Révision de la Constitution : nouveau ballon d’essai

Jusqu’ici une simple rumeur alimentée par les radicaux de l’UDPS, parti présidentiel et leurs alliés (dont un bon nombre est formé de dissidents de l’ancienne majorité pro-Kabila), le projet de révision de la constitution du 18 février 2006 révisé est entré dans une nouvelle phase. Dans une correspondance adressée en réponse à une demande d’une sulfureuse Société Civile Union Nationale des Cadres Universitaires congolais (UNCUCD), le VPM et ministre de l’Intérieur Jacquemin Shabani encourage  cette dernière à afficher des banderoles pour la sensibilisation de population sur le référendum d’initiative populaire pour la révision constitutionnelle en vertu de l’article 218 alinéa 4 de la constitution. Désormais, les dés sont jetés. Plus rien ne devrait s’opposer à la concrétisation du vieux rêve de l’UDPS à conserver le pouvoir même au prix d’une répression féroce. Les prémices en sont posées au quotidien avec les interpellations-arrestations des voix dissonantes. 

La réponse positive du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur à une nébuleuse organisation dénommée Société civile Union Nationale des Cadres Universitaires congolais pour le Développement (UNCUCD) est venue lever le voile sur ce à quoi la population s’attendait depuis la réélection de Félix Tshisekedi à la tête de la République démocratique du Congo en décembre 2023. Il s’agit en l’occurrence de la possibilité, ou la nécessité de réviser la constitution de février 2006. Une éventualité (sans tourner autour du pot), destinée à autoriser l’actuel chef de l’Etat à briguer un troisième mandat présidentiel à l’échéance de 2028.

« Je note que votre organisation est dans une démarche patriotique et vous invite tout de même à l’observance et au strict respect des dispositions constitutionnelles », écrit Jacquemin Shabani donnant ainsi le feu vert à l’affichage des banderoles pour la sensibilisation de la population sur le référendum d’initiative populaire pour la révision constitutionnelle en vertu de l’article 218 alinéa 4 de la Constitution.

L’analyse de la correspondance du ministre de l’Intérieur qui a fuité dans les médias sociaux montre que la demande  de l’UNCUCD date du 21 mai 2024, soit quatre mois à peine après l’investiture du chef de l’Etat pour un deuxième et dernier mandat. Mais il aura fallu trois autres mois (Le 28 août)  avant que le cabinet Shabani y réserve cette suite favorable.

Une absence de célérité indicatrice de l’embarras ou mieux, un délai mis à profit par l’UDPS pour parachever des stratégies destinées à présenter la révision de la constitution comme une initiative émanant du peuple lui-même. Parmi celles-ci (les stratégies), une campagne déjà lancée en sous-main qui consiste dans la récolte des signatures auprès des militants de l’UDPS dans le cadre d’une pétition réclamant justement le référendum constitutionnel.

UNE STRATEGIE DE LONGUE DATE

C’est ainsi que des associations circonstancielles sont mises sur pied et fleurissent déjà dans les médias sociaux. Ainsi, une banderole bien en vue sur les grilles du palais du peuple affiche l’appel du RONJEMAC ASBL annonçant la récolte des signatures avec les numéros de contact bien visibles. Le fait que les chefs des deux chambres du parlement ne montrent aucune réaction est en soi le signe que Vital Kamerhe et Sama Lukonde approuvent la démarche.

Car c’est de cela qu’il s’agit; depuis l’accession de son chef à la magistrature suprême dans des conditions controversées (une certaine opinion faisait alors allusion à un deal  conclu entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila et qui se serait fait au détriment du véritable vainqueur de la présidentielle de décembre 2018), l’UDPS  n’a jamais fait mystère de sa volonté d’instaurer un système qui lui assurerait la gestion d’un pouvoir à durée indéterminée. La recette pour y parvenir : le changement de la Constitution. Une loi fondamentale  régulièrement  exposée à une propagande insidieuse la présentant comme le produit de l’étranger favorisant…le Rwanda.

Alors secrétaire général du parti, Jean-Marc Kabund prenait plaisir à déclarer devant les militants de l’UDPS : «L’UDPS quittera le pouvoir seulement au retour du Christ !». Passé à l’opposition, il purge une peine de sept ans de prison pour outrage au chef de l’Etat, entre autres. Son successeur Augustin Kabuya ne se gêne pas non plus lors de ses «matinées politiques» de poser la question aux combattants de l’UDPS : «Mais qui vous a dit que c’est le dernier mandat ? (de Félix Tshisekedi, ndlr)».

Pourtant, la Constitution du 18 février 2006 révisée de 2010 interdit toute révision constitutionnelle quand le pays est en état de siège ou d’urgence, ou quand il est dirigé par un président à titre intérimaire. Un aspect de choses soigneusement caché à une population qui du reste et dans sa grande majorité ne maîtrise pas le contenu des textes législatifs, s’exposant dès lors aux abus et atteintes continuelles à ses droits  fondamentaux.

COMME EN 2015-2016

Pour l’ancien premier ministre Adolphe Muzito, «la Constitution actuelle était adoptée par un parlement de facto où siégeaient des députés non élus mais nommés par un Président lui-même non élu et promulguée par le même Président de la république de facto, Mr joseph Kabila. Il faut donc la dissoudre ».

La tentative de révision constitutionnelle en 2015-2016 sous le régime de Joseph Kabila avait donné lieu à de violentes manifestations conduites par l’UDPS et des mouvements catholiques (dont le Comité laïc de coordination.CLC). D’innombrables victimes avait alors été déplorées, poussant le pouvoir de l’poque à rétropédaler. Le même cas de figure tendant à se reproduire, rien n’indique encore que l’état d’esprit a évolué dans le sens de donner un blanc-seing au régime qui dans sa sixième année n’est pas en mesure d’affirmer qu’il a donné satisfaction aux conditions de vie des populations, ni soulagé les souffrances des centaines de milliers de victimes d’une guerre interminable dans l’est du pays.

Affirmer d’emblée que l’initiative laisse indifférent est un leurre. Les réseaux sociaux fourmillent déjà de messages désapprobateurs. Même si leurs auteurs se cachent derrière des pseudos par peur des poursuites, l’état d’esprit général est sans équivoque : comme en ces années-là, le projet de l’UDPS risque de se heurter à une forte résistance avec des conséquences que nul ne saurait prédire.

Econews

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