La question cruciale de l’énergie et de son impact sur l’investissement minier est, une fois de plus, mise en lumière lors de la 7ème édition de la Conférence sur l’énergie, qui se déroule du 9 au 11 mai 2024 au prestigieux Katebi Lodge, situé dans la province du Lualaba en République Démocratique du Congo. En effet, pour la seule région du Grand Katanga, un déficit énergétique de 2.000 MW a été constaté, soulignant l’urgence d’agir pour corriger cette lacune.
Face à cette situation préoccupante où le déficit en énergie électrique continue de se creuser de manière inexorable, les participants ont, à l’ouverture de cette conférence ont unanimement appelé à une «volonté politique inébranlable» pour stimuler les investissements dans un secteur crucial en pleine expansion.
A l’initiative de la FEC (Fédération des entreprises du Congo), les participants venus de divers secteurs réfléchissent cette année sur les nouvelles sources d’énergie électrique en RDC. Il ne s’agit pas seulement d’explorer les nouvelles infrastructures du secteur de l’énergie, mais aussi celles à réhabiliter, disséminées à travers toute la République. Comme toujours la SNEL (Société nationale d’électricité), opérateur public du secteur, a marqué sa présence par une délégation de haut rang conduite par le président de son Conseil d’administration.
Si la conférence est une occasion des échanges entre opérateurs du secteur, il donne aussi l’opportunité de visiter certains projets innovants. C’est dans ce cadre que les organisateurs ont prévu la visite ce vendredi 10 mai de deux projets énergétiques innovants, notamment la Centrale hydroélectrique de Busanga, mise en service récemment dans le cadre du contrat chinois de 2008, et la Centrale solaire de Lumbwe dans la cité de Fungurume, développé par le Congolais Eric Monga, vice-président de la FEC en charge de l’énergie.
L’Etat congolais doit bien jouer le jeu
Comme toujours, dans les challenges qui s’offrent au secteur de l’énergie et les solutions à y apporter, l’ancien directeur général de la SNEL, Vika di Panzu, premier à ouvrir la série de panels est, une fois de plus, revenu sur le rôle central de l’Etat dans le développement du secteur.
«L’énergie est le socle de tout développement économique d’un pays. D’années en année, nous prenons des engagements, mais les actions sont loin des attentes», s’est cependant plaint M. Vika di Panzu, «si bien que, dans la région, des pays qui étaient autrefois importateurs de l’énergie sont devenus producteurs et dépassent largement la RDC où le déficit en énergie électrique ne cesse de s’agrandir, malgré l’immense potentiel de ce secteur».
D’où, sa question : «Comment arrêter le paradoxe d’un faible taux de desserte en électricité et les immenses potentialités dont dispose le pays ?»
Aussi, espère-t-il que cette conférence sur l’énergie, septième de la série, servira de «sursaut d’orgueil patriotique pour résoudre ce paradoxe ».
« Il y a cependant des défis à surmonter, note-t-il, notamment la volonté politique, les pesanteurs administratives, les difficultés d’accès au financement, l’absence de suivi périodique de réalisation des projets, le manque de tolérance zéro en matière de centrale électrique hors service, le faible soutien des autorités compétentes laissant les opérateurs privés se débrouiller seuls ». Bref, «tout le monde attend que Dieu puisse agir».
M. Vika di Panzu est d’autant plus inquiété sur le fait que, depuis la dernière Centrale de Mobayi-Mbongo, la RDC n’a réussi à construire que deux centrales de 340 MW avec la Centrale de Zongo 2 et de Busanga. «Rien que pour le Katanga, le déficit est de 2.000 MW», rappelle-t-il, sans compter le déficit de 1.000 MW pour Kinshasa, le Kongo Central et le Grand Bandundu.
D’où, son constat : «A ce jour, le taux de desserte est de 10%, on vise 50% en 2030 et 100% en 2040. Pour y arriver, il faut réaliser des Centrales de 400 MW tous les cinq ans. C’est ambitieux, mais c’est possible ». Et de relever : «Nos insuffisances et nos négligences ont fait que la RDC se retrouve aujourd’hui en déficit en électricité. La solution pour s’en sortir exige une volonté politique inébranlable ».
Il faut, pense-t-il, que l’Etat congolais accompagne les opérateurs privés par des réunions périodiques pour leur garantir une nette sécurité dans la mise en œuvre de leurs projets.
Malgré ce tableau sombre, il reste confiant : «Pourquoi ne peut-on pas réussir ce que font l’Angola, la Tanzanie et les autres ? Sommes-nous moins compétentes qu’eux ? Je dis non ! On ne peut pas accepter d’être aujourd’hui le dernier de la classe. Le problème, c’est notre environnement qui est devenu défaillant. Il faut donc un électrochoc pour se ressaisir, à matérialiser par l’instauration d’une feuille de route avec les développeurs, publics et privés, du secteur de l’électricité». Et d’alerter : «Si la situation perdure, d’ici 2030, la République Démocratique du Congo devra subir une perte globale de 31 milliards USD en termes de déficit en énergie électrique».
Eric Monga se veut optimiste
Grand artisan de cette série de conférences qui arrivent déjà à sa septième édition, Eric Monga reste confiant sur l’impact de ces rencontres dans l’appropriation des investissements dans le secteur de l’électricité.
«La particularité de cette septième conférence, c’est qu’il y a quand même des nouvelles installations qui sont nées. Et sur base des recommandations qui viennent des précédentes éditions, on a eu des avancées du point de vue aussi administratif que dans les procédures. C’est aussi la première fois aussi qu’on a des députés qui viennent. Ça veut dire que même les lois peuvent être changées pour qu’on puisse booster cette édition », note-t-il.
Après toutes ces éditions, croit-il en la bonne foi de l’Etat dans l’accompagnement des opérateurs du secteur ?
Là aussi, le vice-président de la FEC en charge de l’énergie se veut positif : « On continue à insister sur cette réelle volonté politique qui doit exister. On sent qu’il y a quelque chose qui change. Je voudrais qu’on voit ça positivement. On va finir par embarquer sérieusement l’État dans cette implication. Comme on dit, la répétition est dans la mère des sciences. La répétition fera que récemment, l’État va sérieusement s’impliquer ».
Eric Monga ne veut pas non plus verser dans le désespoir. «A l’ouverture de cette conférence, l’un des résolutions propose à ce qu’il y ait un cadre de concentration trimestriel entre l’État, les développeurs et le secteur énergétique afin de voir quels sont les écueils et comment les enlever pour mieux avancer. Ce genre de concertation pourra permettre à ce que l’État mette les développeurs dans les meilleures conditions d’opérer ».
La 7ème édition de la Conférence sur l’énergie se présente donc comme une plateforme cruciale pour débattre des enjeux liés à l’énergie en RDC et pour formuler des recommandations concrètes visant à surmonter les défis actuels et à ouvrir la voie à un avenir énergétique plus prometteur pour le pays et sa population.
C’est ce samedi 11 mai 2024 que la conférence se termine par un panel des ministres autour de la «géopolitique énergétique dans la région»… dans l’espoir d’un nouveau départ dans le secteur.
Faustin K. (Depuis Kolwezi)