Aux yeux des profanes, l’arrivée à Goma ce mardi 5 novembre du ministre rwandais des Affaires étrangères peut paraître surréaliste. Certains voyant dans la venue sur le sol congolais d’Olivier J.P. Nduhungirehe le signe d’une provocation manifeste, tant la tension est vive entre Kinshasa et Kigali vue sous le prisme du soutien des RDF à la rébellion de l’EAC/M23. Mais comme en amour, la politique a ses raisons que la raison ignore. Il est d’ailleurs reconnu que même dans les plus effroyables des conflits de l’histoire, les belligérants ont toujours négocié en coulisse, quoique par des puissances neutres interposées.
L’état de guerre (bien que non déclarée) entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda ne fait pas exception. Et la visite du chef de la diplomatie rwandaise au chef-lieu de la province du Nord-Kivu ne devrait pas susciter de passions particulières. Elle s’inscrit dans le cadre du Mécanisme Conjoint de Vérification conclu à Nairobi, et chargé d’enquêter sur des allégations de violation des frontières communes sous l’égide de la Communauté internationale des pays de la Région des Grands Lacs (CIRGL).
Il est important de souligner que la rencontre des chefs d’états-majors des FARDC et des RDF aux côtés des chefs des diplomaties congolaise et rwandaise intervient au lendemain du 5ème round des travaux d’experts militaires et des renseignements des deux pays à Luanda, dont les conclusions devraient être entérinées au niveau ministériel dans la capitale angolaise le 16 novembre prochain.
Bien que la primeur des délibérations des experts soit réservée aux membres des gouvernements des deux pays, il y a lieu de s’interroger si les écueils qui avaient fait capoter le 4ème round ont été levés. Et ils sont de taille.
En effet, Kinshasa a toujours insisté que soit acté noir sur blanc l’engagement de Kigali à retirer du territoire congolais sa force expéditionnaire en appui du M23, là où le Rwanda évoque un »Dispositif de défense » à sa frontière. Avec en prime la patate chaude du désengagement des FDLR, chose que le ministre Nduhungirehe jugeait encore impossible tout récemment sur son compte X.
Une bataille sémantique par excellence que des trésors de diplomatie ne sont pas parvenus à décoder devant l’intransigeance du Rwanda qui a beau jeu de nier sa collaboration avec le M23.
Mais Kinshasa n’est pas dupe et réalise aisément que l’avancée des troupes rwandaises sur l’axe Walikale-Lubero à la veille du round 5 de Luanda procède de la stratégie classique de négociation en position de force.
Econews