Hier encore, il passait pour l’un des rares modèles parmi les chefs d’Etat du continent. Il a suffi d’un discours de moins de dix minutes pour que le président sénégalais Macky Sall révèle à la face du monde son véritable visage : celui d’un dictateur en devenir. A quelques heures du lancement de la campagne électorale, le successeur d’Abdoulaye Wade a annoncé le report sine die de l’élection présidentielle du 25 février, et annoncé la tenue d’un dialogue national soit disant pour permettre l’organisation des scrutins dans un climat apaisé.
Les raisons avancées sont loin d’emporter la moindre conviction dans l’opinion sénégalaise, et africaine. Certes, Macky Sall a réitéré son engagement à ne plus se représenter, mais évoquer une enquête parlementaire en cours visant deux des sept membres de la Cour constitutionnelle soupçonnés de corruption dans le traitement des candidatures à la présidentielle reste on ne plus fallacieuse.
C’est à tort que l’on s’imaginerait que le dialogue projeté pourrait déboucher sur la relaxe des opposants détenus, tels Ousmane Sonko, leader du PASTEF dissous et Bassirou Diomaye Faye, ou la révision des dossiers de Karim Wade et Khalifa Sall écartés de la course à la présidentielle par la même Cour.
En renvoyant la présidentielle aux calendes grecques, Macky Sall est sur les pas de l’Ivoirien Alassane Outtara qui en est à son troisième mandat, justifié selon le RHDP, son parti politique, par la mort de son dauphin Amadou Gon Coulibaly à la veille des élections d’octobre 2020.
D’évidence, il doit estimer que ce qui est bon pour l’Ivoirien, voire le Congolais Sassou Ngueso ou pire, le Camerounais Paul Biya l’est tout autant pour lui. Le trio, confortablement installé sous le parapluie français qui s’effiloche déjà ailleurs dans l’ancien pré carré hérité du gaullien Michel Foccart, se croit intouchable à l’heure où le Sahel connaît une vague des coups d’Etat militaires et que les injonctions paternalistes du Quai d’Orsay ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Le spectaculaire revirement de Macky Sall fera date en Afrique francophone où l’anarchie postélectorale est la règle et le respect des exigences démocratiques l’exception. Pour tout dire, le président sénégalais sortant vient de poser le pire des exemples et d’ouvrir la voie à d’autres dictateurs en herbe. Et ils sont nombreux sur le continent noir qui rêvent de lui emboîter le pas sur le chemin glissant qui finit par donner des idées à la Grande Muette en embuscade.
Econews