pas appréciée par tous les partis politiques de la majorité. Certains leaders de l’Union Sacrée n’ont pas hésité de dénoncer les insuffisances techniques, logistiques et technologiques dans les centres d’inscription.

IV. Pourquoi persévérez-vous dans l’isolement de la société civile spécialisée dans les questions électorales?

  1. La mise à l’écart de la Société civile congolaise dans l’accompagnement et le suivi du processus électoral est une entorse inqualifiable et un manquement nocif à la loi.
  2. Le partenariat sélectif conclu avec certaines structures alimentaires de la Société civile ou encore celles travaillant dans l’accompagnement du pouvoir actuel en violation des principes de collaboration reconnues ne fait qu’alimenter la méfiance et la contestation.
  3. Il en est de même des audiences négociées avec certaines parties prenantes dans l’objectif de simuler une quelconque adhésion au processus électoral, constituent une pratique manipulatrice de l’opinion publique qui ne correspond pas aux bonnes mœurs électorales.

V. Pourquoi cherchez-vous à vous cacher derrière le délai constitutionnel des élections sachant que le calendrier que vous avez publié est intenable ?

  1. Prétendre courir derrière le principe du respect du délai constitutionnel de l’élection présidentielle tout en accumulant des tares opérationnelles, des indélicatesses professionnelles, des barrières logistiques ainsi que des contraintes sécuritaires et financières est une mise en scène consistant à gagner du temps afin de s’éterniser aux commandes d’une CENI nauséabonde et détestable.
  2. La Constitution étant l’émanation du peuple congolais, elle ne peut s’adapter qu’aux attentes populaires. À cet effet, toute application intéressée de celle-ci violerait le principe de la liberté et libre choix des dirigeants de demain dans les meilleures conditions. Une CENI désavouée animée par des personnalités contestées ne peut s’appuyer sur la Constitution pour justifier toute diarrhée électorale.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments patriotiques.

Fait à Chicago, le 18 janvier 2023
Simaro Ngongo Mbayo
Président de la Commission Africaine pour la Supervision des Élections (CASE)
Expert, analyste et consultant international sur les questions électorales.

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