Dans un récent rapport explosif, l’Organisation des Nations Unies a accusé Kampala, la capitale de l’Ouganda, d’être un allié stratégique du groupe rebelle M23 opérant dans la région instable de l’Est de la République Démocratique du Congo. Cette révélation accablante remet en question la relation diplomatique entre Kampala et Kinshasa, la capitale de la RDC. Le M23, un groupe rebelle notoirement connu pour ses violations massives des droits de l’homme et ses activités armées déstabilisantes, continue de semer le chaos et la terreur dans la région en provoquant des conflits armés et en perturbant la paix fragile qui règne dans l’Est de la RDC. L’ONU a déclaré dans son rapport que Kampala, qui est censé être un allié de Kinshasa dans la lutte pour la stabilité de la région des Grands Lacs, a en fait apporté un soutien logistique et militaire crucial au M23, renforçant ainsi sa capacité à causer des ravages dans la région déjà troublée.
Pour sa première apparition de vant les médias à Kinshasa, le lundi 8 juillet 2024, la nouvelle Ministre d’Etat en charge des Affaires étrangères a décliné les priorités de la diplomatie congolaise au cours du deuxième quinquennat du Président Tshisekedi. Les principales orientations que se fixe Thérèse Kayikwamba Wagner vont être, entre autres, la recherche de plus d’efficacité dictée par les impératifs du 21ème siècle, l’attachement au processus de Luanda, ou cibler les intervenants-clés en commençant par les pays impliqués pour résoudre la question de la paix. L’intervention de la cheffe de la diplomatie congolaise coïncidait avec la publication du dernier rapport d’un groupe d’experts de Nations Unies qui affirme la participation directe de l’Ouganda dans le conflit qui oppose la RDC aux rebelles du M23 appuyés par le Rwanda.
En effet, le nouveau rapport des Nations Unies, publié lundi 8 juillet, sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC documente de nouveau le soutien massif du Rwanda et de l’Ouganda aux rebelles du M23. Selon ce rapport, c’est entre 3.000 et 4.000 soldats rwandais qui seraient déployés sur le sol congolais. Ce qui rendrait Kigali et Kampala responsables des exactions du M23.
L’implication ougandaise ne se limiterait plus par des facilités de transit des troupes rwandaises vers le Congo, mais il est avéré que l’UPDF (l’armée ougandaise) prend directement part aux combats. Ce qui expliquerait que les forces étrangères sont plus nombreuses sur le terrain que l’ensemble des hommes composant le M23. A Kinshasa, l’embarras est perceptible.
Publié au lendemain de la «Trêve humanitaire» proclamée par les Etats-Unis, appelant toutes les parties à observer la cessation des combats sur une durée de quinze jours, le rapport des experts de l’ONU est accablant pour le régime ougandais. Il démontre clairement l’implication de l’UPDF (Armée ouganaise) dans les opérations militaires aux côtés des M23/RDF au Nord-Kivu.
Le chef militaire du mouvement, Sultani Makenga, et Corneille Nangaa, chef de la branche politique du M23, séjourneraient régulièrement dans la capitale ougandaise où il aurait même tenu des réunions avec d’autres groupes armés congolais.
L’armée ougandaise, déjà officiellement invitée dans le cadre de la mutualisation des forces dans la lutte contre les rebelles ougandais des ADF en Ituri, serait également l’une des alliées majeures du Rwanda au Nord-Kivu où elle fait face aux forces régulières congolaises et leurs alliés des jeunes patriotes, dits «Wazalendo».
Une situation paradoxale et à certains égards kafkaïenne, qui place Kinshasa à une croisée de deux chemins sans issue. Répondant à la question sur la présence ougandaise et le jeu trouble joué par Kampala, la ministre des Affaires étrangères a subtilement botté en touche, se retranchant derrière «la préoccupation» diplomatique et la nécessité de creuser davantage afin de dégager la vérité, en actionnant divers canaux internationaux, mais aussi des services des renseignements.
ENJEUX ECONOMIQUES
L’hésitation de Kinshasa à dénoncer avec vigueur l’intervention ougandaise s’explique par le risque que court le pays à affronter en même temps ses deux voisins orientaux. Car à l’inverse du Rwandais Kagamé, passé maître dans la traîtrise dans ses visées hégémoniques sur l’Est du Congo, l’Ougandais Museveni, son mentor, est sans doute le plus subtil des dirigeants de la sous-région. Avançant masqué mais poussant ses pions avec une dextérité démoniaque sur un échiquier instable mais où il domine depuis près de quatre décennies.
S’il a résolu de sauter à pieds joints dans le bourbier congolais, c’est qu’il est conscient de l’enjeu considérable lié à l’éternel conflit de l’Est congolais. Yoweri Museveni ne verrait pas d’un bon œil les bénéfices que son voisin du sud tire de l’exploitation des ressources principalement minières du Kivu. Cité parmi l’un des exportateurs de premier rang de coltan alors même que ce pays ne recèle pas de gisements certifiés de coltan ou cassitérite, le Rwanda devait forcément susciter un intérêt de l’Ouganda accouru aussi à la curée.
RISQUE D’UNE PARTITION DE FAIT
Il n’est pas question pour Kampala de laisser le Rwanda profiter seul des richesses de la RD Congo. D’où la constitution d’un front commun de la prédation, les deux pays ayant présent à l’esprit que le conflit qui les oppose au régime de Kinshasa est appelé à s’étaler dans la durée.
Ils misent par ailleurs sur un enlisement qui déboucherait forcément sur des négociations politiques qu’ils auront beau jeu de faire traîner sur de nombreuses années. Car à défaut d’une partition du territoire congolais, Kagamé et Museveni peuvent se contenter, par le M23 interposé, des pans du Kivu sous un régime de statu quo maffieux.
Cette révélation de l’ONU met en lumière les tensions rampantes et les rivalités régionales qui ont longtemps alimenté les conflits en RDC. Alors que Kinshasa et ses alliés internationaux tentent de pacifier la région et de restaurer un semblant de stabilité, les alliances troubles et les jeux de pouvoir entre les acteurs régionaux compliquent davantage la situation et entravent les efforts de paix.
Le gouvernement ougandais a vivement rejeté les allégations de l’ONU, affirmant qu’il n’a jamais soutenu le M23 et qu’il reste engagé à travailler pour la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs. Cependant, cette accusation accablante soulève des questions sérieuses sur la véritable nature des relations entre Kampala et certains groupes rebelles opérant dans la région.
En faisant mine de ne pas voir la duplicité de l’Ouganda, pour ne pas avoir à se battre sur plusieurs fronts, le pouvoir de Félix Tshisekedi tisse lui-même le nœud gordien qu’il ne saura pas défaire, la «communauté internationale» ne cachant pas ses visées de la balkanisation d’un pays trop vaste et trop riche au milieu de petits Etats pauvres mais surpeuplés.
Econews