Vision et ambitions : à cœur ouvert avec Thomas Maketa Lutete, Directeur général de la DGTCP

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Nommé en février 2023, par ordonnance présidentielle, pour piloter la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP), structure nouvellement créée au sein de l’administration des Finances, Thomas Maketa Lutete nourrit de grandes ambitions. 

« Ce que j’aimerais que l’on retienne de moi, c’est que je suis un Congolais qui aime son pays et qui voudrait que notre pays sorte de l’état déplorable dans lequel il se trouve actuellement », a-t-il dit dans un entretien exclusif, auquel a pris part Econews, pour faire le point de l’an 1 de sa nomination au poste de Directeur général de la DGTCP.

Il fonde ses convictions sur un constat : « Notre pays se trouve dans une zone dangereuse, il a besoin d’un état fort, sérieux qui prend soin de son peuple. Et pour ça la DGTCP peut jouer un rôle important. Mais en fait, l’Etat ,c’est nous congolais. L’Etat est une manifestation de nous les citoyens. Nous devons-nous remettre en cause et travailler honnêtement pour notre peuple».

Il se voit dès lors doté d’une mission : « J’aimerais que le jour où je quitterais la DGTCP, je laisse une institution stable, efficace et surtout qui contribue pleinement à l’épanouissement de notre peuple. J’aimerais que le jour où je partirais, que les gens pensent à moi comme un serviteur honnête de l’Etat, un bâtisseur et non comme un voleur. Et je demande à tout congolais qui aime ce pays, de m’accompagner. Si nous même Congolais ne nous aidons pas, si vous Congolais ne m’aidez pas, qui d’autre le fera ?»

Interview.

Qu’est-ce que la DGTCP

La DGTCP est une di-  rection générale qui a le   statut de service public au sein du ministère des finances. La DGTCP est le Caissier de l’Etat, il encaisse les dettes dues au trésor public et s’assure que tout l’argent dû à l’Etat est perçu. La DGTCP est le Trésorier de l’Etat. Il s’assure que, à tout moment, l’État a les moyens d’honorer ses engagements financiers. La DGTCP est le payeur de l’Etat : il s’assure que l’Etat paie tous ses fournisseurs et ses agents. Et la DGTCP est le comptable de l’Etat congolais : il tient une comptabilité de toutes ses transactions.

La DGTCP a ces compétences pour le pouvoir central, les provinces, les Entités territoriales décentralisées, les organismes auxiliaires, les fonds spéciaux et les postes diplomatiques.

Le but ultime de la DGTCP est que l’argent de nos impôts et taxes collectés par le trésor, qui est l’argent de notre nation, soit redistribué à notre peuple à travers les salaires, les programmes sociaux et les infrastructures, au lieu que cet argent soit détourné par personnes.

En tant que tout premier DG, quelle est votre vision ?

Ma vision est basée sur la dualité de la DGTCP : Elle est en même temps une institution financière et un service public. Ma vision, c’est que la DGTCP soit le vaisseau amiral de la galaxie des finances. Un phare de bonne gestion, de bonne gouvernance et de sérieux qui accomplit sa mission efficacement pour le bien de la nation congolaise.

En tant qu’institution financière, la DGTCP doit être gérée selon les critères de gestions les plus strictes. La gouvernance financière de la DGTCP doit être une gouvernance financière solide et adaptée à celle d’un grand pays tel que la RDC. La DGTCP doit arriver au stade où elle pourra parler d’égale à égale avec les grandes institutions financières internationales. Mais, sans une gouvernance financière interne forte, elle ne pourra pas jouer son rôle.

En tant que service public, la DGTCP doit contribuer au bienêtre du peuple congolais et contribuer à la politique économique de l’État. En établissant la DGTCP comme caissier, trésorier, payeur de l’Etat, le gouvernement se dote d’un instrument puissant à travers duquel il pourra avoir un impact sur les marchés financiers, et l’économie réelle du pays.

