Force régionale de l’EAC : vers une présence durable

A ce jour, la Force régionale de l’EAC opère sans mandat légal. La dernière réunion de Goma entre les ministres de la Défense de l’EAC, censée statuer sur cette situation, a été finalement renvoyée aux calendes grecques. Sur le terrain, la Force régionale se contente du statu quo et ne s’empresse pas de quitter de sitôt le territoire congolais. Quant au cantonnement vers le mont Sabinyo, pour lequel la Force régionale devait travailler urgemment, son commandant kenyan a laissé entendre que toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour accueillir les démobilisés du M23 Selon lui, il faut encore plus ou moins six à sept mois pour les réunir tous les préalables avant. Une déclaration qui dévoile les intentions cachées de la Force régionale de l’EAC, qui attend consolider le plus longtemps son emprise sur l’Est congolais. A Kinshasa, c’est encore le silence total.
Quatre jours après le re port sine die de la réunion des chefs d’états-majors des armées des pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), initialement prévue à Goma le mercredi 19 avril, report justifié par les inquiétudes du Rwanda concernant la sécurité de sa délégation, le général commandant de la force régionale de l’EAC était face à la presse samedi dernier. Une conférence de presse co-animée avec le gouverneur militaire, le lieutenant-général Constant Ndima Kongba.

Le mont Sabinyo pas encore à l’ordre du jour
Le général kényan Jeff Nyangah, tout en reconnaissant que la force de l’EAC a reçu mandat des chefs d’Etat de soutenir l’intégrité territoriale de la RD Congo et que des efforts sont déployés à ce sujet, ne s’est pas empêché de répondre crûment à la question se rapportant à l’évolution du désengagement des M23, et de leur cantonnement. Sa réponse ne laisse place à aucune équivoque :
«Vous voulez envoyer ces gens là-bas (Ndlr : mont Sabinyo)… Vous avez préparé le terrain ? Vous voulez qu’ils aillent mourir de faim et de maladies ? Qu’est-ce qui est prévu pour de meilleures conditions de vie ? ».
En termes clairs, le général kényan exprimait, ce faisant, ses doutes quant à la tenue du calendrier du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), condition sine qua non posée par le gouvernement congolais pour envisager d’éventuels pourparlers avec le véritable « agresseur » qui se trouve être le Rwanda, selon la thèse invariable soutenue par les autorités congolaises.
Des propos tempérés par le gouverneur militaire du Nord-Kivu, qui a dit être en parfaite collaboration avec les contingents de la force régionale de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est.
Selon le lieutenant-général Ndima, « les populations déplacées suite à l’insécurité sont très impatientes de regagner leurs champs, leurs fermes, leurs maisons; car quelle que soit l’assistance et d’où qu’elle vienne, les populations veulent la paix afin de rejoindre leurs habitations, les enfants étant actuellement déscolarisés en plus des maladies».
Les deux déclarations, croisées, laissent clairement entrevoir que malgré l’annonce certifiée d’un début de retrait des M23 et leurs soutiens rwandais de certaines de leurs positions dans les territoires de Rutshuru, de Masisi et de Nyiragongo, il existe toujours des écueils qui empêchent les quelque 800 mille déplacés internes, mais aussi des réfugiés dans les pays voisins à regagner leurs milieux. Et parmi ces écueils, figure en première place la stratégie du M23/RDF à abandonner certaines positions pour en occuper d’autres dans un jeu de cache-cache qui met à mal toute initiative de la force régionale qui, du reste, ne dispose pas d’un mandat offensif.

Des raisons de douter
Certes, le général-commandant de la force régionale de l’EAC a indiqué qu’outre les contingents kényan et sud-soudanais déployés à Kibumba et Rumangabo, les Burundais sont déjà « actifs » sur les axes Sake-Mushaki et Sake-Kirolwire-Kitshanga, pendant que les Ougandais ont pris position dans la zone allant de Bunagana à Kiwanja en passant par les bourgades de Rwanguba, Chengerero et Burayi, il n’a cependant pas confirmé des mouvements de retour des populations déplacées, signe que le processus de désengagement des M23/RDF n’est pas chose acquise.
On se souvient que, prenant part le 4 février 2023 au XXème  sommet extraordinaire des chefs d’Etat de l’EAC à Bujumbura (Burundi), le président congolais Félix Tshisekedi avait interpellé publiquement le commandant kényan de l’EAC. Des propos qui traduisaient le mécontentement de Kinshasa face à l’inaction des contingents internationaux présents au Nord-Kivu censés alors accentuer une pression militaire visible sur le M23 qui continuait à passer outre les processus de Luanda et de Nairobi.
Sans mâcher ses mots, le président congolais avait notamment demandé au général Nyangah à « ne pas favoriser le M23. Ce serait dommage que la population s’en presse à vous. Vous êtes venus pour nous aider et non pour avoir des problèmes. Soyez attentif à cela. Communiquez avec la population ».
Plus de deux mois après, la présence de la force de l’EAC est loin d’avoir répondu aux attentes tant des dirigeants que de l’opinion congolaise. Tout se déroulant comme si les divers contingents présents sur le sol congolais y sont pour une durée connue de leurs seuls gouvernements respectifs, chacun d’entre eux entretenant son agenda secret.

Econews

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