Franc congolais : la confiance des Congolais repose d’abord sur la dédollarisation des institutions publiques (Tribune de Jo M. Sekimonyo)

Les attentes du public quant à l’efficacité de la politique monétaire ne façonnent pas seulement la crédibilité d’une banque centrale, mais sculpte également la valeur d’une monnaie nationale. La Banque centrale congolaise se heurte ce défi ultime en tentant de dédollariser l’économie congolaise, une initiative que je perçois d’ailleurs comme populiste. Cependant, si la banque centrale souhaite véritablement emprunter cette voie et éviter de déclencher un incendie incontrôlable, elle doit commencer par dédollariser le secteur public.

Pour dédollariser le secteur public, comme je l’ai proposé dans le projet de correction de la constitution de 2006, les frais et taxes publics, ainsi que le budget public, doivent être libellés uniquement en monnaie nationale. Les encaissements et décaissements effectués par une institution publique, ou pour son compte, doivent être réalisés uniquement en monnaie nationale. Et surtout, l’indexation des frais, taxes ou budgets publics sur une devise étrangère doit être prohibée.

Ce n’est qu’après avoir relevé ces défis que nous devrions envisager de dédollariser le secteur privé de notre économie nationale. N’oublions pas que ce n’est pas seulement le dollar ; dans de nombreux coins de la république, on utilise la monnaie des pays voisins plutôt que la monnaie nationale.

Toutefois, le véritable fléau de la banque centrale réside dans une politique monétaire qui produit un résultat de faible qualité à un coût inutilement élevé pour les consommateurs. La médiocrité de la performance monétaire coûte à la nation une croissance cruciale. Après tout, c’est la question de savoir qui crée la monnaie qui compte réellement pour les citoyens.

Show me the money !

Imaginez l’économie nationale comme un corps humain : l’argent est le sang qui transporte l’oxygène, les nutriments et les hormones, tout en éliminant le dioxyde de carbone et les déchets. Les vaisseaux sanguins représentent les infrastructures financières, les plaquettes symbolisent les institutions financières, et le plasma incarne les politiques monétaires. Comme le cœur, le revenu des individues, qui pompe le sang à travers le corps, l’économie est en perpétuel mouvement. En cas de blessure, les plaquettes et les protéines plasmatiques interviennent pour arrêter les pertes financières.

L’argent financier, de l’argent pour les banques, est imprimé par les banques centrales sous forme de réserves bancaires, a peu d’impact sur la volonté et la capacité des banques commerciales à accorder des prêts. Il agit principalement comme un lubrifiant pour le système monétaire.

En revanche, l’argent de l’économie réelle est généré par les banques via les prêts et par les gouvernements à travers les déficits. Un prêt entre en circulation lorsqu’il est dépensé, par exemple pour l’achat d’une maison, et se retrouve sous forme de nouveaux dépôts bancaires pour les bénéficiaires. Les déficits gouvernementaux créent de l’argent utilisé par le secteur privé sans nécessiter d’épargne préalable.

Cependant, une création d’argent de l’économie réelle par les déficits et les prêts peut conduire à l’inflation si la main-d’œuvre et les ressources, des chiffons, ne peuvent pas s’étendre suffisamment pour absorber l’augmentation de la masse monétaire. De plus, les déficits mal répartis n’ont pas d’impact significatif sur l’économie réelle, tout comme les citoyens à faibles revenus ne peuvent accéder à des prêts significatifs et qualifiés. De même, chaque fois que le gouvernement « rembourse toute sa dette », il soustrait d’importantes ressources au secteur privé. Malheureusement, tout ceci c’est le cas des Congolais en RDC.

Diagnostic pratique

Lumumba.online est un site permettant aux utilisateurs de télécharger leurs livres au format PDF et de les vendre. Sa particularité réside dans le fait qu’en plus des passerelles de paiement traditionnelles comme PayPal, les utilisateurs peuvent acheter et les vendeurs peuvent retirer leurs paiements via des services de paiement mobile, contrairement à Amazon.

Pour intégrer PayPal, il suffit de se rendre en ligne, d’ouvrir un compte commercial et d’obtenir l’API de PayPal et l’intégrer dans le site, en un clin d’œil.

En revanche, en RDC, pour utiliser M-Pesa ou tout autre service de paiement mobile, il faut écrire au gouverneur de la banque centrale, qui transmettra la demande au gouffre bureaucratique. Sans parler de la montagne de paperasse à rassembler, ce processus n’a pas de délai établi. Ensuite, si un jour une réponse positive est obtenue, il faut courir après chaque fournisseur de services de paiement mobile et supplier pour obtenir leur API. Et donc, une personne à Katakokombe ne peut pas réaliser cette démarche à moins de voler jusqu’à Kinshasa et d’y passer au moins un mois.

L’entrepreneuriat, tout comme le commerce, consiste à être rémunéré pour un produit ou un service. Au lieu d’accompagner la croissance économique de la nation qui passe par les entrepreneurs et commerçants dans tous les coins de la république, la banque centrale l’étouffe.

Redirigeons maintenant la mission de la banque centrale vers ce qui compte vraiment
La croissance économique saine se construit de bas en haut, mais la transformation sociale se déclenche de haut en bas.

Félix Tshisekedi porte son attention sur les inégalités de rémunération parmi les agents et fonctionnaires de l’État, plutôt que sur le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), ce qui est décourageant étant donné que le SMIG constitue en réalité le cœur de l’économie nationale.

Le sous-développement des marchés financiers, la concentration bancaire et d’autres rigidités telles que l’obligation faite aux banques de fournir des informations détaillées sur leurs déposants compromettent l’efficacité de la transmission de la politique monétaire.

Quelle devrait être alors l’essence des politiques monétaires ? La stabilisation des prix n’a aucun sens sans le plein emploi. Mais encore soixante-quatre ans après l’indépendance, nous ignorons à la fois le taux de chômage en RDC et la taille de notre population.

Et il est impératif d’introduire la discrimination positive afin que les Congolais puissent établir différents types de banques. En suivant ma recommandation dans le projet de correction de la constitution de 2006, selon laquelle l’État ne peut traiter ou conclure des contrats qu’avec des entreprises enregistrées en RDC où les Congolais possèdent plus de 50 % des actions ou sont détenues par des citoyens congolais, cela contraindrait l’État congolais à passer par des banques ou des coopératives congolaises pour la paie des fonctionnaires à travers la république. Ainsi, les institutions financières locales émergeraient et seraient capables de créer de la monnaie dans l’économie réelle en accordant des prêts au fonctionnaires publiques étant en mesure de prélever directement sur leurs salaires. Ce scénario n’est qu’une illustration parmi les nombreuses opportunités potentielles que ce schéma pourrait offrir.

La modernisation du système financier devrait être la priorité en termes de logistique et surtout de régulation, afin de permettre le développement de services de paiement non monétaires largement disponibles.

La dédollarisation ne ferait que satisfaire l’ego nationaliste et l’agenda politique de certaines personnes et nous coûter trop cher.

Jo M. Sekimonyo
Écrivain, théoricien, défenseur des droits de l’Homme et économiste politique

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