À J-1, branle-bas à l’Union sacrée de la nation

Les préparatifs allaient bon train au fur et à mesure de l’approche de la date de la sortie officielle de l’Union sacrée de la Nation ce 29 avril 2023 au stade des Martyrs de la Pentecôte. Les réseaux sociaux sont littéralement inondés des messages d’adhésion de nouveaux partis politiques, tous se réclamant de la plateforme en gestation, et des personnalités diverses mettant en avant leur qualité de «dignitaires d’Etat». Peu importe qu’on soit incapable de se prévaloir du moindre élu ou de sa récente appartenance à une tendance politique antagoniste, tout le monde est le bienvenu : l’important est de faire allégeance au Chef de l’Etat et de jurer que l’on est prêt à donner sa vie pour la réélection du Président Félix Tshisekedi à la présidentielle du 20 décembre 2023.
A vingt-quatre heures de la sortie officielle de l’Union sacrée de la Nation (USN), cette mégastructure dont on ne sait pas encore si elle est un parti politique ou une énième plate-forme électorale, c’est le branle-bas. Une agitation sans précédent s’est emparée de tout ce que compte la classe politique congolaise retranchée dans la ville-capitale de Kinshasa. Jusqu’à la dernière minute, le ministère de l’Intérieur continue à enregistrer sans désemparer et à tour de bras de nouveaux partis politiques.
Le sésame ? Simple. Il suffit de proclamer haut et fort son appartenance à l’Union sacrée de la nation, et que l’on entend œuvrer pour la réélection de Fatshi. Et le tour est joué. Le dossier passe aussitôt comme une lettre à la poste. Mais il y a plus génial encore : voici un parti politique enregistré le 15 mars 2023 et déjà il revendique 15 mille adhérents ! Peu importe si le requérant, autoproclamé Autorité morale, traîne des casseroles après un passage au gouvernement où s’il en a été honteusement éjecté pour incompétence ou en raison d’un tripatouillage criminel des fonds publics, du moment qu’il jure la main sur le cœur son indéfectible attachement au président de la République. On se bouche le nez; les cadavres laissés dans les placards de son ancien cabinet seront enterrés sans autre forme de procès. La blanchisserie aura fait son œuvre.

Bousculades au portillon
Même au portillon de l’Union sacrée, la bousculade enfle à mesure que la date de la sortie officielle approche. Ici, des adhésions à titre personnel. Comme au ministère de l’Intérieur, il faut disposer de sa botte secrète. La plus imparable consistant à justifier de sa désormais ancienne appartenance au FCC de Joseph Kabila. Comme sous l’Inquisition, il suffit de se parjurer. Après tout, Henri IV, fervent protestant, n’avait pas hésité à embrasser le catholicisme pour enfin coiffer la couronne de France. Eh oui, si pour le célèbre monarque Paris valait bien une messe, alors pour les anciens kabilistes – devenus dignitaires d’Etat (sic !) -, et à la recherche de la survie, embrasser l’UDPS sur la bouche est un nectar, un délice qui garantit une nouvelle vie.
Il ne se passe pas un jour en effet sans que d’anciens caciques du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) annoncent avec tambours et trompettes leur adhésion à la plateforme présidentielle. Reniant leurs convictions d’hier, ils se découvrent subitement plus tshisekedistes que Tshisekedi lui-même, selon le sénateur Jacques Djoli.
La traversée de la rue opérée par les Lambert Mende, Evariste Boshab, Adolphe Lumanu et autres menus fretins tendrait à se diluer dans les poubelles de l’histoire, s’ils ne venaient pas d’être rejoints par d’autres têtes pensantes de l’ancienne nomenklatura, parmi lesquels se retrouvent les plus acerbes défenseurs naguère d’un kabilisme triomphant : André Atundu, She Okitundu et, dernier en date, l’emblématique Justin Bita-kwira. Tous adeptes de la philosophie congolaise selon laquelle la politique est dynamique. Le dynamisme étant entendu comme le maintien dans les rouages du pouvoir, seule voie royale d’un enrichissement rapide avec à la clé l’impunité assurée.

Un défi sécuritaire sans précédent
Sans aucun doute, le stade des Martyrs va refuser du monde ce samedi 29 avril. D’autant plus que la propagande rondement menée annonce que l’enceinte sportive d’une capacité de 80 mille spectateurs en attend pas moins de 300 mille. L’on mesure alors aisément le défi sécuritaire auquel devront faire face les forces de l’ordre promptes à faire un usage exagéré des gaz lacrymogènes et, au moindre mouvement des foules à recourir de façon indiscriminée aux armes létales.
Les irréductibles défenseurs du choix du stade des Martyrs mettent en avant le succès de la messe papale à l’aéroport de Ndolo le 1er février 2023, où étaient attendus un millions de fidèles et de simples curieux où aucun incident majeur n’avait alors été déploré. Il est vrai que plusieurs entrées (une vingtaine) avaient été pratiquées dans l’enceinte de l’aéroport, permettant un écoulement fluide de l’assistance à l’arrivée comme à la sortie. Plusieurs simulations avaient d’ailleurs été effectuées bien avant l’arrivée du pape.
Le stade des Martyrs, en revanche, a été le théâtre, 29 ans depuis son inauguration en 1994, des scènes macabres dues à une mauvaise gestion des masses, plusieurs victimes étant souvent piétinées devant des sorties engorgées.

M.M.F.

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