La DGTCP peut rationaliser à l’échelle du pays, tant pour les villes que les endroits isolés et difficiles d’accès, des moyens de paiement de proximité qui permettront à la population de payer ses taxes et impôts de manière conviviale. De même, en tant que payeur des fournisseurs de l’Etat, et des fonctionnaires, elle pourra s’assurer que ces paiements se font dans le temps et sans tracasserie. À travers le compte unique du trésor la DGTCP permettra à l’état de contrôler son endettement et améliorer sa trésorerie.

Ainsi, la DGTCP va moderniser les moyens financiers de l’Etat et s’assurer que chaque franc et dollar publics sera encaissé et payé de manière optimale, efficace et de manière à garantir la transparence et les intérêts de l’Etat.

En tant que DG, je serais satisfait quand tout congolais pourra payer ses taxes et impôts avec facilité en utilisant tout ce que la technologie peut offrir comme solution. Je serais satisfait lorsque tout fonctionnaire et militaire recevra de manière régulière son salaire en temps et en heure. Et, je serais aussi satisfait lorsque tout fournisseur de l’Etat pourra recevoir son paiement dans son compte en banque après un délai de 30 jours maximum sans se déplacer et sans tracasseries.

Je sais que réaliser tout ça prendra du temps, mais toute mon équipe et moi-même, travaillons sans relâche et d’arrachepied pour que cette vision puisse se réaliser. Et pour ça nous avons besoin de l’aide de toute la société congolaise, nous avons besoin de l’aide de tous les citoyens et que chacun là ou il se trouve puisse jouer son rôle. Que celui qui doit payer ses impôts, les paient; que celui qui peut influencer positivement, influence; que celui qui peut conseiller constructivement, conseille; que celui qui peut alerter, alerte; et que celui qui peut arrêter les mauvaises pratiques, les arrête.

Quelles sont les stratégies mises en place par la DGTCP afin de vulgariser cette institution à l’égard de ses partenaires interne et externe et aussi vis-à-vis de vos compatriotes ?

Déjà la DGTCP a un site internet www.dgtcp.cd, une page Facebook, twitter et elle va bientôt éditer une revue semestrielle ou elle communiquera pour le plus grand nombre.

De plus, des activités de communication ponctuelles sont prévues pour accompagner les grandes phases du déploiement de la DGTCP pour que la communauté nationale soit au courant des avancées que nous apporterons.

Après un an à la tête de la DGTCP quel est votre bilan ?

Pour commencer, nous n’avons pas fait 1 an en fonction. Bien qu’ayant été nommés il y à un an, pour des raisons administratives, moi et mes adjoints avons pris nos fonctions il y a à peu près neuf mois. Et c’est donc le bilan de ces neuf mois que je vous présente ci-après.

À notre nomination, mes adjoints et moi-même, avons commencé par une évaluation de l’existant pour analyser les forces et les faiblesses du système actuel. Nous avons aussi effectué une tournée dans les provinces du Nord-Kivu,  du Sud-Kivu et du Haut-Katanga et Lualaba et nous avons utilisé nos missions à l’étranger pour visiter nos postes diplomatiques pour nous rendre compte des réalités tant du gouvernement central, des provinces de l’étranger.

À partir de cette évaluation nous avons lancé quatre grands chantiers :

la déconcentration de l’ordonnancement, la digitalisation, le partenariat avec les régies et la diplomatie du trésor.

Pour la déconcentration, avec l’appui des partenaires, dont le projet ENCOR de la Banque mondiale, nous sommes en train de former le nouveau corps des comptables publiques qui appuieront les ministres pour gérer leurs budgets ministériels de manière déconcentrée.

