Plus de la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes l’an prochain, avec, en point d’orgue, une élection présidentielle américaine à suspens. Des scrutins parlementaires sont aussi prévus dans une vingtaine de pays.
L’année 2024 sera très politique. L’an prochain, une trentaine de pays désigneront leur président, tandis que des élections parlementaires seront organisées dans une vingtaine d’autres. Quelque 4,1 milliards de personnes, soit 51 % de la population mondiale, seront concernées par des scrutins.
Ces derniers se tiendront dans un contexte géopolitique et économique troublé, marqué par les guerres Russie-Ukraine et Israël-Hamas, ainsi qu’ une croissance mondiale au ralenti . Sans oublier la menace, plus ou moins importante, de désinformations et de manipulations liée au boom de l’intelligence artificiel, soulignent les observateurs.
Tour d’horizon des huit élections les plus attendues.
- Aux Etats-Unis, le match retour
Le scrutin : le 5 novembre, des dizaines de millions d’Américains se rendront aux urnes pour désigner leurs grands électeurs, eux-mêmes chargés de choisir le locataire de la Maison-Blanche. Une élection qui devrait avoir un air de déjà-vu pour les Américains et le reste du monde, avec le très probable match retour de 2022 entre le président démocrate sortant Joe Biden, 81 ans, et son prédécesseur républicain, Donald Trump, 77 ans aujourd’hui.
L’enjeu : sûrement l’élection la plus attendue en 2024, tant les divergences entre les deux protagonistes sont importantes. La politique américaine, locale et internationale, sera très différente selon le gagnant. Le déroulement du scrutin sera aussi un enjeu majeur. Comme en 2020, les polémiques et fausses informations pourraient être au rendez-vous si Donald Trump représente le camp républicain. De quoi tenir en haleine les observateurs du monde entier.
- En Russie, Vladimir Poutine à la manœuvre
Le scrutin : Vladimir Poutine, 71 ans, sera candidat à sa succession à la présidentielle , qui se déroulera le 17 mars. «A une autre époque, j’ai eu d’autres pensées concernant cette question. Mais je comprends qu’aujourd’hui il n’y a pas d’autre choix possible», a déclaré l’intéressé, lui qui dirige la Russie d’une main de fer depuis 23 ans.
L’enjeu : un suspens inexistant. Vladimir Poutine a méthodiquement éliminé toute opposition en Russie. Ses principaux opposants politiques sont soit exilés, soit emprisonnés, comme Alexeï Navalny, l’ennemi numéro un du Kremlin. D’autres sont morts. Vladimir Poutine peut donc se présenter sans crainte en 2024 et a la possibilité, grâce à une réforme constitutionnelle adoptée en 2020, de rester au pouvoir jusqu’en 2036… Le scrutin de mars devrait toutefois se dérouler dans une atmosphère pesante, marquée par l’enlisement de la guerre lancée contre l’Ukraine deux ans plus tôt.
- En Inde, près d’un milliard d’électeurs
Le scrutin : l’Inde est devenue en 2023 le pays le plus peuplé au monde, devant la Chine. Les élections législatives générales qui se dérouleront en mai devraient mobiliser quelque 945 millions d’Indiens, appelés aux urnes pour désigner les députés à la chambre basse du Parlement, la Lok Sabha.
L’enjeu : une légitimité renforcée pour le Premier ministre Narendra Modi . «Ces élections revêtent une grande importance car elles permettront de savoir si le parti nationaliste hindou BJP (Parti du peuple indien) et la coalition NDA (National Democratic Alliance) consolideront encore davantage leur domination acquise lors des élections générales précédentes de 2014 et 2019 sous la direction de Narendra Modi, et concrétisée par la majorité absolue détenue au Lok Sabha (303 sièges sur 543) », décrypte la Fondation Jean Jaurès dans une note.
D’après les derniers sondages, le BJP, le parti de Narendra Modi, est donné largement vainqueur, son nationalisme séduisant la majorité hindoue. Dirigé par Rahul Gandhi, le Parti du Congrès a formé une grande coalition avec des partis d’opposition régionaux disparates pour défier l’actuel Premier ministre.
- Dans l’Union européenne, la montée des eurosceptiques
Le scrutin : entre le 6 et le 9 juin (en fonction de la réglementation électorale de chaque pays), quelque 400 millions d’électeurs des 27 pays européens se rendront aux urnes pour désigner leurs 720 eurodéputés au suffrage universel direct à un tour. En France, l’élection aura lieu le 9 juin (le 8 juin pour les Français résidant sur le continent américain et dans les Caraïbes).
