Affaire Aunge Muhiya J. – Société Bralloy INC : tripatouillage au Conseil d’Etat

La justice congolaise est très malade. En atteste, si besoin en est, l’affaire qui oppose devant le Conseil d’Etat sieur Aunge Muhiya Jean à la société Bralloy Inc, située au n°15, 15ème rue à Kinshasa-Limete industriel, dont l’on veut déposséder depuis 7 ans de ses concessions enregistrées sous les numéros 7320 et 7322 du Plan cadastral de la commune de Limete au profit du précité. Prise en délibéré en janvier après les plaidoiries, cette affaire croule sous des intrigues d’une horde de magistrats déterminée à faire obstruction au droit. Après la tentative d’imposer à la composition un arrêt visé par la hiérarchie et dont les dispositifs ont été falsifiés, ces magistrats, parmi lesquels certains membres du Cabinet de la 1ère présidente, mettent sur la place publique des secrets des délibérations. C’est ce qui ressort de la lettre du sieur Aunge Muhiya Jean du 6 juillet 2024, dont publicité dans les médias, et par laquelle il demande à la 1ère présidente du Conseil d’Etat de décharger le juge en charge de débats en plénière vers laquelle le dossier a été finalement orienté. Le Président de la République et le ministre de la Justice, qui s’ingénient pour redorer la robe de la justice congolaise, sont ainsi vivement interpellés.

Le Conseil d’Etat s’emploie à rendre dans un très bref délai l’arrêt dans l’affaire qui oppose sieur Aunge Muhima Jean à la société Bralloy Inc, sise N°15, 15ème rue à Kinshasa-Limete (Industriel). En cause les concessions de cette dernière enregistrées sous les N°7320 et 7322 du Plan cadastral de la Commune de Limete couvertes respectivement par les certificats d’enregistrement Vol. A 256 Folio 58 et Vol. A 74 Folio 64, certificats enregistrés en son nom. Prise en délibéré depuis le 03 janvier 2024, cette affaire connaît diverses fortunes donnant lieu à plusieurs rebondissements à cause des actes, pour le moins infâmes, dont de hauts magistrats se rendent responsables. Non sans compter des interférences politiques.

Qu’en est-il de ce dossier ?

Quatre mois après sa prise de fonctions en tant que ministre des Affaires foncières, Me Lumeya-dhu-Malegi prend le 30 août 2017 deux arrêtés, en l’occurrence les Arrêtés N°034/CAB/MIN/AFF.FONC/OSM/2017 et N°035/CAB/MIN/AFF.FONC/OSM/2017 déclarant biens sans maître et reprise au domaine de l’Etat les parcelles 7320 et 7322 enregistrées au Plan cadastral de la Commune de Limete, concessions appartenant à la société Bralloy Inc, sise N°13, 15ème Rue Limete (Industriel) depuis l’époque de la République du Zaïre. Le même jour, par les lettres N°396/CAB/Min-AFF.Foncière/DIRCAB/OSM/2017 et N°397/CAB/Min-AFF.Foncière/DIRCAB/OSM/2017, il attribue lesdites parcelles à sieur Aunge Muhiya Jean sans qu’il n’ait même versé des impenses dues au Trésor public. Motif : la société Bralloy Inc n’a pas payé la redevance sur la concession ordinaire en plus du fait que c’est une société en déshérence qui n’a pas, au terme de 25 ans, renouvelé ses titres de propriété.

