Sur la scène internationale, les rapports des forces penchent plus en faveur de Kinshasa que de Kigali. Les lignes ont sérieusement bougé, donnant plus de galons à la diplomatie congolaise dans l’aventure militaire menée par les terroristes de M23 avec l’appui logistique du Rwanda. La levée de la sanction qui frappait la République Démocratique du Congo (RDC) sur l’achat d’armes, suivie de la condamnation par les Etats-Unis et l’Union européenne, ont mis finalement Kigali contre mur. Face à Kigali, Kinshasa a visiblement pris une longueur d’ravance.
Pour la stabilisation dans la région des Grands Lacs, Kinshasa a tout donné, espérant amener ses voisins, particulièrement ceux de l’Est à rejoindre cette dynamique. Sa bonne volonté d’emmener la paix par la voix diplomatique est évidente.
Si Kinshasa travaillait pour la stabilité de la région, Kigali avait plutôt des visées ailleurs. Le Rwanda a fini par abuser de la bonne voie de la RDC. Il a poussé le pion trop loin en soutenant un groupe terroriste, le M23. Avec son soutien, ce mouvement terroriste occupe une bonne partie de la province du Nord-Kivu.
Diplomatie à double vitesse
Si la RDC n’a jamais abandonné l’option militaire pour récupérer les territoires occupés de l’Est, il est cependant resté présent sur le front diplomatique.Des résultats palpables n’ont pas tardé à se faire remarquer. Le régime de notification sur les achats d’armes, imposé à la RDC depuis 2008, vient d’être levé.A Kigali, l’agitation gagne du terrain.
Pour son message de fin de l’année, le président Paul Kagame a perdu son sang-froid, visiblement embarrassé par le retournement de la situation en sa défaveur sur la scène internationale. Kagame est un homme seul. Comme Mobutu, au temps fort de la guerre froide, ses parrains sont en train de l’abandonner.
Suite à la diplomatie congolaise, le plan machiavélique du Rwanda est mis à nu. Depuis lors, la situation devient de plus en plus compliquée pour Paul Kagame. Sur le terrain diplomatique, Kinshasa a glané de bons points.
Kagame aux abois
Se sentant abandonné par ses pères, Kagame commence à crier sur tous les toits, cherchant des alibis pour détourner l’attention de la communauté internationale sur le vrai problème, c’est-à-dire son soutien avéré aux terroristes de M23.
S’exprimant depuis Kigali, dans son discours de fin d’année, Paul Kagamea cherchéà se laver, faisant croire à son peuple qu’il a tout fait pour ramener la paix dans la partie Est de la RDC. Décidément, il souffle le froid et le chaud – en intermittence. Il est aux abois.
Sur le terrain,Kigali continue à nier son implication. Kagame est allé jusqu’à remettre en cause la présence des troupes onusiennes en RDC, estimant que les Nations Unies ont «dépensé des dizaines de milliards de dollars dans des opérations de maintien de la paix (…) la situation sécuritaire dans l’Est du Congo-Rd est pire que jamais». Selon lui, la fragilité de la RDC relève de «l’entière responsabilité» des autorités de Kinshasa.
Une question vaut la peine d’être pausée. A quel niveau se situe la responsabilité des autorités de Kinshasa ? Seul le président rwandais peut y répondre.
Un rapport qui accable Kigali
Et pourtant tous les indicateurs prouvent au grand jour que Kigali est impliqué à 100% dans les actes terroristes perpétrés par le M23.
Dans un rapport publié en décembre 2022, des experts mandatés par les Nations Unies affirment avoir collecté des «preuves substantielles» démontrant «l’intervention directe des forces de défense rwandaises (RDF) sur le territoire de la RDC», au moins entre novembre 2021 et octobre 2022. Ce qui a poussé l’Union européenne a appelé clairement le Rwanda à «cesser de soutenir le M23». Mais à Kigali, on continu de nier. Pour eux, c’est de la « … la diffamation injustifiée à l’encontre du Rwanda».
Avec son soutien, le M23 a conquis au cours des derniers mois de vastes pans du territoire du Nord-Kivu, province congolaise frontalière du Rwanda, progressant jusqu’à quelques dizaines de kilomètres de Goma.
Le Rwanda a à plusieurs reprises imputé la responsabilité de la crise dans l’Est de la RDC aux autorités de Kinshasa et a accusé la communauté internationale de fermer les yeux sur son soutien supposé aux FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un mouvement de rebelles hutu rwandais dont certains impliqués dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda dont lui-même serait l’instigateur.
Présentée comme une menace par Kigali, l’existence et la violence de cette milice ont justifié les interventions rwandaises passées en territoire congolais.
Le Rwanda a de son côté accusé la RDC, où la présidentielle est prévue en décembre 2023, d’instrumenta-liser le conflit à des fins électorales et d’avoir «fabriqué» un massacre qui, selon une enquête des Nations unies, a été commis fin novembre par le M23 et a coûté la vie à au moins 131 civils dans les villages de Kishishe et Bambo, selon un bilan encore provisoire.
Des initiatives diplomatiques ont été lancées pour tenter de résoudre la crise de l’Est de la RDC où une force régionale Est-africaine, dirigée par le Kenya, a été déployée.
Le vendredi dernier, au nord de Goma, des combats ont encore opposé l’armée congolaise aux rebelles du M23. La présence rwandaise est encore signalée.
L’arrestation des espions rwandais à Kinshasa
Chaque jour qui passe, entre Kinshasa et Kigali, la tension monte d’un cran. Pas plus tard qu’il y a une semaine, les autorités congolaises annonçaient l’arrestation de «plusieurs espions» œuvrant pour les services rwandais dans une longue conférence de presse qui visait à détailler la personnalité, le parcours et les reproches adressés à ces quatre personnes dont les noms et les photos ont été publiés.
Selon les informations recoupées par les services congolais, le Rwanda chercherait à préparer une attaque contre le ¨résident de la République, Félix-Antoine Tshisekedi.
Réponse du berger à la bergère
Au lendemain de la présentation des espions rwandais arrêtés à Kinshasa, Kigali a annoncé, sans preuves évidentes, qu’un avion de chasse Sukhoi-25 des forces armées congolaises avait violé son espace aérien, le long du lac Kivu dans la province occidentale du Rwanda le même jour «vers 12h00 », avant de rentrer immédiatement en RDC.
Les autorités rwandaises ont une nouvelle fois protesté auprès du gouvernement de la RDC contre les violations de l’espace aérien rwandais par les avions de chasse de la RDC.
A Kinshasa, le Gouvernement a balayé d’un revers ces fausses accusations de Kigali.
Entre une diversion et revendication, toutes les sorties médiatiques du président rwandais affirment son implication directe dans ce qui se passe dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Tantôt il affirme ne pas être impliqué, tantôt, ils sont là pour pourchasser les FDLR. A quoi doit-on croire ? La vérité est sortie au grand jour.
Que doit-on dire encore ? Les preuves sont là. Kigali soutien bel et bien le M23, un groupe armé terroriste qui massacre des civils congolais non armés. Il opère sous couvert du M23 sur le territoire congolais.
Face à cette situation, la RDCest en droit non seulement de dénoncer le comportement deson voisin, le Rwanda, mais aussi de se défendre C’est l’option levée par Kinshasa, sans cependant se détourner du volet diplomatique
Crier, crier sur tous les toits, seule la voix de la raison triomphe », se dit-on à Kinshasa, alors qu’à Kigali, la panique gagne l’entourage de Paul Kagame.
Tighana M.