Le cessez-le-feu de Luanda déjà en péril

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À peine adopté, le mardi 30 juillet 2024 à Luanda, sous l’égide du Président angolais João Lourenço, le cessez-le-feu prévu pour entrer en vigueur ce dimanche 4 août à minuit a déjà été mis à mal. Sur le terrain des opérations, les forces de la coalition AFC-M23/RDF continuent leur avancée, exacerbant les craintes d’un conflit prolongé dans la province du Nord-Kivu, dévastée par des décennies de violence. En dépit des espoirs placés dans cet accord de paix, les combats persistent, avec des rapports faisant état de la conquête par les groupes armés des localités de Nyamilima et de la cité frontalière d’Ishasha ce week-end. Les forces rebelles poursuivent leur offensive vers le grand nord de la province, faisant craindre un nouvel embrasement. La question demeure : que vaut finalement l’accord de Luanda alors que les tirs résonnent au cœur du Nord-Kivu ?

Moins d’une semaine après la rencontre de Luanda (Angola) qui a réuni autour du médiateur angolais les chefs des diplomaties congolaise et rwandaise et qui s’est conclue par une déclaration de cessez-le-feu dans le conflit au Nord-Kivu, rien ne semble indiquer que les M23/RDF en font grand cas. Le cessez-le-feu donné pour entrer en vigueur le 4 août à minuit est violé par les forces d’agression qui mettent à profit ces heures de flottement pour occuper de nouvelles localités dans les heures qui ont précédé et qui ont suivi l’échéance. Nyamilima samedi et l’important poste frontalier d’Ishasha dimanche sont autant d’indications sur l’inanité des pseudo-négociations impliquant le Rwanda. A force de rester accroché au «Processus de Luanda», et sachant que le Rwanda n’envisage nullement le retrait de son corps expéditionnaire, le gouvernement de Kinshasa court le risque d’un enlisement d’un conflit sans issue qui profite aux auteurs connus du pillage des ressources naturelles du Nord-Kivu.

Le communiqué final sanctionnant la rencontre entre la ministre congolaise des Affaires étrangères Thérèse Batukapwa Wagner et son homologue rwandais Oliver Nduhundirehe le mardi 30 juillet à Luanda portait déjà lui-même les germes d’un échec programmé.

D’une part, le document annonçant le cessez-le feu ne mentionnait pas le M23 ni les troupes rwandaises, se contentant d’évoquer des «parties» qui devaient se conformer à une cessation des hostilités pour une durée non déterminée.

De l’autre, le M23 a aussitôt déclaré ne pas être concerné par des conclusions d’une négociation à laquelle il n’était pas convié. Par ailleurs, que la plénipotentiaire congolaise ait apposé sa signature au bas d’un document affirmant, une fois de plus, la mise en route d’un plan de désengagement des rebelles rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) apparaît comme un piège constamment tendu par le Rwanda aux autorités congolaises contraintes à leur insu à reconnaître leur proximité avec les «génocidaires» rwandais.

Les pertes successives de Nyamilima samedi et d’Ishasha dimanche sont la démonstration, voire un message clair envoyé à Kinshasa enlisé dans une détermination trompeuse d’obtenir, avant toute négociation au plus niveau, le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais.

CHANGER DE NARRATIF

Les appels répétés de la Société civile du Nord-Kivu dénonçant la duplicité des autorités rwandaises ne semble pas toujours trouver d’écho à Kinshasa, où le gouvernement préfère attirer l’attention sur la puissance de désinformation des milieux proches du Rwanda qui seraient parvenus à infiltrer une majeure partie des canaux informationnels congolais, avec à la clé des menaces à peine voilées contre la diffusion d’informations souvent véridiques.

Après plusieurs intentions de cessez-le-feu inaugurées par la feuille de route de Luanda en novembre 2022, et une série de proclamations similaires dont l’une des dernières en date est celle annoncée par le Département d’Etat américain, rien ne semble arrêter les M23/RDF, qui campent sur leur position demeurée inchangée : celle des négociations directes avec le gouvernement congolais. Ce à quoi ce dernier rétorque qu’il n’est pas disposé à négocier avec une force qualifiée de terroriste. Le processus de Luanda qui devrait aboutir par un tête-à-tête entre les présidents Tshisekedi et Kagamé restant conditionné par le retrait sans condition des troupes rwandaises, le désarmement, la démobilisation des M23 et le cantonnement de ces derniers au mont Sabinyo dans le cadre du Programme P-DDRCS.

A Kinshasa cependant, l’on reste conscient que la progression des dernières heures des M23/RDF vise à occuper davantage de territoire dans la perspective d’une improbable négociation où ils se présenteraient en position de force, sachant qu’un cessez-le feu signifie un gel des positions occupées avec tout ce que cela comporte d’avantages de prédation au profit de puissances étrangères.

Les autorités congolaises réagissent avec inquiétude face à cette situation qui remet en question la viabilité de l’accord. «Il est inacceptable que les promesses de paix soient ainsi bafouées», a déclaré un responsable militaire qui a requis l’anonymat. La portée de l’accord de Luanda, censé réduire les tensions et instaurer un dialogue constructif, semble s’effriter face à la réalité des combats sur le terrain.

La coalition AFC-M23/RDF, qualifiée par le gouvernement congolais de «terroriste», a fait de la région du Nord-Kivu son bastion. Les récents succès militaires de cette coalition soulignent non seulement la fragilité de la sécurité dans la région, mais aussi l’inquiétude croissante parmi les populations civiles qui subissent les conséquences directes du conflit.

ECONEWS

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