Détentrice des preuves de paiement, la société Bralloy Inc fait des recours auprès du premier ministre et du ministre des Affaires foncières. Au vu des éléments probants contenus dans le dossier, le premier ministre prend le 26 mars 2019 le Décret N°19/02 du 26 mars 2019 annulant quelques arrêtés de son ministre des Affaires foncières pris en violation des lois et règlements de la RDC, dont ceux du 30 août 2017 déclarant les parcelles précitées biens sans maître. Mais curieux, deux mois plus tôt, soit le 11 janvier 2019, le ministre des Affaires foncières s’était résolu de prendre l’Arrêté N°425 Bis CAB/MIN.AFF.FONC/2019 rapportant ses arrêtés du 30 août 2017. Un mois après, soit le 25 février 2016, il va, par la lettre N°2288/CAB/ MIN.AFF.FONC/CCC/OSM/2019, notifier sieur Aunge Muhiya Jean et lui signifier en même temps que les parcelles en cause sont restituées à leur ancien concessionnaire. Subsidiairement, le conservateur des Titres immobiliers, par la lettre N°2.523.3/AFF.F/ENR/124/2019 du 19 mars 2019, enjoint à sieur Aunge Muhiya Jean de lui retourner, endéans 48 heures, les originaux des certificats d’enregistrement qui lui ont été établis aux fins de leur annulation. Ce qui fut fait.

En effet, par son arrêté du 11 janvier 2019, le ministre des Affaires foncières voulait devancer le premier ministre qui, pour éclairer sa religion sur ce contentieux et bien d’autres, avait mis sur pied une commission ad hoc dont il attendait les conclusions. Le vent y tournant très mal à son endroit, le ministre Lumeya voulut anticiper pour dissiper le nuage qui s’amoncelait de plus en plus sur sa tête. Peine perdue. Mécontent de son comportement, le premier ministre finit par le suspendre.

Réhabilitée dans ses droits, la société Bralloy Inc renouvela ses titres de propriété et des nouveaux certificats d’enregistrement lui firent établis.

LE NOUVEL EPISODE

Non content de la tournure prise par les choses, sieur Aunge Muhiya attaque auprès du Conseil d’Etat aussi bien le décret du premier ministre annulant les arrêtés controversés du 30 août 2017, ainsi que l’arrêté du ministre des Affaires foncières les rapportant, respectivement sous le R.A 223 et le R.A 205. Dans la foulée, l’examen de l’Arrêté N°425 Bis CAB/MIN.AFF.FONC/2019 connaît son épilogue : le Conseil d’Etat se déclare incompétent. Contre toute entente, sieur Aunge Muhiya Jean revient à la charge par une procédure anarchique de révision pour demander, sous R.Rev013, le réexamen du dossier. Alors que la révision ne peut être formulée contre la décision d’incompétence, car dépourvue de la force de la chose jugée, d’une part, et que, d’autre part, le juge de la révision n’annule que les condamnations injustes, la société Bralloy Inc est surprise de voir le Conseil d’Etat s’autoriser de recevoir ledit recours et annuler, par conséquent, l’arrêté rapportant ceux controversés du 30 août 2017. Et d’aucuns de se demander au nom de quel principe de droit le Conseil d’Etat peut se permettre de condamner quand les autorités habilitées, ayant pris la décision de déclarer les parcelles sus indiquées biens sans maîtres, reviennent sur les erreurs.

Sur ces entrefaites, le procureur général près la le Conseil d’Etat, non partie au procès, se voit cependant contraint, en vertu de sa qualité de gardien de l’ordre public, d’attaquer en révision la décision du Conseil d’Etat annulant l’arrêté du ministre des Affaires foncières du 11 janvier 2019 rapportant ses arrêtés du 30 août 2019. Ceci d’autant que la procédure menée sous l’étiquète de la révision violait la loi. D’autre part, Marc Vanbrabant, fils et hériter de Gérard Vanbrabant, associé-gérant de Bralloy Inc entre-temps décédé, entre en lice par une procédure en tierce opposition pour attaquer également ladite décision.

Après les plaidoiries, cette affaire est communiquée au procureur général pour avis. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, un magistrat du Parquet va s’illustrer par un scandale à nulle autre pareille. En complicité avec le greffier, il va subtiliser le dossier en vue des éventuels amendements. Partie au procès, la société Bralloy Inc, qui avait lu au préalable ledit avis au greffe, se fera le devoir de dénoncer cet impair auprès de la 1ère présidente du Conseil d’Etat et du président de la Cour constitutionnelle, président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Malgré tout l’affaire sera prise en délibéré début janvier 2024.

