Le Makutano est souvent perçu avec une teinte de pessimisme, comme un théâtre exclusif où l’élite congolaise se retrouve pour échanger des regards complices, aligner des sourires figés et s’accorder sur des banalités enrobées de termes pompeux, histoire de rappeler qu’on fait bien partie de la classe dirigeante. Pourtant, à l’instar des TED Talks ou de Davos, il faut concéder que lorsque on enferme une élite et une contre-élite dans la même pièce, et de les abreuver suffisamment de petits-fours, il arrive parfois que des solutions intéressantes émergent. C’est pourquoi, par principe, je ne me dresse pas frontalement contre ce type d’initiatives. Après tout, même les pessimistes doivent bien prendre un vol quelque part pour justifier leur sens critique, n’est-ce pas ?
Le thème du Forum Makutano ne manquait certes pas d’audace : « RDC-USA : Façonner ensemble un New Deal pour la RDC». Ah, le New Deal, promesse de renouveau économique et pacte bilatéral modernisé ! Mais pour nous, Congolais, combien de ces discours résonnent comme de vains refrains, de séduisantes façades dissimulant l’éternelle absence de réformes structurelles concrètes ? Cela dit, il est essentiel de souligner que ce forum n’est pas une organisation ou un think tank gouvernemental. Il est donc crucial que ce type d’initiative prenne les rênes de ces discussions ambitieuses, en insufflant un ton résolument audacieux.
Mû par une pointe de masochisme intellectuel, je me suis donc envolé vers New York, cette ville où l’oxygène se vend au prix fort, pour assister à cet événement. Pourquoi New York, vous demandez-vous, pour un forum dont les racines s’ancrent dans la RDC ? C’est simple : on vient débattre des maux du monde à l’épicentre du capitalisme globalisé, alors pourquoi ne pas y discuter aussi de l’avenir du Congo sous l’ombre des gratte-ciel américains, cette fois avec des voix congolaises au volant, et, surtout, des voix qui ne sont ni membres du gouvernement ni en quête d’influence ou de gains politiques.
Est-elle incomprise ?
Il est clair que Nicole Sulu, la fondatrice du Forum et du Réseau Makutano, nourrissait certainement de grandes espérances. Bien que le thème sophistiqué, les panels et le cadre new-yorkais ne diffèrent guère de ceux d’autres forums internationaux, ce qui distingue ce rassemblement, c’est qu’il est né d’une initiative congolaise enracinée dans ses origines, et non d’entités étrangères ou de la diaspora congolaise. Ce forum ne se contente pas de laisser d’autres nous dicter ce qui est préférable pour nous ; il s’agit plutôt pour nous de nous asseoir à la table et de définir ce qui est bénéfique pour les deux parties, les États-Unis et la RDC, mais selon des termes congolais. Cette singularité porte en elle l’espoir d’un dialogue authentique et d’une action concertée, reflet des aspirations profondes de la RDC.
Alors, la question se pose : les panels ont-ils relevé le défi du Forum ?
Dès le début, la scène était posée. Ce beau monde semblait prisonnier de scripts bien rodés. Chaque mot, chaque geste, était aussi. Rien de nouveau, rien d’étonnant. En guise de nouveauté, on nous a resservi les mêmes plats froids : agriculture, mines, et re-mines. Toujours la RDC, mais jamais les Congolais.
Les intervenants ont longuement expliqué à quel point le secteur agricole congolais regorgeait de potentiel. Ah bon ? Quel scoop ! Et bien sûr, il fallait rappeler que la RDC est un « scandale géologique». Oui, c’est comme dire que l’eau mouille ou que la pluie tombe en saison des pluies.
Mais les Congolais dans tout ça ? Les jeunes, par exemple. Plutôt que d’être vus comme une force vive pouvant transformer l’économie du pays, ils étaient présentés comme une sorte de bombe à retardement. Imaginez ! Une jeunesse pleine de rêves et d’énergie, réduite à une menace silencieuse. Mais où sont les solutions ? Comment les transformer en entrepreneurs, en moteurs du développement économique ? Comment encourager l’investissement direct étranger (FDI) à intégrer ces jeunes dans des projets structurants ?
Jo M. Sekimonyo