Elections ou dialogue : le dilemme de Tshisekedi

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Le 20 décembre 2023, le peuple congolais sera appelé aux urnes pour le renouvellement des animateurs des institutions issus des scrutins de décembre 2018. A la CENI (Commission électorale nationale indépendante), l’attention est focalisée sur cette échéance, excluant toute hypothèse de glissement. Une assurance qui est encore loin d’estomper les réticences qui gagnent du terrain dans l’opinion publique. Les premières viennent de l’équation sécuritaire de l’Est de la RDC qui se corse au jour le jour, sans compte l’immense défi logistique pour quadriller un terrain de plus de deux millions de kilomètres carrés. Après un départ poussif des opérations d’enrôlement, le CENI semble avoir repris le contrôle de la situation, affichant au 7 février 2023 plus de 12 millions d’enrôlés dans la première aire opérationnelle qui comprend 10 provinces, dont la ville de Kinshasa. Si la CENI continue à croire à la tenue des élections à la date du 20 décembre 2023, il y a cependant deux inconnues majeures : la donne politique et la question sécuritaire. En fin de compte, le dernier mot reviendra au garant du bon fonctionnement des institutions. Elections ou dialogue, le Président de la République, Félix Tshisekedi, se trouve entre deux feux.
Faut-il organiser les élections quelles que soit les conditions ou dialoguer avec ce que cela suppose en termes de lourdeur et l’inévitable partage du pouvoir ? Il ne faut pas être à la place de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo en ce moment.
Le calendrier politique risque d’être perturbé par des contingences sécuritaires. Serait-il possible de procéder à l’enrôlement des électeurs dans des zones en guerre ? Il est clair que cela n’est pas possible. Coopérer avec le M23 serait perçu comme un acte de haute trahison. Priver ces zones insécurisées d’élections réduirait sensiblement la légitimité du président de la République qui sera élu. Félix Tshisekedi qui rêve d’une réélection ne voudrait pas se retrouver dans pareille situation.
Dans les états-majors politiques qui lui sont proches, les réflexions pour résoudre ces équations insolubles sont engagées. Et dans tous les cas de figure, c’est entre deux options que le Chef de l’Etat se trouve actuellement : organiser à tout prix les élections ou, au contraire, ainsi que le suggère une partie de la classe politique, se mettre autour d’une table. Ces deux options comportent des risques et des avantages.
Organiser les élections sans les zones en guerre permet de tenir le délai constitutionnel. Lors des élections, le peuple va se choisir les dirigeants disposant de la meilleure stratégie de mettre fin à la guerre. La guerre de la légitimité sera engagée mais, le mérite demeure que le prochain cycle électoral aura vécu avec le plus important gai de la consolidation de la démocratie. Ce bénéfice est difficilement quantifiable parce que des économies de vie, d’argent sont indéniables. Ne pas organiser les scrutins reviendrait à ouvrir la boîte de pandore. Les mouvements incontrôlés peuvent ainsi trouver des justifications.

Les sages conseils de la Belgique
Si l’opinion publique congolaise reste sceptique sur le respect de la date du 20 décembre 2023, certains partenaires extérieurs, notamment la Belgique, redoutent un tel scenario.
De passage en RDC, la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, a souligné les difficultés qui se dressaient pour l’organisation des élections de décembre.
«Il est urgent que la République démocratique du Congo se ressaisisse» pour que de véritables élections puissent avoir lieu comme prévu à la fin de l’année», a déclaré samedi auprès de l’agence Belga la ministre Hadja Lahbib, en conclusion d’une mission de cinq jours en Angola et en RDC.
«Le défi est immense», a constaté la cheffe de la diplomatie belge après avoir multiplié les entretiens avec des ministres congolais et rencontré les principaux représentants de la société civile lors de sa dernière journée à Kinshasa.
Des élections réellement démocratiques sont inimaginables dans le contexte de violence actuel, se dit-on à Bruxelles. «Il faut retrouver de la stabilité, et pour cela il est nécessaire que les principaux leaders se parlent. Tout le processus de démocratisation qui est en route en dépend », préconise la cheffe de la diplomatie belge.
Toujours est-il que la Belgique a dit attendre des «signaux clairs» de la part de Kinshasa sur ses attentes, notamment au sujet de l’envoi d’observateurs européens pour accompagner le processus électoral. «Il ne suffit pas de dire qu’on y est favorable, il faut une demande et des actes concrets pour organiser leur venue», insiste Mme Lahbib.
Malgré les immenses difficultés qui s’accumulent, et un certain pessimisme ambiant, Mme Lahbiba fait part d’«une réelle volonté» que les élections puissent avoir lieu dans les meilleures conditions possibles, tant dans le chef du Président Félix Tshisekedi que des représentants de différents partis politiques qu’elle a pu rencontrer.
A tout prendre, les élections en 2023 passent pour un saut vers l’inconnu, aux contours tout aussi imprévisibles.

Econews

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