A peine mis en œuvre, le cessez-le-feu, censé faire taire les armes à partir du 7 mars 2023 dans les zones troublées de la province du Nord-Kivu, est déjà mis en difficulté. Dans un communiqué de presse de la troisième zone de défense, les Forces armées de la RDC (FARDC) dénoncent l’attaque de leurs positions mardi à Kiruba, sur l’axe Kibirizi – Rwindi ainsi que l’axe Mabenga – Rwindi, par les terroristes du M23. Le cessez-le-feu du 7 mars persistera-t-il à cette violation. A Kinshasa, on emploie un ton dubitatif, comme l’a laissé entendre samedi dernier, en face du président français, Emmanuel Macron, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi. Décidément, le M23 ne s’inscrit jamais dans la logique de la paix. Tout comme son parrain, le Rwanda. Avec le contrôle de la Somikivu et d’un certain nombre de gisements, le M23 et le Rwanda consolident leur position sur les coins les plus jutés de l’Est congolais. Au grand dam d’une communauté internationale, naïve et complice, qui continue à faire les yeux doux au Rwanda.
Dans un communiqué publié ce mardi 7 mars 2023, le M23 confirme son engagement à observer un cessez-le-feu effectif à partir de 12 heures, heure de Bunagana (sic), soit 11 heures à Kinshasa. Le document, signé par le porte-parole du mouvement rebelle, Lawrence Kanyuka, rapporte que cette décision devrait ouvrir la voie «au dialogue direct avec le gouvernement de Kinshasa ».
Tout en remerciant les dirigeants régionaux pour leurs efforts incessants en vue du rétablissement de la paix et la sécurité dans l’Est de la République démocratique du Congo, et qui ont bien voulu « les écouter et comprendre leurs problèmes ». Le M23 appelle en outre les «autres dirigeants régionaux et partenaires internationaux à ne ménager aucun effort pour contribuer aux initiatives en cours visant à restaurer la paix et la stabilité dans l’Est de la RDC et dans la région dans son ensemble ».
Sans faire mention d’un quelconque retrait des villes et localités occupées dans les territoires de Rutshuru et de Masisi, le mouvement rebelle prévient en revanche qu’il se réserve le droit de se défendre «une fois attaqué par les forces de la coalition du Gouvernement de Kinshasa, à savoir les FARDC, FDLR, NYATURA, APCLS, PARECO, NDC-R, MAI-MAI et Mercenaires ».
L’annonce du M23, quoique enrobé d’une bonne volonté, n’en soulève pas moins quelques questionnements. D’abord, il est notoire que le gouvernement conditionne tout dialogue par le retrait des rebelles et leurs soutiens de l’armée rwandaise de toutes leurs positions actuelles et leur cantonnement au mont Sabinyo. Ensuite, les autorités de Kinshasa ont toujours nié toute collaboration des forces loyalistes avec les unités résiduelles des rebelles rwandais des FDLR ou avec une quelconque force négative. De même, évoquer la présence aux côtés des FARDC des mercenaires constitue un faux-fuyant, un prétexte destiné à susciter de la part de Kinshasa une réaction de rejet d’une proposition en apparence de bonne foi.
La main de Macron
Lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue congolais à la fin de son périple africain, le samedi 4 mars, le président français Emmanuel Macron avait déjà annoncé l’engagement du M23 à proclamer un cessez-le-feu dès le 7 mars, se fondant sur les entretiens qu’il avait eus avec les protagonistes de la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC, entendez les présidents angolais Joao Lourenco et rwandais Paul Kagamé.
L’on se rappelle par ailleurs que lors du séjour-éclair du président Macron à Luanda (Angola) le 3 mars, une délégation du M23 séjournait curieusement dans la capitale angolaise à l’invitation du chef de l’Etat angolais, conformément à la recommandation de l’Union africaine. Des indiscrétions non vérifiées estiment que des contacts discrets ont été menés par le président français avec la délégation du M23 et se seraient déroulés en présence d’envoyés de Kinshasa.
A tout prendre, l’annonce du cessez-le –feu du M23, bien qu’unilatéral, augure au moins d’une nouvelle phase dans la résolution de la crise, même si des discussions formelles mettant autour d’une même table les présidents Tshisekedi et Kagamé, à ce jour, ne sont pas à l’ordre du jour.
Donner une chance au processus de Luanda
De passage à Kinshasa, le président français Emmanuel Macron s’est lancé dans une longue explication de texte pour clarifier sa position sur le conflit dans l’Est de la RDC. «La France a constamment condamné le M23», s’est d’abord justifié le chef de l’Etat français.
Sur le Rwanda et les sanctions demandées par Kinshasa, Emmanuel Macron s’est ensuite refusé à toute « escalade de tribune ». « Ce que nous attendons du Rwanda et des autres, c’est de s’engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent, et s’ils ne les respectent pas, alors oui, il peut y avoir des sanctions, je le dis très clairement ». La possibilité de sanctions n’est donc plus taboue, mais avant d’enclencher un tel processus, le président français veut d’abord faire confiance au processus de paix régional, qui se négocie toujours à Luanda.
Avec l’entrée en vigueur de ce cessez-le-feu, assorti d’un plan de retrait du M23, censé s’achever fin mars par une libération des territoires occupés par les rebelles, Paris continue donc de se placer en médiateur, à équidistance de Kigali et de Kinshasa avec qui le président français entretient de bonnes relations.
Kinshasa face à un dilemme
Engagement sincère ou simple ballon d’essai destiné à tester la volonté de Kinshasa à s’engager résolument dans une nouvelle démarche plus apaisée, l’annonce du M23 place le gouvernement congolais face à un dilemme. Primo : négocier avec le seul M23 reviendrait à mettre le régime de Kigali hors de cause, ce qui constituerait un non-sens, sachant que le mouvement rebelle est un simple appendice de l’armée rwandaise.
Secundo : la rhétorique guerrière des autorités congolaises ne présage pas à court terme une rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagamé, du moins tant que ce dernier n’aura pas retiré ses troupes présentes en territoire congolais, chose qu’il a toujours niée. Comme on peut le constater, l’annonce du cessez-le-feu du M23 ne vient pas dénouer comme par magie le nœud gordien de la crise dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
Econews