Guerre de l’Est : besoin de survie pour Kigali, test de souveraineté pour Kinshasa (*)

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La guerre fait de nouveau rage au nord Kivu, région de l’est de la RDC (République démocratique du Congo). Goma, la capitale régionale est actuellement encerclée par le M23, un mouvement rebelle tutsi, bras armé du Rwanda. Or, en décembre 2023, réélu à la tête de la RDC sur la promesse de reconquérir le Kivu et le 20 décembre, Félix Tshisekedi a menacé de déclarer la guerre au Rwanda.

La guerre du Kivu est la conséquence de celle de 1990 quand, sous les ordres de Paul Kagamé, les Tutsi réfugiés en Ouganda envahirent le Rwanda alors dirigé par le Hutu Juvénal Habyarimana. Le 6 avril 1994, l’assassinat de ce dernier provoqua un atroce génocide suivi par la victoire militaire du général Kagamé.

Puis, en 1996, éclata la guerre du Congo. Décidée par les Etats-Unis et par la Grande-Bretagne afin de renverser le maréchal Mobutu allié de la France, elle fut menée par l’armée rwandaise du général Kagamé. Paris laissa faire, épisode peu glorieux qui fit perdre son prestige à la France et qui marqua le début du recul de son influence en Afrique.

Résultat du renversement du maréchal Mobutu, depuis 1996, le Rwanda occupe le Kivu, directement ou à travers des milices qui lui sont inféodées, pillant ses richesses, tout en s’employant à y créer une situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son contrôle.

Ceci étant, la compréhension de la question du Kivu passe par la mise en évidence des trois objectifs géostratégiques définis par le Rwanda. Tout le reste n’est que bavardage journalistique :

1. Isolé sur ses hautes terres surpeuplées, le Rwanda va droit au collapsus si, d’une manière ou d’une autre, il ne déborde pas vers les régions vides d’habitants du Kivu congolais.

2. Sans une ouverture vers le Kivu, le Rwanda qui est naturellement tourné vers l’océan indien, n’est que le cul de sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique (kiswahili oriental et lingala occidental).

3. La réussite économique actuelle du Rwanda repose très largement sur le pillage des ressources de la RDC. Selon l’ONU, le Rwanda constituerait ainsi la plaque tournante du commerce illicite des pierres précieuses congolaises. Le trafic se fait à travers des sociétés écran et des coopératives minières qui donnent le label «Rwanda» aux productions congolaises, ce qui permet de les écouler sur le marché international en dépit de l’embargo. En plus du coltan et de l’or, le pétrole de la région de Rutshuru, prolongement de celui du bassin du lac Albert, tout cela fait que le Rwanda qui ne dispose d’aucune richesse minière ne peut se retirer d’une région au riche sous-sol au risque de courir à l’effondrement économique.

Voilà les trois grandes raisons pour lesquelles le Rwanda soutient les rébellions successives de la région du Kivu en y épaulant les Tutsi congolais. Actuellement, le relais de son impérialisme est le M23 qu’il aide en matériel et en hommes.

Aujourd’hui, la situation est d’autant plus explosive que Kigali qui a compris que, pour la première fois, le gouvernement de la RDC veut effectivement reprendre le contrôle de sa province, ne va pas se laisser chasser de cette riche région pour se replier docilement sur ses hautes terres…

Signe de la montée en puissance des affrontements, en début de semaine, deux avions de chasse congolais stationnés sur l’aéroport de Goma ont été touchés par des drones (rwandais ?). Parallèlement, des massacres se produisent dans toute la région, poussant les populations sur les routes de l’exode.

(*) Le titre est de la rédaction
Blog de Bernard Lugan (Afrique Réelle)

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