Pour la digitalisation, nous avons rétabli le lien informatique entre le Trésor et la BCC, nous avons lancé le logiciel de comptabilisation des opérations financières de l’Etat dont le module de comptabilisation des dépenses est en phase de validation. Nous lançons bientôt le chantier de la digitalisation de l’ordonnancement pour qu’il y ait traçabilité et régulation des ordres de paiements. Toutes ces initiatives ont pour but d’avoir un tableau de bord qui nous donne en temps réel la situation réelle de notre trésorerie, pour que nous puissions faire les bons choix.

Nous avons digitalisé nos ressources humaines. Actuellement, tout agent de la DGTCP a un compte et un dossier numérique et son parcours est suivi de manière digitale. Nous avons aussi déployé un logiciel de traitement et d’archivage des courriers qui nous permet de construire une mémoire institutionnelle numérique, consultable à tout moment, pour nous et pour ceux qui viendront après nous. Notre outil d’archivage, qui pour l’instant n’est déployé qu’à la Direction Générale, nous permet aussi de diminuer notre empreinte écologique et de contribuer à la préservation des forêts en diminuant nos dépenses en papiers pour les photocopies.

Le partenariat avec les régies financières est un élément important de notre politique. Nous travaillons tous pour le trésor public et il est important que nous mettions nos intelligences en commun. La DGTCP doit encaisser les montants que les régies financières recouvrent et ensemble, avec les régies, nous devons voir comment diminuer les coulages et maximiser les recettes de l’Etat. C’est dans cette optique que la DGTCP a déjà commencé à recouvrer la TVA sur les paiements des fournisseurs de l’État pour le compte de la Direction Générale des Impôts. Et avec les régies financières nous avons créé des groupes de travail pour contrôler tous les aspects de notre collaboration de manière régulière.

Nous avons aussi établi la Diplomatie du Trésor, ou diplomatie financière, qui nous permet de rayonner à l’international et d’affirmer l’excellence des capacités financières de la RDC au monde.

Oui, bien que nous soyons une jeune administration, il nous paraît important de faire rayonner la grandeur de notre pays et notre savoir-faire sur la scène internationale à travers la participation aux forums internationaux et l’établissement de traités de coopérations.

De ce fait, nous avons établi notre participation à l’Association Internationale des Services du Trésor, nous sommes devenus membres fondateurs de l’association des caisses du Trésor.  Nous avons établi un partenariat d’échanges d’expérience avec la DGTCP de Côte d’Ivoire et nous discutons d’un futur protocole d’entente avec la Direction Générale des Finances Publiques Françaises en termes de formation et d’échanges d’expériences.

Comment comptez-vous réaliser votre vision?

Tout d’abord ma vision est celle déclinée par le chef de l’Etat : servir la nation congolaise. Et c’est possible.  Pour mettre en place cette vision, tout d’abord nous nous focalisons sur les textes d’application de nos prérogatives.  Ensuite, nous planifions nos besoins en termes de capacités humaines, matérielles et financières.  Et nous mobilisons les moyens : les moyens de l’État et les moyens de nos partenaires.

Pour cette année, nous avons prévu le déploiement de la DGTCP dans quatre provinces. Pour l’année prochaine nous avons prévu l’encadrement des services de la paie, la digitalisation de l’ordonnancement, le lancement de la déconcentration de l’ordonnancement, le renforcement des capacités de nos agents, la récupération progressive de notre rôle de caissier de l’Etat pour le recouvrement des recettes et la poursuite de nos efforts de digitalisation.

La Direction est nouvelle, le champ est vaste proportionnellement aux enjeux et attentes, comment se fait le choix des acteurs au sein de l’administration publique pour vous accompagner dans cette lourde tâche ?

La DGTCP est appelée à opérer sur toute l’étendue de la République et dans les postes diplomatiques.  Déployer des hommes et du matériel à cette échelle demande des moyens humains et financiers conséquents.

