De la Présidence de la République jusqu’aux entreprises du Portefeuille de l’Etat et l’administration publique, en passant par l’ancien Gouvernement Sama Lukonde, tous ont participé au grand festin organisé aux termes de l’accord conclu, début 2024, entre l’Etat congolais et la Chine sur la révision de l’accord de convention de 2008 liant la République Démocratique du Congo à un consortium d’entreprises chinoises. Tout calcul fait, c’est près de 30 millions USD qui ont été partagés entre experts, sur instruction du Président de la République. Dans un pays où tout est urgent, ce pactole pouvait servir à financer des investissements prioritaires. C’est cela aussi la RDC avec ses nombreuses contradictions.
Début 2024, un accord controversé a été conclu entre l’État congolais et un consortium d’entreprises chinoises, conduisant à une révision de la convention de 2008 qui liait les deux parties. Cet accord aurait permis le partage d’environ 30 millions USD, une somme conséquente qui a suscité des interrogations et des critiques sur l’utilisation des fonds publics dans un pays aux besoins urgents.
De la Présidence de la République aux entreprises du Portefeuille de l’État en passant par l’ancien gouvernement de Sama Lukonde, tous les acteurs politiques et économiques ont été impliqués dans cette affaire, marquant ainsi un véritable festin au sein de l’élite conglomérale. Selon des sources, cette somme aurait été distribuée entre divers experts, sur instruction directe du Président de la République, créant ainsi une atmosphère de suspicion et de mécontentement au sein de la population.
Sur son compte X, le trihebdomadaire Africanews paraissant à Kinshasa présente l’information en ces termes : «La décision n° 23/004 du 5 avril 2023, signée de la main du Dircab du Président de la République, a créé cette Commission sur instruction du Chef de l’État. En son article 9, la Décision a donné droit à tous les 292 participants de bénéficier des jetons de présence. Après 9 mois des travaux et 31 réunions à la Présidence de la République, la Commission a rendu son rapport au Président de la République, faisant état de la récupération de 7 milliards de dollars pour la RDC… Au vu du résultat, la Haute hiérarchie a ordonné que les jetons de présence à prélever sur les 7 milliards de dollars soient payés à tous les membres pour les 9 mois de travail et 32 réunions tenues. L’IGF (Inspectin générale des finances) a été choisie pour procéder à ce paiement. Au total, 28 millions de dollars ont été payés à 262 personnes pour le travail abattu durant cette période.»
QU’EST-CE A DIRE ?
En réalité, on se retrouve dans une situation où 262 personnalités mandatées par l’Etat s’engage dans une négociation pour le compte du mandataire et qu’au bout du parcours, il se retrouve avec une bonne manne, soit 28 millions USD, à se partager sur une enveloppe que l’Etat congolais n’a pas encore acquis, au moins en termes de numéraires.
La vérité est que les 28 millions USD que se sont partagés les 262 experts – c’est presqu’un auditoire de 1er graduat dans une université nomale – ont été calculés sur l’enveloppe totale de 7 milliards USD dégagés sur le contrat chinois révisé. Or, sur le montant initial tel convenu en 2008, les négociateurs de 2023 n’ont obtenu qu’un supplément de moins de deux milliards portant le total à 7 milliards USD.
Si on accepte le principe qu’il devait être rémunéré en jeton de présence, pourquoi la rétribution n’a pas porté sur le surplus obtenu ? C’est tout le problème
Quoi qu’il en soit, la gestion de ces millions redistribués au terme de la révision du contrat soulève un vrai problème de gestion publique. On a l’impression que l’Etat congolais demeure encore et toujours un Etat rentier où chaque dirigeant profite de sa position dans la hiérarchie du pouvoir pour se servir. Sinon, rien ne motive que l’Etat congolais rémunère des gens qui ont pris part à des négociations dont les bénéfices s’étalent sur plusieurs années.
Rendu simplement, ça s’appelle la prédation. Et rien d’autre !
Dans un pays comme la République Démocratique du Congo, où l’urgence d’investissements dans les infrastructures, la santé et l’éducation est largement reconnue, la répartition de ces fonds soulève des questions cruciales. Alors que des millions de Congolais vivent dans des conditions précaires, avec un accès limité aux services essentiels, cette manne financière aurait pu être orientée vers des projets prioritaires pour améliorer le bien-être collectif.
Les contradictions au sein de la RDC sont nombreuses, illustrant un contraste frappant entre la richesse potentielle du pays et les réalités du quotidien. D’un côté, des accords lucratifs sont conclus avec des partenaires étrangers, tandis que de l’autre, des millions de Congolais continuent de lutter pour satisfaire leurs besoins fondamentaux.
LES ACQUIS DES NEGOCIATIONS
En marge de l’aboutissement des négociations entre la RDC et la Chine, le site spécialisé www.projetafri-quechine.com a fait un condensé des changements obtenus.
Qu’est-ce qui n’a pas changé ? La structure des parts au sein de la Sicomines. Le groupe des entreprises chinoises maintient 68 % des parts et la Gécamines 32 %.
Qu’est-ce qui a changé ? Le consortium d’entreprises chinoises paiera 1,2 % du chiffre d’affaires à la Gécamines à titre de royalties au sein de la Sicomines. La Gécamines pourra commercialiser 32 % de la production de la Sicomines.
L’enveloppe des infrastructures à construire passe de 3 milliards à 7 milliards avec un déboursement annuel de 324 millions par an, sauf pour 2024 qui sera de 624 millions. Les 324 millions de dollars proviendront des gains de l’exploitation de la Sicomines.
L’État congolais détient désormais 40% de la JV qui gère le barrage de Busanga qui alimente le projet Sicomines.
Sept (7) milliards pour les infrastructures. Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas d’une enveloppe additionnelle sur les 3 milliards initialement prévus, mais plutôt d’une augmentation de l’enveloppe globale.
La Sicomines précisait dans son communiqué (voir encadré) : «Pendant toute la durée du Contrat de collaboration, le montant d’investissement pour les infrastructures devrait atteindre sept (7) milliards de dollars américains (7.000.000.000 USD), principalement destiné à la construction des routes nationales.»
En 2021, la Sicomines annonçait avoir déjà investi plus d’un (1) milliard de dollars dans les infrastructures, et en 2023 elle annonçait investir 500 millions. Ce qui ferait, les chiffres exacts n’étant pas encore connus, près de 1.5 milliards déjà investis pour les infrastructures. Avec un paiement annuel de 324 millions, les 5,5 milliards de dollars devraient être couverts au bout de 16 ans.
Le financement étant fait pas les gains de la Sicomines dans laquelle la Gécamines détient 32 % implique que la RDC financera les 32 % de la globalité des 5,5 milliards de dollars restant. La partie chinoise ne porte seule qui en porte le fardeau.
324 millions USD de financement annuel. Calculés à raison de 8.000 USD pour le prix de la tonne du cuivre, les 324 millions correspondent à 40.500 tonnes de cuivre équivalent à près de 1/6 de la production de cuivre de Sicomines en 2022. Et avec la production croissante de Sicomines, cette portion pourrait se réduire.
Econews