Décidément, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a encore du mal à trouver de bons collaborateurs prêts à l’accompagner dans sa vision de refonder l’Etat congolais autour des valeurs cardinales. C’est flagrant quand la dérive vient de deux membres du Gouvernement central qui, en mission à l’intérieur du pays, n’ont trouvé mieux que de raviver le discours de haine et de la xénophobie battant en brèche tous les appels à l’unité du Président de la République. Quelle sanction leur sera réservée ? Difficile à dire. Le plus évident est que Jean-Lucien Bussa, ministre du Commerce extérieur, et son collègue des Hydrocarbures, Didier Budimbu, ont prouvé noir sur blanc qu’ils ne sont jamais inscrits dans la vision du Chef de l’Etat. Leur adhésion dans l’Union sacrée de la nation n’est qu’un mariage d’intérêt. Sinon, rien ne justifie leurs déclarations intempestives qui mettent dans une mauvaise posture le Président de la République.
En tournée politique dans la province du Sud-Ubangi, Jean-Lucien Bussa, ministre du Commerce extérieur et autorité morale de la CDER, parti membre de l’Union sacrée de la nation, a choisi le mauvais endroit pour faire une déclaration qui s’apparentait à une attaque en règle d’une icône de la province, feu Jeannot Bemba Saolona, père de Jean-Pierre Bemba, leader du MLC, et toute sa descendance.
En voulant tirer sur Moïse Katumbi, chairman d’Ensemble pour la République, Jean-Lucien Bussa a reçu un retour des flammes qui lui a été fatal.
En tentant d’enterrer un adversaire politique, Bussa s’est tiré une balle au pied en contredisant même le Président de la République. En novembre dernier devant les jeunes de 26 provinces, Tshisekedi avait appelé à considérer les Rwandais, dont le pays est pourtant à la base de l’occupation d’une partie du territoire de la République Démocratique du Congo, comme des frères.
«Celui dont le père n’est pas congolais est notre ennemi», a dit le ministre Jean Lucien Bussa dans le Sud-Ubangi. Les réactions n’ont pas tardé. Sur la toile, tout comme dans le Sud-Ubangi, une foudre s’est déchainée sur le ministre du Commerce extérieur. C’est en catimini, apprend-on, que Jean-Lucie Bussa a quitté Gemena, chef-lieu de la province, pris en chasse par la population locale.
En réalité, le ministre du Commerce extérieur s’est juste trompé d’époque. Il a oublié que dans le Grand Equateur, ce discours de haine et d’exclusion passe difficilement. Le dire dans le Sud-Ubangi, fief naturel de la lignée Bemba, dont le patriarche Jeannot Bemba était né d’un père portugais, ne pouvait que déclencher un tollé général. Le leader de la CDER en a eu pour son compte.
Comme s’il n’en suffisait, à l’instar de son collègue du Commerce extérieur, Didier Budimbu est allé également tenir à Lubumbashi un discours similaire, suscitant une indignation totale autant dans la province du Haut-Katanga que sur l’ensemble du territoire national.
Indignation de JUSTICIA Asbl
Dans un communiqué, diffusé le 11 janvier 2023 depuis Kinshasa, JUSTICIA Asbl, une organisation de promotion et de protection des droits de l’homme et du droit humanitaire et de développement basée en République Démocratique du Congo, pense que «Monsieur Didier Budimbu, ministre congolais des Hydrocarbures, devrait être poursuivi pour incitation à la haine raciale».
A cet effet, JUSTICIA Asbl, exprime « ses vives inquiétudes au sujet de la recrudescence des messages d’incitation à la haine tribale et raciale contre des candidats présidents de la République qui seraient nés d’un parent à la peau blanche ». L’ONG rappelle que « dans une vidéo devenue virale et dont JUSTICIA Asbl est entrée en possession, le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, battant prématurément campagne pour le Président Félix Tshisekedi, a qualifié de +chauve-souris+, tout candidat né d’un parent à la peau blanche».
JUSTICIA Asbl note «avec regret qu’en cette période électorale, des messages de haine tribale et raciste soient devenus monnaie courante alors que la justice aurait dû se saisir de leurs auteurs afin d’être poursuivi et puni de manière exemplaire».
Elle «regrette également que les autorités politiques et administratives encouragent ces attaques en se servant des slogans xénophobes comme +né de père et de mère+ qui voudrait dire exclure des compétitions électorales tout congolais d’origine dont l’un des parents serait de nationalité étrangère».
Très inéquiète, JUSTI-CIA Asbl note que «ces messages et pratiques racistes compromettent très dangereusement l’unité ainsi que la cohésion nationale et sont de nature à déboucher sur des atteintes physiques et des violations graves des droits de cette catégorie des citoyens congolais».
Tout en invitant les instances judiciaires congolaises à «poursuivre les auteurs de ces messages ségrégationnistes», comme le ministre Didier Budimbu, JUSTICIA Asbl «adjure également les autorités congolaises à garantir la jouissance pleine des droits garantis aux congolais d’origine, seraient-ils nés de l’un des parents étrangers».
La réplique
Les déclarations de Bussa et Budimbu ne sont pas passées inaperçues dans l’entourage de Moïse Katumbi.
Depuis Lubumbashi, la Fondation Katangaise s’est déchargé sur le ministre Didier Budimbu après son discours identitaire et clivant, invitant les autorités compétentes à réagir le plus rapidement pour prévenir étouffer cette poussée xénophobe dans l’œuf.
Sur son compte twitter, Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, a remis une couche à la vague d’indignation : «Honte à ceux qui, pour cacher leur mauvais bilan, réveillent les bas instincts du vieil homme qui sommeille en chacun. Aujourd’hui en RDC, le racisme porte le nom et le visage hideux d’un régime qui garde silence et cautionne le discours haineux et discriminatoire de ses ministres».
A tout prendre, les déclarations de Bussa et Budimbu énervent l’article 30 de la Constitution qui condamne fermement la xénophobie, le tribalisme, la haine ou l’aversion raciale. Elles vont également à l’encontre de l’’article 1er de l’Ordonnance-Loi 66-342 portant Répression du racisme et du tribalisme qui dispose : «Quiconque, soit par paroles, gestes, écrits, images ou emblèmes, soit par tout autre moyen, aura manifesté de l’aversion ou de la haine raciale, ethnique, tribale ou régionale, ou aura commis un acte de nature à provoquer celle aversion ou cette haine sera puni d’une servitude pénale d’un mois à deux ans et d’une amende de cinq cents à cent mille francs, ou d’une de ces peines seulement. Si l’infraction a été commise par un dépositaire de l’autorité qui est dans l’exercice de ses fonctions, la servitude pénale sera de six mois au moins et l’amende de cinq mille francs au moins».
A la justice de faire son travail pour remettre sur le droit chemin ces deux membres égarés du Gouvernement central.
Hugo Tamusa