L’Assemblée nationale a rendu un verdict à deux vitesses ce [jour] : le ministre de la Justice Constant Mutamba, livré à la justice pour un présumé détournement de 39 millions USD dans le scandale de la prison de Kisangani, tandis que l’ancien ministre des Finances Nicolas Kazadi échappe miraculeusement à toute poursuite. Une décision qui révèle les contradictions d’un système où justice et politique font souvent mauvais ménage, alors que Mutamba voit sa carrière ministérielle toucher à sa fin.
L’Assemblée nationale a rendu son verdict, et le contraste est saisissant. D’un côté, Constant Mutamba, Garde des sceaux et ministre de la Justice, livré à la Cour de cassation pour répondre d’un éventuel détournement de 39 millions de dollars dans l’affaire de la prison fantôme de Kisangani. De l’autre, Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances, épargné par le véto d’une commission parlementaire, malgré les soupçons qui pèsent sur sa gestion. Deux poids, deux mesures ?
La séance du dimanche à l’Assemblée nationale ressemble moins à un triomphe de la justice qu’à un règlement de comptes politique, où les règles du jeu semblent dictées par les alliances et les rapports de force plutôt que par l’équité.
Mutamba, victime expiatoire d’un système ?
Constant Mutamba, en théorie garant de l’indépendance judiciaire, se retrouve aujourd’hui dans une position ironique : c’est lui qui devra comparaître pour un dossier où les procédures légales auraient été bafouées. Les députés ont suivi le réquisitoire du procureur général Firmin Mvonde, et leur décision est sans appel.
Pourtant, on peut s’interroger : pourquoi cette affaire a-t-elle pris une telle tournure, alors que d’autres scandales similaires sont étouffés ? Mutamba paierait-il le prix de son isolement politique, ou bien est-il simplement le maillon faible d’un système qui a besoin, de temps en temps, d’un sacrifice pour faire illusion ?
Kazadi, l’homme qui échappe toujours au couperet
Nicolas Kazadi, lui, bénéficie d’une immunité tacite. La commission parlementaire a bloqué toute poursuite, sans explication claire. Est-ce parce que ses soutiens sont plus solides ? Parce que son dossier est moins médiatisé ? Ou simplement parce que les députés ont estimé qu’un ancien ministre des Finances était trop précieux pour être sacrifié ?
Quoi qu’il en soit, cette décision envoie un message dangereux : dans la République Démocratique du Congo, la justice ne frappe pas de la même manière selon que l’on est protégé ou non.
Un signal inquiétant pour la lutte contre la corruption
Si l’on peut se réjouir que certains responsables soient enfin tenus de rendre des comptes, la sélectivité des poursuites mine la crédibilité de l’ensemble du processus. La lutte contre la corruption ne peut être efficace que si elle est impartiale. Or, ce qui s’est joué hier à l’Assemblée ressemble davantage à une mise en scène qu’à une véritable volonté d’assainissement.
Mutamba sera-t-il le seul à payer pour un système bien plus vaste ? Kazadi et d’autres continueront-ils à naviguer en eaux troubles sans jamais être inquiétés ? Ces questions restent en suspens, mais une chose est sûre : tant que la justice sera instrumentalisée à des fins politiques, la confiance des Congolais dans leurs institutions ne sera pas restaurée.
La balle est désormais dans le camp de la Cour de cassation. Gageons qu’elle saura, au moins dans le cas Mutamba, démontrer que la justice peut encore fonctionner – malgré les calculs politiciens.
Econews