Qu’en est-il de la démocratie dans ce Congo qui se veut démocratique comme son nom ? Matata Ponyo Mapon pose cette problématique à travers sa traditionnelle chronique «Ce que je pense». Tribune.
Ce que je pense est que la démocratie semble avoir gagné le combat sur la prospérité des nations. En effet, l’objectif ultime de tous les régimes politiques est d’offrir au peuple les meilleures conditions de vie. Du point de vue économique, la démocratie s’appuie sur le libéralisme, un courant de pensée qui prône la liberté économique. C’est le laisser-faire ou le libre marché, symbolisé par le capitalisme. L’homme est au centre de l’activité de production. Il est le principal acteur de création de richesses. L’Etat, en ce qui le concerne, joue le rôle du facilitateur et d’encadreur. Il crée les conditions nécessaires pour que l’activité économique se réalise de manière optimale. Au plan politique, la démocratie prône le libre choix des animateurs de principales structures étatiques. Le vote est libre, transparent et équitable. Au meilleur de gagner. C’est la méritocratie. Par contre, le socialisme fait prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers au moyen d’une organisation concertée. Le rôle de l’Etat est prépondérant. Il veille sur les intérêts de tout le monde. L’objectif est d’éviter un écart criant entre riches et pauvres comme on le trouve dans les pays capitalistes. Du point de vue politique, c’est le parti d’Etat qui dirige. Le vote libre et direct n’est pas le moyen approprié pour le choix des dirigeants politiques. Ces derniers sont désignés par les principaux organes politiques d’Etat. Ils ne sont pas nécessairement les meilleurs.
Après plusieurs siècles d’exercice, les pays ayant utilisé les régimes démocratiques viennent en tête de peloton. Ils sont les meilleurs classés par l’indice du développement humain publié par le Programme des Nations unies pour développement (PNUD). Ils occupent les vingt premières places de ce classement. La Russie et la Chine, principaux pays d’obédience socialiste, occupent respectivement la 62ème et 79ème place. Même constat en ce qui concerne le PIB per capita qui situe les Etats-Unis à la 9ème place avec 69.185 USD alors que la Chine et la Russie sont reléguées au-delà de la quatre-vingtième place avec respectivement 12.437 USD et 12.259 USD. Toutefois, s’agissant de la création des richesses, les Etats-Unis, avec un PIB de 25,300 milliards USD en 2022, sont talonnés par la Chine avec 19,900 milliards de dollars américains. En définitive, les économies capitalistes occupent toujours les places de devant, celles socialistes sont à la traine, à l’exception de la Chine.
Ce que je pense est que la démocratie, avec ses insuffisances, se présente aujourd’hui comme le meilleur système politique devant permettre au pays d’améliorer significativement les conditions de vie de la population comme on le voit dans les pays occidentaux. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour la quasi-totalité des pays africains mettant en œuvre le même système politique. La RDC en est un exemple évocateur. Pourquoi cela ? La réalité est que la démocratie n’est pas effectivement appliquée. On parle de la démocratie, on chante la démocratie, mais dans les faits, on applique autre chose.
En démocratie, les élections sont faites pour choisir les meilleurs. En RDC, elles sont faites notamment pour désigner n’importe qui, y compris les médiocres. La loi électorale est modifiée à chaque cycle électoral. La Commission électorale indépendante (CENI), en charge d’organisation des élections, est aux ordres du pouvoir. Elle n’est donc pas indépendante. La Cour constitutionnelle devant confirmer les résultats des élections obéit aux instructions de l’Exécutif. Elle n’est pas donc impartiale. En définitive, le processus électoral n’est ni libre, ni transparent, encore moins équitable. C’est ce qui s’est passé en décembre 2018 lorsque la CENI a proclamé plusieurs députés et sénateurs qui n’ont jamais été élus. Malheureusement, ces non-élus ont été confirmés par la Cour constitutionnelle. De ce fait, ils siègent au Parlement, avec un mandat fictif du peuple.
En outre, la majorité parlementaire, constituée après les élections et censée rester inchangée tout au long de la mandature, a été retournée. Les mêmes députés et sénateurs qui appartenaient à l’ancienne majorité parlementaire ont rejoint l’opposition pour former une nouvelle majorité. Du coup, on se retrouve devant de situations invraisemblables où vous avez de députés d’un même parti qui appartiennent à la fois à l’opposition et à la majorité au pouvoir ! Qui l’eût cru ? Et pourtant la loi en vigueur interdit formellement ce type de basculement inimaginable et démocratiquement inacceptable.
Dans la même veine, l’actuel président de l’Assemblée nationale provient de la nouvelle majorité présidentielle recomposée à laquelle appartient son parti avec deux députés. Donc, un président de l’assemblée nationale sans aucun poids politique face à un groupe de 500 députés nationaux ! Le premier ministre provient de la même majorité présidentielle fabriquée en violation flagrante des lois en vigueur. Lui aussi appartient à un parti politique qui n’a aucun poids au Parlement où il ne compte que 12 députés. Finalement, que peut-on attendre d’un parlement où une bonne partie des députés et sénateurs n’ont pas de compte à rendre à leurs électeurs, si ce n’est qu’à ceux qui les ont nommés ou débauchés ? Que peut-on attendre d’un président de l’assemblée nationale et d’un premier ministre qui n’ont aucun poids politique ? C’est cela la version africaine ou congolaise de la démocratie. Les meilleurs sont élus par le peuple, mais ne sont pas tous proclamés. Les médiocres ne sont pas élus, mais nombreux d’entre eux sont proclamés vainqueurs. Par ailleurs, la constitution ainsi que les lois du pays sont systématiquement violées dans le seul objectif d’écarter meilleurs et de favoriser l’émergence des médiocres.
Ce que je pense est que la démocratie n’est pas d’application en RDC, comme dans la plupart des pays africains. Il s’agit d’un simulacre de démocratie. En réalité, c’est une sorte de dictature enveloppée dans un discours démagogique de démocratie. Le pays se trouve ainsi engouffré dans un système politique hybride où se mélangent les éléments de dictature, de démocratie et du socialisme. En définitive, l’on ne peut rien attendre d’un tel système fondé sur la médiocrité et les anti-valeurs. La situation socio-économique ne peut que se dégrader continuellement. Face à cette situation dramatique qui hypothèque totalement l’avenir des jeunes et de l’ensemble du pays, les hommes politiques se doivent d’arrêter de faire du cinéma ou du théâtre démocratique. Ils doivent appliquer la vraie démocratie en lieu et place d’une fausse comme celle mise en œuvre actuellement.
Kinshasa, le 23 mars 2023
Matata Ponyo Mapon
Sénateur