L’onde de choc soulevée par l’invalidation de 82 candidats-députés ainsi que l’annulation des élections législatives nationales et provinciales dans les circonscriptions électorales de Masi-Manimba (Kwilu) et de Yakoma (Nord-Ubangi) laissera des traces durables dans le microcosme politique en cette fin du premier quinquennat de Félix Tshisekedi, porté par l’Union sacrée de la Nation, regroupement né sur les cendres de son alliance éphémère avec le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien président Joseph Kabila. Par ailleurs, le fait que la CENI, dans son communiqué du 5 janvier 2024, précise que des enquêtes sont en cours dans les circonscriptions électorales de Budjala (Sud-Ubangi), de Bomongo et de Makanza (Equateur) laisse présager de nouvelles invalidations qui, ajoutées au mécontentement déjà observé dans les camps des malheureux invalidés, risque de porter un fameux coup à l’édifice de l’Union sacrée de la Nation (USN) réputé fragile au regard des conditions-mêmes de sa création hors de tout mécanisme démocratique.
La réaction musclée de la Commission électorale
nationale indépendante (CENI) était attendue, compte tenu de nombreuses accusations qui, bien avant la tenue des scrutins combinés du 20 décembre, faisaient état de la détention par des particuliers des fameuses machines à voter aussi bien dans la capitale que dans l’arrière-pays.
Des images abondamment relayées sur les réseaux sociaux montraient du matériel électoral dispersé sur la chaussée après un accident de la route vers Kasumbalesa, ou des convois de motos chargés de cartes d’électeurs quelque part sur une piste du Kasaï.
Le jour-même des scrutins, le 20 décembre, des personnalités bien connues dispersées à travers le pays se livraient quasiment en public à utiliser le Dispositif électronique de vote (DEV) tombé on ne sait par quel magie en leur possession, le système électronique acquis par la CENI auprès de l’entreprise sud-coréenne Miru Systems étant la propriété exclusive de la Centrale électorale.
LE RETOUR DE LA MANIVELLE
Jusqu’à ce jour du 5 janvier 2023 quand la CENI publie son Communiqué de presse coupe-gorge. Quatre-vingt-deux candidats sont invalidés. Tous les scrutins à Masimanimba et à Yakoma sont annulés. Parmi les personnes incriminées, l’on compte 12 candidats UDPS/Tshisekedi et une panoplie d’alliés. La CENI ne fait pas dans la dentelle : sur la liste infamante, des sénateurs, des gouverneurs de province en fonction dont celui de la ville de Kinshasa Gentiny Ngobila et son ministres de l’Enseignement Charles Mbutamuntu; une proche conseillère du chef de l’Etat Nana Manwanina, Kin-Kiey Mulumba, ancien ministre et actuel PCA de la Régie des voies aériennes (RVA), au-moins trois ministres en fonction, des députés. Pour la plupart des intouchables du régime qui, pour avoir quitté le PPRD/FCC, devaient montrer leur fidélité au nouveau maître par des «actions d’éclat», quitte à verser dans l’illégalité.
«Fraude, corruption, vandalisme de matériel électoral, incitation à la violence, bourrage des urnes et détention illégale des DEV ». Dans certains cas, il est apporté des «intimidations des électeurs et menaces ». Des accusations sont sans appel. Dès les heures qui ont suivi la publication de la mesure, des réactions ont fusé de partout dont celle, violente, de Charles Mbutamuntu protestant de sa bonne foi et mettant en cause le secrétaire général de l’UDPS/Tshisekedi Augustin Kabuya et le VPM et ministre de l’Intérieur Peter Kazadi. Les deux hommes, selon lui, auraient favorisé la fraude dans la circonscription électorale de Lemba, à Kinshasa.
La réaction du parti présidentiel n’a pas tardé, Augustin Kabuya se disant disposé à rendre le tablier s’il était prouvé qu’il aurait pris part à une fraude quelconque. Et pour marquer sa fermeté il a déclaré que son parti se désolidarisait avec les «fraudeurs» présumé», imité en cela par l’UNC de Vital Kamerhe qui a aussi pris ses distances d’avec ses trois cadres mis en cause.
AMBIGÜITÉS ET LÉZARDES DANS L’ÉDIFICE
Cependant, dans leur grande majorité, les personnalités mises à l’écart par la CENI observent une sorte de mutisme même si quelques-unes envisageraient de saisir la justice. Leur attitude s’explique par la position des candidats malheureux à la présidentielle qui exigent l’annulation de tous ls scrutins (même la présidentielle remportée par Tshisekedi avec plus de 73% de suffrages exprimés).
Pour le camp de Moïse Katumbi, Martin Fayulu et autres Matata Ponyo, les fraudes massives ont irrémédiablement corrompu tout le processus électoral. Ils ne s’expliquent pas en effet qu’au cours d’un même scrutin combiné (présidentielle, législatives nationales et provinciales, urbaines et locales, seul le volet des législatives soit concerné par la fraude, laissant intact le score réalisé par le président sortant, dès lors même que la majorité des «fraudeurs» présumés se réclament de l’Union sacrée.
D’où l’embarras généralisé, quitte à adopter des positions ambigües ne répondant à aucune logique. Car pousser plus loin la contestation, c’est épouser de facto les thèses de l’opposition, sans aucune possibilité de rémission. Une chose est sûre : en donnant son fameux coup de pied dans la fourmilière hétéroclite de l’USN, Denis Kadima a déclenché un mécanisme dont personne ne peut prédire l’aboutissement. La forteresse Tshisekedi est encore debout, mais ses murailles accusent dorénavant d’inquiétantes lézardes.
Econews