JUSTICIA Asbl, une organisation de promotion et de protection des droits humains, de développement et du droit humanitaire basée en RDC, a suivi avec intérêt soutenu le discours tenu par le Président de la République, Chef de l’Etat, Monsieur Felix-Antoine Tshisekedi à la Tribune de la Commission des Droits de l’homme des Nations Unies à Genève à l’occasion de sa 52Eme Session.
Dans son discours, le Chef de l’Etat a épinglé la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales en RDC, les priorités retenues par le Gouvernement, les avancées enregistrées ainsi que les défis à relever. Il a notamment fait allusion à la guerre d’agression qui frappe le pays de plein fouet ainsi que son train des violations des droits humains et violences faites à la femme qui y sont associées.
Tout en se félicitant de la demande réitérée du Chef de l’Etat sur la mise en place d’un Tribunal Spécial pour la RDC devant connaître des crimes graves contenus dans le rapport mapping et ceux commis après la période couverte par ce rapport, JUSTICIA Asbl déplore que le Président de la République ait annoncé certaines avancées qui ne peuvent, malheureusement pas être vérifiables.
C’est le cas de l’affirmation selon laquelle, il n’existerait pas des congolais arrêtés ou détenus pour leurs opinions ou appartenances politiques. Et à ce sujet, JUSTICIA Asbl fait remarquer que des acteurs politiques sont bel et bien en détention prolongée à la prison centrale de Makala pour leurs points de vue.
Sans les citer d’une manière exhaustive, on peut retenir parmi les cas les plus emblématiques :
- Mr MOMO MULAPU, Chef du département de la communication et médias du PPRD/Lualaba, arrêté par l’ANR au mois d’avril 2022 pour des propos tenus dans le cadre des festivités commémoratives de l’anniversaire du PPRD;
- Mr. Jimmy KITENGE, chef de la section jeunesse du PPRD, enlevé par les agents de l’ANR le 26 juillet 2022; Il a été victime de plusieurs actes de torture pendant plusieurs mois pour avoir tenu des propos très critiques contre le régime actuel à l’occasion des émissions radio et télévision auxquelles il était convié;
- Mr Jean Marc KABUND-A-KABUND, ancien Président a.i de l’UDPS, ancien premier Vice-Président de l’Assemblée nationale, arrêté pour des propos tenus après sa démission du parti;
- Mr Charles NDUNGI, analyste politique en détention sur ordre du gouverneur pour avoir critiqué l’opération Matadi Bunkers;
- Mr Junior NKOLE, humoriste détenu à l’ANR Kinshasa depuis le 10 février 2023 pour avoir réalisé et publié un court sketch qui dénonçait le favoritisme ethnique des recruteurs, qui n’engagent que des candidats issus de leur propre région et groupe ethnique.
Pour ce qui est des libertés de manifestation et d’opinion, il est également à déplorer l’intolérance politique qui bat de l’aile en cette année électorale et de même que des incitations à la violence et à la haine, ainsi que des injures publiques généralement impunies dans le chef de nombreux acteurs politiques.
Par rapport aux restrictions des libertés publiques, il y a lieu d’indiquer des manifestations pacifiques très sévèrement réprimées à Lubumbashi, Kalemie, Goma, Kindu, Kinshasa, sans oublier les sièges des partis politiques attaqués dans certaines villes.
Sur la suppression des lieux de détention secrète, le gouvernement aurait dû communiquer à la population la liste de ces lieux de détention qui seraient supprimés.
A longueur de journée, des individus se réclamant proches du Chef de l’Etat s’en prennent aux opposants politiques et même à certaines autorités pour des prises de position qui ne protègent pas leurs intérêts personnels.
Au nom du parti politique au pouvoir, des conducteurs des motos, dits WEWA, se mettent au dessus de la loi et n’obéissent qu’aux ordres des responsables du parti. Ils se comportent comme une milice, perçoivent des taxes illégales dans les arrêts de bus et ne respectent ni le code de la route, ni l’ordre public. Ces actes commis en toute impunité, créent des tensions sociales et culturelles intenses dont les autorités politico-administratives ne se préoccupent guère.
Quant à l’insécurité, le Chef de l’Etat aurait dû reconnaitre que des centres urbains non concernés par la guerre d’agression, font face au banditisme urbain très inquiétant. C’est le cas de Kinshasa et Lubumbashi où les populations ne savent plus où donner de la tête.
Pour ce qui est de la transparence du processus électoral tel qu’annoncé par le Chef de l’Etat, celle-ci est sérieusement mise à rude épreuve par l’incapacité de la CENI à protéger les matériels électoraux au regard du fait que des cartes d’électeurs, fiches et mêmes machines d’enrôlement ont été trouvées entre les mains des individus à Tshikapa et à Moanda. Le fait également pour la CENI de sous-estimer les centres d’inscription des électeurs dans des provinces qui regorgent le plus grand nombre d’électeurs potentiels, constituerait un préjudice certain qui pourrait empêcher les citoyens à s’enrôler, mais aussi de jouir de leur droit fondamental de voter.
En sa qualité de garant du bon fonctionnement des institutions, le Chef de l’Etat devrait inviter la CENI à rectifier le tir en rendant le processus électoral plus transparent, libre et inclusif. JUSTICIA Asbl espère que la guerre dans l’Est du pays ne puisse être un prétexte pour ne pas tenir les élections en décembre prochain.
Fait à Kinshasa, le 27 février 2023
Coordination JUSTICIA Asbl