La DGTCP a besoin d’un personnel bien formé, c’est un axe essentiel sur lequel nous nous focalisons. À travers la diplomatie du trésor, le projet Encor de la Banque mondiale, et le partenariat avec le FMI, nous menons des ententes pour offrir des opportunités de renforcement de capacité et d’échange d’expériences à l’international. Et  nationalement nous négocions des partenariats avec l’École nationale des finances et l’École nationale d’administration pour mettre en place des modules de formation continue pour que nos agents maintiennent une productivité accrue par un renforcement des capacités continuel.

Un autre problème auquel nous ferons face est la résistance à la réforme. Une réforme de cette envergure ne satisfait pas tout le monde. Il y a deux groupes de résistants : ceux qui ont peur, mais qui sont de bonne foi; et ceux qui ont peur parce que le statu quo leur est favorable.

Pour le premier groupe, nous faisons de la pédagogie et nous leur expliquons l’intérêt de la réforme non seulement pour le pays, mais aussi pour eux. Heureusement grâce à une campagne de communication la majorité des agents le comprennent et accompagnent la réforme.

Pour le deuxième groupe, il n’y a pas grand-chose que je puisse faire sinon leur implorer de suivre la vision du chef de l’Etat et de penser à leur sœurs et frères congolais qui attendent de jouir de l’argent de leurs impôts et taxes.

L’accompagnement des agents est important, car une réforme de cette ampleur qui s’accomplit sans les agents est une réforme perdue.

Vous travaillez sous l’étiquette de la Banque mondiale et le FMI ?

Je suis un haut fonctionnaire congolais nommé par le Président de la République Démocratique du Congo pour diriger un service public congolais. Chaque matin, je me lève pour travailler pour mes sœurs et frères congolais. Je suis un serviteur de l’Etat. La mission qui m’a été confiée est d’appuyer le ministre des Finances, de contribuer à l’assainissement des finances publiques nationale, l’élimination des coulages, et la bonne gestion de la trésorerie du pays pour en finir avec tous les problèmes de retards de salaires, les problèmes de disponibilisation de ressources pour les infrastructures, et pour que le trésor public ait un impact positif sur l’économie.

La Banque mondiale, le FMI et les autres partenaires sont des partenaires, et des partenaires importants à qui nous devons rendre hommage. Parfois, notre population ne se rend pas compte du rôle positif qu’ils jouent. Ils nous aident dans des moments difficiles, ils nous accompagnent au jour le jour et ensemble nous travaillons  pour créer de meilleures conditions de vie pour le peuple congolais.

Il ne faut pas écouter ceux qui veulent nous opposer à nos partenaires financier ou qui voudrait faire croire que les partenaires financiers ont des intérêts obscurs et qu’il y a des congolais qu’ils recrutent pour leur sale besogne. Les partenaires sont des partenaires et nous sommes les dirigeants. En fonction des besoins que nous, dirigeants, définissons, les partenaires nous offrent leur apport.

Que devons-nous retenir de vous Thomas Maketa Lutete? 

Ce que j’aimerais que l’on retienne de moi, c’est que je suis un Congolais qui aime son pays et qui voudrait que notre pays sorte de l’état déplorable dans lequel il se trouve actuellement.

Notre pays se trouve dans une zone dangereuse, il a besoin d’un état fort, sérieux qui prend soin de son peuple. Et pour ça, la DGTCP peut jouer un rôle important. Mais en fait, l’Etat, c’est nous Congolais. L’Etat est une manifestation de nous les citoyens. Nous devons-nous remettre en cause et travailler honnêtement pour notre peuple.

J’aimerais que le jour où je quitterais la DGTCP, je laisse une institution stable, efficace et surtout qui contribue pleinement à l’épanouissement de notre peuple. J’aimerais que le jour où je partirais, que les gens pensent à moi comme un serviteur honnête de l’état, un bâtisseur et non comme un voleur.

Et je demande à tout congolais qui aime ce pays, de m’accompagner. Si nous même Congolais ne nous aidons pas, si vous Congolais ne m’aidez pas, qui d’autre le fera ?

Propos recueillis par F.M.

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