L’enjeu : une nouvelle poussée des forces eurosceptiques. La large victoire, fin novembre, du parti d’extrême droite islamophobe de Geert Wilders aux élections législatives néerlandaises en est le symbole le plus récent. Au centre des débats : les enjeux liés à l’immigration, qui divisent les Vingt-Sept, mais aussi l’économie, fragilisée par la poussée inflationniste, et l’environnement.
- Au Mexique, un duel au féminin
Le scrutin : deux femmes sont favorites pour succéder au président sortant Andres Manuel Lopez Obrador, lors de la présidentielle qui se tiendra le 2 juin. Il s’agit de l’ex-maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, 61 ans, du parti au pouvoir Morena (gauche), et la sénatrice Xochitl Galvez, 60 ans, pour un Front regroupant trois partis d’opposition. A ce jour, c’est Claudia Sheinbaum qui est donnée largement en tête dans les sondages.
L’enjeu : un scrutin 100 % féminin hautement symbolique, pour un pays qui bat des records en matière de féminicides. La future présidente devra piloter la deuxième économie d’Amérique latine, en prise avec une crise migratoire qui inquiète le voisin américain . La favorite Claudia Sheinbaum s’est d’ores et déjà engagée à poursuivre la politique économique et sociale de son mentor, le président sortant Lopez Obrador.
- Au Venezuela, Nicolas Maduro pour un troisième mandat
Le scrutin : le socialiste Nicolas Maduro, successeur d’Hugo Chavez, espère décrocher un troisième mandat lors des élections qui se dérouleront au second semestre – la date précise n’est pas encore fixée. Une grande partie de l’opposition, longtemps divisée, s’est unie derrière la libérale Maria Corina Machado, malgré son inéligibilité.
L’enjeu : Nicolas Maduro joue à nouveau sa crédibilité. Sa réélection en 2018, largement considérée comme frauduleuse, n’a pas été reconnue par de nombreux pays, notamment les Etats-Unis. Et pour 2024, rien n’est acquis, malgré la levée des sanctions américaines qui devraient donner un peu d’air à l’économie du pays. Pour convaincre, Nicolas Maduro a décidé de faire vibrer la corde nationaliste en proposant l’annexion de l’Essequibo , une région, riche en pétrole, qui constitue les deux tiers du Guyana voisin. Malgré un accord actant le non-recours à la force signé par les deux parties, la communauté internationale reste en alerte.
- En Iran, un scrutin dans l’ombre de Mahsa Amini
Le scrutin : le pays organise des législatives le 1er mars. Le précédent scrutin de 2020 avait été marqué par la disqualification massive de candidats réformateurs et modérés, réduisant quasiment l’élection à une compétition entre conservateurs et ultraconservateurs. Les électeurs devront aussi renouveler les 88 membres de l’Assemblée des experts, organe clé chargé de nommer, surveiller et éventuellement démettre le guide suprême. Le président Ebrahim Raïssi, actuel vice-président de cette instance, ainsi que l’ancien président modéré Hassan Rohani sont candidats pour un nouveau mandat.
L’enjeu : il s’agira des premières élections législatives depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022, après son interpellation par la police pour un voile mal ajusté. Le décès de la jeune femme membre de la minorité kurde d’Iran avait déclenché des manifestations massives contre les dirigeants politiques et religieux. Un mouvement qui dure depuis des mois et est durement réprimé, avec des centaines de morts et des milliers d’arrestations.
- Au Sénégal, des élections sous tension
Le scrutin : le pays organise une présidentielle le 25 février. Le président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, a désigné en septembre son Premier ministre, Amadou Ba, comme candidat de son camp, un choix contesté en interne. Côté opposition, la candidature d’Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle de 2019, reste en suspens. En novembre, la Cour suprême a cassé un jugement qui remettait l’opposant dans la course. Entre-temps, Ousmane Sonko a été condamné et placé en détention sous divers chefs d’inculpation, provoquant protestations et violences.
L’enjeu : une élection sous tension dans un continent marqué par huit coups d’Etat ces trois dernières années. Une dizaine d’élections présidentielles sont prévues en 2024 en Afrique (Rwanda, Algérie, Burkina Faso, Mali…), mais c’est bien celle au Sénégal, traditionnel îlot de stabilité démocratique au sein d’une région chahutée, qui sera particulièrement observée.
Avec Les Echos (France)