Les deux candidats à la présidentielle du 5 novembre vont se retrouver confrontés à une situation géopolitique incandescente, notamment au Proche-Orient avec ce qui prend toutes les allures d’une entame de conflit majeur avec un bombardement ciblé sur Beyrouth (quartiers sud) ce 30 juillet, ce qui a causé de nombreuses victimes civiles. Des «dommages collatéraux», puisque le communiqué officiel de Tsahal fait état de l’élimination de Fouad Shukr, le n°2 du Hezbollah au Liban – considérée comme un «objectif prioritaire».
On se souvient que le n°2 du Hamas, Saleh al-Arouri, avait été lui aussi tué par une frappe aérienne sur la banlieue sud de Beyrouth le 2 janvier dernier… ainsi que de nombreux habitants du quartier.
Al Jazeera nous apprenait quelques heures plus tard qu’Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas, avait été lui aussi éliminé à Téhéran, également par une frappe israélienne – information confirmée par la télévision d’Etat iranienne et les gardiens de la révolution. C’était le commanditaire présumé des attaques meurtrières du 7 octobre, unanimement condamnées par la communauté internationale, et l’homme qui avait déclaré que «le Hamas ne [reconnaîtrait] jamais Israël».
Quelles que soient les contorsions des médias américains et pro-israéliens, les frappes aériennes sur un sol étranger sont bien constitutifs d’un acte de guerre… mais ce n’est pas une première pour Tsahal, qui bénéficie d’un soutien politique et logistique plein et entier de la part des Etats-Unis.
Les positions du Hezbollah ont été bombardées à des dizaines de reprises en Syrie depuis 2011, notamment à Alep, dans le Golan et jusque dans la capitale syrienne (une frappe avait notamment fait une dizaine de morts le 20 janvier dernier, dont quatre hauts responsables iraniens), sans que Damas ait déclaré en retour la guerre à Israël, ce qui mènerait en cas de conflit à une défaite certaine et à la chute probable du régime de Bachar El Assad.
Pour le Liban, c’est différent. Après la frappe de ce 30 juillet, le gouvernement pourrait invoquer son «droit à se défendre» et mettre en œuvre une riposte massive saturant les capacités d’interception du Dôme de Fer israélien. Ce serait le début d’une escalade, avec la quasi-impossibilité pour Israël de détruire à distance les milliers de drones et missiles du Hezbollah, qui est beaucoup mieux armé que le Hamas (avec ses roquettes artisanales).
Ses positions sont solidement fortifiées au Sud-Liban (très important réseau souterrain, quasiment imprenable, à moins de causer des destructions colossales en surface, puis de poursuivre les opérations en sous-sol, en mode guérilla).
Israël semble cependant déterminé à éradiquer le Hezbollah, après avoir éradiqué les positions du Hamas à Gaza.
Les «positions», mais pas le Hamas, même si ses deux principaux dirigeants viennent d’être éliminés à quelques minutes d’intervalle dans la nuit du 30 au 31 juillet.
En revanche, il ne reste plus aucun bâtiment intact, plus un hôpital, plus une école, plus aucune infrastructure civile (traitement des eaux, centrale électrique, installations portuaires…) opérationnelle dans l’enclave palestinienne.
Et la crise humanitaire, qui menace la survie de deux millions de civils encore vivants, est complètement occultée par la presse occidentale.
Donald Trump affiche très clairement son soutien à Israël et son indifférence pour le sort des Gazaoui, contrairement à Kamala Harris. Il a déclaré lors d’un récent meeting à Miami : «Contrairement à Kamala-la-gauchiste, je vais soutenir le droit d’Israël à gagner sa guerre contre le terrorisme. Il faut soutenir cela. Il faut qu’ils gagnent et qu’ils en finissent.»
Au cours de sa tournée américaine, Benyamin Netanyahu a rendu un hommage appuyé à Donald Trump, après avoir été ovationné lors de sa visite par le Congrès américain, tous bords politiques confondus – il faut le souligner (seuls quelques démocrates se sont abstenus de l’applaudir).
La situation au Proche-Orient semble avantager Trump, qui maîtrise bien ce dossier, et sa «connexion» avec Israël est proche de l’optimal, via notamment son gendre Jared Kushner, à qui il avait confié un poste de « secrétaire d’Etat bis» de 2017 à 2020 («conseiller spécial pour la politique moyen-orientale des Etats-Unis» et chargé de suivi d’éventuelles négociations israélo-palestiniennes).
Il devient clair que les prochaines prises de position de Donald Trump au sujet d’un éventuel conflit israélo-libanais à grande échelle (avec l’Iran en cible implicite) seront scrutées avec attention, certains les assimilant aux déclarations d’un futur président.
S’il était réélu, ce serait un cas de figure jamais vu depuis 127 ans aux Etats-Unis ; seul le démocrate Grover Cleveland a réalisé deux mandats non consécutifs à la fin du XIXe siècle, de 1885 à 1889 et de 1893 à 1897.
Mais les circonstances sont également «hors-norme» (tentative d’assassinat échouant par miracle, embrasement du Proche-Orient), et dans ce registre, Trump semble bien plus à son affaire que Kamala Harris – ses dernières images de campagne la montrant aux côtés de membres de la communauté LGBTQ+ afin de séduire les «jeunes» (65% d’intention de vote pour les 25/35 ans) et les «progressistes ».
Philippe Béchade
Rédacteur en chef de «La Chronique Agora» et de «La Lettre des Affranchis »