Pendant ce délibéré, de magistrats membres du Cabinet de la 1ère présidente vont se distinguer par une forfaiture rocambolesque. Sans antermoiement, ils rédigent un jugement aux antipodes du projet élaboré par les membres de la composition dont ils obtiennent même le visa de la part de la 1ère présidente. Frustrés, les membres de la composition vont voir la hiérarchie pour exprimer leur protestation contre la falsification du projet dont ils sont à la base.

Dans ce contexte emprunt aux soupçons, la 1ère présidente décide d’en référer à la plénière dont les débats sont dirigés par le juge en charge de la Section des contentieux. Mais, c’était sans compter avec la horde de magistrats qui avaient tenté d’imposer un arrêt à la composition, voire ceux qui avaient rédigé le jugement attaqué, à savoir celui annulant l’Arrêté N°425 Bis CAB/MIN.AFF.FONC/2019 rapportant ceux déclarant les parcelles de Bralloy Inc biens sans maître. Dans l’entre-temps, l’ambassadrice de la Belgique en RDC entre en danse et effectue le 15 mai 2024 une visite dans les installations de la société précitée; Marc Vanbrabant étant un sujet de nationalité belge. A tout le moins, l’affaire semble prendre d’autres dimensions.

Sur ces entrefaites, sieur Aunge Muhiya Jean va adresser une lettre, dont publicité dans les médias, à la 1ère présidente du Conseil d’Etat pour lui demander de décharger le juge en charge de débats en plénière. Motifs : par son attitude impartiale et son engagement de passer outre la loi pour faire plaisir à l’une des parties dans cette affaire, le président de la Section des contentieux a influencé la plénière de disjoindre cette affaire qui était jointe par un arrêt avant dire droit. Ce qui frise le dol dans son chef et risque de ternir la prestigieuse image la Haute cour administrative.

Et la question : comment une personne qui n’est pas membre de la plénière dont les délibérations sont secrètes ne se cache pas de les connaître ? La réponse est simple : certains magistrats en attente d’être gratifiés en lopins de terres sur lesdites concessions, déjà morcelées avant même l’épilogue de l’affaire, violent le secret professionnel.

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET LE MINISTRE DE LA JUSTICE INTERPELLES

Les péripéties de l’affaire Aunge Muhiya J. – Société Bralloy INC certifient la maladie dont souffre la justice congolaise. Que reste-t-il encore de ces hauts magistrats qui ont troqué la toge contre l’ignominie ? Comment peuvent-ils, sans scrupule, fouler aux pieds la loi pour déposséder un opérateur économique employant de centaines de travailleurs dans l’espoir de se voir gratifier en lopins de terres après le coup que tente sieur Aunge Muhiya Jean qui n’a pas investi le moindre sous dans ces concessions mises en valeur, en dehors de sa malice et de ses combines et accointances avec des hommes au pouvoir ?

Dans tous les cas, le président de la République et le ministre d’Etat et ministre de la Justice sont interpellés afin d’administrer un traitement de cheval à la justice congolaise pour qu’elle retrouve ses lettres de noblesse. Cela, notamment, en faisant respecter strictement la loi et en sévissant les brebis galeuses qui infectent les Parquets et les Cours et tribunaux. Les pratiques infâmes, qui y ont libre cours, mettent en péril la nation et dissuadent les investisseurs étrangers, derrière lequel le président de la République court à travers le monde, de gagner le Congo pour y créer des emplois. Le nouveau ministre de la Justice est appelé à ne pas attendre que de gens viennent dénoncer les grossièretés de la justice dans son Cabinet, mais il peut aussi faire œuvre utile du travail des médias.

M.M. (CP)

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