Emmanuel Macron a réussi une prouesse : celle de frapper un coup spectaculaire avec une équipe qui, pour l’essentiel, ressemble fortement à la précédente. Et encore un record. Après le Président le plus jeune et le Premier ministre le plus jeune, c’est le gouvernement le plus resserré de la Ve République qui était attendu. Du moins pour l’équipe de ceux que l’on appelle les ministres dits de plein exercice. L’idée d’un « XV de France » (Le Premier ministre et les 14 ministres nommés) offensif et efficace, parce que restreint, vise à illustrer le discours du « réarmement » que le tandem Macron – Attal veut mener. Si ce symbole-là ne trompera pas longtemps, Emmanuel Macron aura réussi une autre prouesse : celle de droitiser et de sarkoziser l’équipe gouvernementale, bien loin du « en même temps » initial. « Au travail ! », a lancé Emmanuel Macron, qui veut d’emblée marquer son autorité devant les nouveaux ministres, au début du premier Conseil des ministres qui s’est réuni, vendredi 12 janvier, pour la première fois, dans le « salon vert » de l’Élysée, plus petit que le « salon des ambassadeurs » où il se tient d’ordinaire.
Dans le huit clos de l’Élysée, jeudi 11 janvier, à la mi-journée, Emmanuel Macron et Gabriel Attal se penchent sur les derniers détails du nouveau gouvernement. C’est le quatrième rendez-vous de ce type depuis la nomination du successeur d’Élisabeth Borne à Matignon, mardi 9 janvier. Après deux jours de tractations, les deux hommes en conviennent autour de la table : ils veulent une équipe qui incarne le « dépassement » droite-gauche, l’ « élargissement » et la « régénération » chers au chef de l’État, dans l’esprit de relancer un quinquennat jugé enlisé.
À 19h45, depuis le palais présidentiel, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, énumère les noms de quatorze ministres de plein exercice et délégués. « Moi, ce que je veux, c’est de l’action, de l’action, de l’action », insiste un peu plus tard Gabriel Attal au 20 heures de TF1, en promettant de « répondre aux problèmes des Français » et de baisser les impôts des classes moyennes. Le nouveau Premier ministre revendique un gouvernement « d’efficacité », « d’énergie » et « de sobriété ». Comprendre : resserré, à un point inédit sous la Ve République. Un acquis temporaire, avant la nomination des autres ministres délégués et des secrétaires d’État. La parité est un autre trompe-l’œil, car aucune femme n’occupe un ministère régalien.
Prise de choix à droite et en Sarkozie
La composition de l’équipe Attal manifeste le glissement vers la droite et la sarkozie, au grand dam de son aile gauche, de son partenaire, François Bayrou, et des chantres du « macronisme originel ». Huit personnalités sur quatorze sont passées par la droite et la sarkozie. Surprise : l’ex-ministre sarkozyste de la Justice, Rachida Dati, fait son retour, en remplacement de Rima Abdul Malak à la Culture. Ce débauchage de la patronne de la droite parisienne, malgré sa mise en examen dans l’affaire Renault, a créé la stupeur.
Gabriel Attal a défendu « une femme d’engagements » et mis en avant la « présomption d’innocence ». Une autre ancienne sarkozyste est propulsée à la tête d’un grand pôle social regroupant le Travail, la Santé et les Solidarités : la présidente ex-LR (Les Républicains) du Grand Reims, Catherine Vautrin. Un repêchage, un an et demi après le fiasco de sa vraie fausse nomination à Matignon.
Rare fidèle d’Emmanuel Macron entrant au gouvernement, le patron du parti Renaissance, Stéphane Séjourné, hérite des Affaires étrangères à la suite de Catherine Colonna. Une opération qui change l’équation des européennes du 9 juin : le chef de file du groupe Renew au Parlement européen était favori pour mener la liste du camp Macron. S’il a promis de garder la main sur la formation présidentielle, il entend se « déporter » du pilotage des européennes « le temps de la campagne ».
Maintien des « poids lourds » politiques
Au nom de la continuité, plusieurs membres de l’équipe d’Élisabeth Borne sont maintenus dans leurs ministères. Gerald Darmanin et Bruno Le Maire, qui ont défié Gabriel en affirmant à l’avance rester en place, conservant leur portefeuille. Le premier reste à l’Intérieur. Tandis que Bercy (Économie et Finances) demeure dans le giron du second. Ont aussi été reconduits Sébastien Lecornu (Armées), Éric Dupond-Moretti (Justice), Marc Fesneau (Agriculture), Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des Territoires) et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur).
Parmi les promus, Amélie Oudéa-Castéra élargit son portefeuille des Sports à l’Éducation, laissée en jachère par l’éphémère passage de Gabriel Attal. C’est aussi le cas de Prisca Thevenot, nouvelle porte-parole du gouvernement à la place d’Olivier Véran, désormais cité pour prendre la tête de liste aux européennes. Marie Lebec, députée dans la 4e circonscription des Yvelines, benjamine de l’exécutif à 33 ans et première femme à occuper le poste de ministre des Relations avec le Parlement. Rétrogradée, Aurore Bergé quitte le portefeuille de plein exercice des Solidarités pour devenir ministre déléguée chargée de l’Égalité Femmes-Hommes.
La liste des autres ministres délégués et secrétaires d’État doit être connue d’ici à quelques jours, d’après l’entourage de l’exécutif.
« Bien, un gouvernement rassemblé, au travail ! »
Le premier Conseil des ministres du gouvernement Attal qui s’est réuni, vendredi dernier, n’a duré qu’une trentaine de minutes, le temps pour Emmanuel Macron de marteler son discours devant sa nouvelle équipe.
« Je vous demande de la solidarité et de la vitesse, qui sont la condition de l’efficacité », a dit le président. « J’attends de vous des résultats, encore des résultats et toujours plus de résultats », a-t-il martelé, à huis clos. « Ce gouvernement sera celui de la discipline républicaine. Je ne veux pas d’états d’âme, je veux des états de service », a encore affirmé le chef de l’État, visiblement décidé à marquer son autorité sur un gouvernement resserré. « Je ne veux pas des ministres qui administrent, je veux des ministres qui agissent. Je ne veux pas des gestionnaires, je veux des révolutionnaires », a-t-il insisté.
« Vous incarnez le retour aux sources de ce que nous sommes, le dépassement au service du pays, l’esprit de 2017 », qui avait prévalu à sa première élection à la présidence, a estimé Emmanuel Macron. « C’est une responsabilité historique. Soyez à la hauteur ».
« Bien, un gouvernement rassemblé, au travail ! », avait lancé le président de la République en début de réunion devant les caméras, assis entre les ministres Bruno Le Maire et Catherine Vautrin. Face à eux, Gabriel Attal était installé entre Gerald Darmanin et Amélie Oudéa-Castéra.
Selon son entourage, le chef de l’État s’exprimera dans les prochains jours, dans un format qui reste à trancher, avant la déclaration de politique générale de Gabriel Attal à l’Assemblée nationale. Cette prise de parole présidentielle, pour laquelle une conférence de presse n’est pas exclue, s’inscrira dans le « rendez-vous avec la Nation » décrété par Emmanuel Macron pour janvier.
Robert Kongo, correspondant en France