Une grande première dans l’histoire de la constitution des cabinets ministériels. Pour la première fois, un secrétaire général d’un parti politique donne injonction aux membres d’un gouvernement de la République de constituer leurs cabinets avec des membres recommandés, sans tenir compte de l’avis des ministres concernés. Le caractère comminatoire du communiqué d’Augustin Kabuya porte à l’avance les germes d’une paralysie certaine de l’action d’un Exécutif tenu à l’œil par le tout-puissant SG du parti présidentiel. Le cabinet de la Première ministre, elle-même issue de l’UDPS, ne ferait pas exception, malgré le silence de la Première ministre Judith Suminwa, qui ne signifie pas forcément une approbation tacite de la démarche cavalière et intéressée de la hiérarchie incarnée par Augustin Kabuya.
Au lendemain de l’investiture du gouvernement et la tenue du premier conseil des ministres présidé par le chef de l’Etat, une douche froide s’est abattue sur les ministres estampillés UDPS et certainement sur ceux des formations politiques alliées de la Majorité présidentielle, même si ces derniers ne sont pas explicitement cités dans le communiqué du Secrétaire général du parti présidentiel.
Sun un ton de menace à peine voilée, Augustin Kabuya écrit que «les membres du gouvernement issus de l’UDPS/TSHISEKEDI sont tenus d’attendre la transmission, par le Secrétaire général, des listes des recommandés aux profils justes et appropriés, à leur faire parvenir dans les meilleurs délais».
En d’autres termes, aucun ministre de ce regroupement politique ne peut former son cabinet avec du personnel de son choix, quelle que soit la compétence ou l’expertise reconnue aux impétrants au parcours reconnu dans les diverses administrations et entreprises publiques. Seul devra compter le bon vouloir du secrétaire général de l’UDPS dans la sélection des «profils justes et appropriés»
S’adressant ce lundi aux membres de l’UDPS au siège du parti, Augustin Kabuya a tenté d’arrondir les angles, mais en testant ferme sur sa décision : «Les ministres sont présentés sur base des quotas. L’UNC et le MLC ont envoyé les noms des ministres selon leurs quotas. Mais il n’y a qu’à l’UDPS où règne l’indiscipline», a-t-il déploré.
Aussitôt arrivé, le ministre des Finances a chassé sans ménagement les membres de l’ancien cabinet trouvés sur les lieux. Augustin Kabuya a pris sa défense. Selon lui, le ministre Fwamba n’a chassé personne. «Si vous dites qu’il a chassé tous les collaborateurs du ministre sortant Nicolas Kazadi, c’est faux ! Son communiqué mentionne clairement que les conseillers doivent rester». Mais le mal était fait et la débandade est générale dans le chef d’anciens conseillers, chargés d’études et administratifs des cabinets du gouvernement Sama II.
Le précédent créé au ministère des Finances a tout naturellement eu l’effet boule de neige. Les cabinets des ministères coiffés par l’UDPS sont devenus des fourmilières dont les couloirs et salles du protocole sont assiégés par des «combattants» qui entendent récolter enfin le fruit de trois décennies de lutte. Cette fois, déclarent certains d’entre eux, ils sont déterminés à arracher un poste quelconque après avoir été floués lors du premier mandat de Félix Tshisekedi.
PREMIER TEST POUR JUDITH SUMINWA
Dans le tohu-bohu engagé par le sommet de son parti politique, la Première ministre Suminwa observe un mutisme inexplicable, certainement dû à son parcours quelque peu évanescent au sein du parti. Néanmoins, elle est informée des convulsions que traversent ses collaborateurs qui devraient rendre compte à une autorité extérieure à l’Exécutif. Une situation qui l’affaiblit à moins d’un sursaut d’orgueil au cours duquel elle demanderait au chef de l’Etat de recadrer les choses et d’inviter le truculent Kabuya à mettre la sourdine à ses initiatives envahissantes.
Tenue à l’écart d’une régulation rationnelle de la composition des cabinets ministériels, Judith Suminwa doit être informée de la décision du SG de l’UDPS selon laquelle «les membres du parti ayant déposé leurs dossiers à la Commission de gestion des ambitions doivent savoir que les listes seront envoyées dans les ministères avant le 20 juin, et seront affichées au siège du parti. Nous n’allons pas envoyer des profanes, parce qu’il y a trop de mensonges».
Dans tous les cas, l’immixtion du responsable d’un parti politique dans la constitution des cabinets ministériels est un défi, voire un test à l’adresse de la Première ministre. Loin d’être un début de crise interne, c’est le signe que la première femme nommée cheffe du gouvernement n’aura pas la tâche facile tant qu’elle sera entourée d’une équipe pilotée de l’extérieur.
Econews