Point de vue : Pas de Sénat, pas de déclaration de guerre, donc «négociations ?»

C’est la déduction à tirer du communiqué n°012/CENI/2024, publié le vendredi 16 février dernier. En voici le contenu intégral : «La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) rappelle à l’opinion publique que les élections législatives et provinciales avaient été annulées dans les circonscriptions électorales de Yakoma dans la province du Nord-Ubangi et de Masi-Manimba dans la province du Kwilu. Par conséquent, les élections des Sénateurs, Gouverneurs et vice-Gouverneurs de province dans les deux entités provinciales précitées ne seront organisées qu’après la reprise des élections législatives nationales et provinciales à une date qui sera communiquée ultérieurement par la CENI». 

La CENI réaffirme sa volonté d’organiser les élections indirectes des Sénateurs, Gouverneurs et Vice-gouverneurs de province. Cependant, suite à des contraintes d’ordre financier, certaines dates opérationnelles annoncées dans le calendrier réaménagé du processus électoral rendu public le 25 janvier 2024 vont connaître de légères modifications. Un calendrier ajusté sera publié incessamment. Le communiqué est signé Patricia Nseya, rapporteur de la CENI.

NÉCESSITÉ D’UN AUDIT

Même si elle n’est énoncée, la cause principale du report est l’argent. La CENI se plaint de ne pas en avoir. Ce qui renvoie tous les regards vers le Gouvernement, précisément le ministère des Finances.

Evidemment, l’aveu de la Centrale électorale soulève des préoccupations fondées. Par exemple sur la totalité du financement du processus électoral.

L’évaluation avait été faite autour de 1,1 milliard de dollars américains. Devrait-on comprendre que c’était sans les élections indirectes ?

Les mises à fonds à la disposition de la CENI ont été opérées par tranches. Devrait-on comprendre que jusque-là, le ministère n’a pas encore tout libéré ?

Disposant de l’autonomie financière, la CENI a engagé des dépenses en fonction des besoins. A-t-elle tout consommé ? Si oui, de quelle manière ?

D’où nécessité d’un audit. Peu importe que ce soit la Cour des comptes ou l’inspection générale des finances : le Congolais lambda a le droit de savoir.

CES DEUX INSTITUTIONS FONCTIONNENT EN BINÔME 

Car, le report des sénatoriales influe forcément sur sa vie privée au fonctionnement des institutions publiques, à commencer par celle de la République, tous domaines confondus.

Commençons par les lois organiques à amender ou à adopter.

Aux termes de l’article 124 : «Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de loi organique, sont votées et modifiées à la majorité absolue des membres composant chaque Chambre…» –  entendez l’Assemblée nationale et le Sénat. Même si, en cas de désaccord, c’est la position de la chambre basse qui l’emporte, la Constitution prévoit d’abord la collaboration des deux institutions.

Une façon claire de faire comprendre à l’opinion non ou mal avertie qu’au départ, les deux Institutions fonctionnent en binôme.

MOYENS DE CONTROLE : SENAT !

Autre domaine de collaboration, celui connu sous le vocable « interpellation ».

L’article 138 de la Constitution implique aussi la chambre basse. En voici le libellé : «Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics sont : 1. La question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote; 2. La question d’actualité; 3. L’interpellation; 4. La commission d’enquête; 5. L’audition par les Commissions ».

«Ces moyens de contrôle s’exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de chacune des Chambres et donnent lieu, le cas échéant, à la motion de défiance ou de censure, conformément aux articles 146 et 147 de la présente Constitution ».

REVISION DE LA CONSTITUTION : SENAT !

Déjà, la révisitation ou la révision de la Constitution envisagée au travers par exemple de l’initiative de nomination des gouverneurs des provinces par le Président de la République implique la présence du Sénat. Car, à l’article 218, la Constitution dispose à son alinéa 1 : «Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat qui décident, à la majorité absolue de chaque Chambre, du bien-fondé du projet, de la proposition ou de la pétition de révision ».

Et à l’alinéa 3 : «Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n’est pas soumis au référendum lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquième des membres les composant».

L’article 219 serre davantage les vis puisqu’il déclare : «Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la Présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement ».

Enfin, l’article 220 tranche : « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées ».

DECLARATION DE GUERRE : SENAT !

A ceux qui s’alignent sur la loi du Talion « Œil pour œil, dent pour dent ! », en ce qui concerne la situation sécuritaire à l’Est et qui veulent pousser Félix Tshisekedi à la concrétisation de sa promesse de faire fuir Paul Kagame de son lit, il est indiqué de rappeler que sans le Sénat, le Chef de l’Etat ne pourra pas faire la guerre au Rwanda. Même la loi d’habilitation obtenue pour gérer l’état de siège entre deux sessions  parlementaires requiert l’avis favorable de la chambre haute.

En effet, pour déclarer la guerre, le Président de la République doit se soumettre au prescrit des articles 86 et 143. Aux termes du premier, « Le Président de la République déclare la guerre par ordonnance délibérée en Conseil des ministres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat, conformément à l’article 143 de la présente Constitution».

Le Sénat est omniprésent.

L’EXECUTIF NATIONAL NE SAURA PAS FONCTIONNER SANS LE SENAT DANS BON NOMBRE DE MATIÈRES 

Comme on peut s’en rendre compte, on peut bien avoir dans une semaine le Gouvernement dont la prérogative d’investiture n’est reconnue qu’à l’Assemblée nationale seule.

Mais, la réalité est que l’Exécutif national (Président de la République compris) ne saura pas fonctionner sans le Sénat dans un bon nombre de matières dont celles évoquées ne sont qu’un échantillon.

A la base, ce n’est pas – jusqu’à preuve du contraire – la faute du Bureau de la CENI, mais du chef du Gouvernement.

Dans la Constitution, et aux termes de l’article 91, c’est le Premier ministre en la personne de Jean-Michel Sama Lukonde. Il doit être interpellé. Au stade actuel, il est responsable devant l’Assemblée nationale encore non opérationnelle.

Mais, dans les faits, c’est à celui qui, dans les comptes-rendus des réunions du Conseil des ministres, passe pour donneur d’instructions aux  membres du Gouvernement, selon le narratif, pardon le langage du porte-parole qui, lui, est censé savoir pourquoi il utilise ce terme renvoyant au Mpr Parti-Etat !

L’évidence est que le Chef de l’Etat n’est responsable devant aucune institution.

Ni devant l’Assemblée nationale, ni devant le Sénat.

Omer Nsongo die Lema

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