À Moscou, la Chine présente sa vision pour un «règlement politique» de la guerre en Ukraine

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Le lieu ne doit rien au hasard, c’est à Moscou que la Chine a présenté son «plan de paix» pour l’Ukraine. Mercredi, le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a été reçu au Kremlin où il a fait part de «l’approche chinoise pour un règlement politique de la crise ukrainienne», selon le ministre russe des Affaires étrangères.
À Moscou, le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a été reçu au Kremlin, après s’être entretenu avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Dans la foulée, la Chine a promis de publier sa proposition de «solution politique » cette semaine, à temps pour le premier anniversaire du déclenchement de l’offensive russe en Ukraine le 24 février 2022.
En mandarin, il ne s’agit pas de «plan de paix », mais plutôt d’un document présentant la «position chinoise sur un règlement de la crise ukrainienne ». La nuance est importante, car Pékin entend ici à la fois faire des suggestions pour calmer l’intensité d’une guerre qui ne faiblit pas, un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais surtout de proposer sa vision du monde, de l’ordre international et du règlement des conflits.

Vision chinoise du conflit
Au-delà de la mise en avant du «dialogue» et de la recherche d’une «solution politique» par la négociation, la Chine entend jouer un rôle à la mesure de sa puissance dans une éventuelle sortie de crise, souligne Zhao Tong, chercheur au Centre Carnegie-Tsinghua, à Pékin. «Le but de ce document est d’exposer la contribution de la Chine au règlement pacifique de la crise ukrainienne, explique-t-il. Il s’adresse principalement à l’Europe et à d’autres pays que les États-Unis. Il s’agit de montrer que la politique étrangère de la Chine est pacifique et d’afficher l’image d’un grand pays, responsable et puissant. On devrait donc rester sur des questions de principes. Il ne contient peu de propositions concrètes probablement».
Ces grands principes pour une «paix durable» ont déjà été évoqués à plusieurs reprises par les dirigeants chinois et synthétisés dans «l’initiative de sécurité globale» dévoilée mardi à Pékin, qui comprend notamment le «respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des pays » – argument en faveur de l’Ukraine, alors que Vladimir Poutine revendique l’annexion de cinq régions ukrainiennes -, auquel s’ajoute selon le régime communiste l’affirmation que « tout pays devrait tenir compte des préoccupations raisonnables des autres en matières de sécurité » -un argument également défendu par la Russie.

«Partenaire junior»
«Les partenaires chinois nous ont fait part de leurs réflexions sur les causes profondes de la crise ukrainienne, ainsi que sur leurs approches pour son règlement politique », a affirmé Serguei Lavrov à l’issue des entretiens. « Il ne s’agit pas d’un plan de paix séparé», a toutefois précisé le ministre russe des Affaires étrangères. Le document n’a pas été publié. À la conférence sur la sécurité de Munich mardi, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kuleba a affirmé que Wang Yi lui avait fait part des «éléments clés du plan de paix chinois», sans que des propositions écrites ne lui soit remises.

Kiev dit n’avoir pas été consulté
Certes, la Russie et la Chine ont affiché mercredi leur volonté d’approfondir leur relation diplomatique, mais selon un haut responsable ukrainien, Pékin n’a pas consulté Kiev.
«La Chine ne nous a pas consultés », a dit ce responsable qui a requis l’anonymat à plusieurs médias, dont l’AFP. Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, qui a rencontré son homologue chinois Wang Yi en Allemagne, a révélé mardi à Bruxelles que ce dernier lui avait «fait part des éléments clés du plan de paix chinois». «Nous attendons de recevoir ce texte pour l’étudier en détail, parce qu’on ne peut tirer de conclusions après seulement une présentation orale», avait ajouté Dmytro Kouleba.
Depuis le début du conflit, la Chine affiche une « neutralité» pro russe. «La Chine a trouvé en Russie, un partenaire junior qui n’a pas peur de s’opposer aux États-Unis», confiait récemment un diplomate européen. La prochaine étape sera la visite de Xi Jinping à Moscou au printemps, afin de renforcer le partenariat stratégique entre les deux alliés. En un an, le président chinois n’a pas eu de contacts directs, du moins officiellement, avec son homologue ukrainien.
Avec RFI

Trois questions à Zhao Tong, chercheur au programme de politique nucléaire du centre Carnegie/Tsinghua, à Pékin.
Quel peut-être le contenu de ce « plan de paix » chinois pour l’Ukraine ?

Le but de ce document est d’abord de traduire la volonté de la Chine d’apporter sa contribution au règlement pacifique de la crise ukrainienne. Il s’adresse principalement à l’Europe et à d’autres pays que les États-Unis. Il s’agit de démontrer que la politique étrangère de la Chine est pacifique, et d’afficher l’image d’un grand pays, responsable et puissant. Le document se concentre donc probablement sur des questions de principes généraux et essentiels aux yeux de Pékin, mais je crains qu’ils n’y aient pas de contenus plus précis et spécifiques.

La Chine peut-elle vraiment jouer le rôle de médiateur alors que se renforcent les relations entre Pékin et Moscou ?
Il existe des divergences de vues significatives entre la Chine et les sociétés occidentales concernant la perception des causes de la guerre en Ukraine et de sa nature. La Chine estime que le principal responsable de la guerre en Ukraine est l’Occident dirigé par les États-Unis, et qu’après le déclenchement du conflit, l’Occident a tenté d’utiliser la guerre pour affaiblir la Russie et parvenir à ses objectifs géostratégiques. Voilà pourquoi, la Chine ne veut surtout pas d’une défaite totale de la Russie dans cette guerre. La Chine craint que si la Russie se retire dans la défaite, cette pression politique, économique et militaire de l’Occident ne se concentre ensuite sur la Chine, qu’elle soit la prochaine cible. En défendant ses intérêts, la Chine essaie de parvenir à un équilibre entre deux objectifs : d’une part stabiliser et améliorer ses relations avec l’Occident, et d’autre part maintenir et même continuer à approfondir son partenariat stratégique avec la Russie. Ces deux objectifs stratégiques sont dans une certaine mesure en conflit l’un avec l’autre, ce qui limite considérablement l’espace que la Chine peut exercer dans une éventuelle médiation sur la question ukrainienne.

Que pensez-vous de l’accusation d’Antony Blinken, selon laquelle la Chine envisagerait de fournir des armes à la Russie ?
La ligne rouge que s’est fixée la Chine, c’est d’éviter une défaite complète de la Russie. Si l’armée russe est vaincue, la situation politique en Russie pourrait devenir instable, avec même la possibilité de l’émergence d’un leader proche de l’Occident. Si c’était le cas, au lieu de s’associer à la Chine pour faire face à l’ennemi commun auquel ils sont tous deux actuellement confrontés, la Russie rejoindrait le camp de l’Occident. En prenant en compte ces éléments, je pense que la Chine sera davantage incitée à aider la Russie, si la guerre évolue dans une direction défavorable à Moscou. Sur le papier, vous ne pouvez pas exclure que la Chine envisage à l’avenir de fournir une aide plus substantielle à la Russie.

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