Le Programme d’actions du Gouvernement de Mme Judith Suminwa Tuluka pour la période 2024-2028 est une feuille de route ambitieuse visant à transformer le pays en une économie diversifiée et résiliente. En se basant sur six engagements majeurs, le Gouvernement entend répondre aux aspirations exprimées par le peuple congolais lors des élections. Dr John Mususa Ulimwengu, Chargé de recherches senior à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), aux Etats-Unis, tente de pénétrer ce mystère. Tribune.
Ces engagements comprennent la création d’emplois, la protection du pouvoir d’achat, l’amélioration de la sécurité nationale, l’accès aux services de base, la diversification économique et l’efficacité des services publics. Le Programme met un accent particulier sur le développement des infrastructures, comme les routes, les voies ferrées et les installations énergétiques, qui sont essentielles pour stimuler la croissance économique et améliorer la qualité de vie des congolais. Il prévoit également des réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé pour garantir un accès équitable aux services sociaux de base.
En outre, le Programme reconnaît l’importance de la modernisation technologique et de l’innovation comme moteurs de développement. Le coût total du Programme est estimé à 92,9 milliards USD sur cinq ans, ce qui soulève des questions sur la viabilité financière et la capacité de mobilisation des ressources nécessaires. Cependant, le Gouvernement reste optimiste quant à la possibilité de mobiliser ces fonds à partir de sources étatiques et non étatiques, tant au niveau central que provincial. En fin de compte, ce programme est perçu comme un outil stratégique pour orienter les politiques et actions futures, visant à bâtir un Congo moderne, résilient et prospère.
Le Programme d’Actions du Gouvernement n’est toutefois pas à l’abri des risques de dérapage, particulièrement dans le contexte complexe de la RDC. L’instabilité sécuritaire reste l’un des défis les plus pressants. La RDC est confrontée à des conflits armés persistants, notamment dans l’est du pays, où des groupes rebelles continuent de déstabiliser les régions. Cette situation non seulement entrave la mise en œuvre des projets de développement mais met également en péril la sécurité des citoyens et la stabilité économique.
De plus, la volatilité économique constitue un autre risque majeur. La RDC dépend fortement des exportations de matières premières, rendant son économie vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux. Une baisse soudaine des prix des ressources pourrait compromettre les objectifs économiques du programme et exacerber les tensions sociales. La faiblesse institutionnelle est également une préoccupation importante. Les capacités limitées des institutions gouvernementales et locales à gérer efficacement les programmes et les fonds publics peuvent conduire à une mauvaise exécution des projets et à une corruption persistante. Enfin, les défis logistiques et infrastructurels sont omniprésents. Le manque d’infrastructures adéquates et les difficultés logistiques peuvent ralentir ou entraver la mise en œuvre des initiatives prévues dans le programme.
POINTS FORTS DU PROGRAMME
L’un des principaux atouts du Programme d’Actions du Gouvernement de la RDC pour 2024-2028 est sa vision stratégique claire et cohérente. Le programme est bien aligné avec une ambition de long terme pour le développement durable de la RDC, visant à surmonter les défis structurels et à répondre aux besoins socio-économiques du pays. Il reconnaît les potentiels énormes de la RDC en matière de ressources naturelles et de position géographique, et propose des stratégies pour exploiter ces avantages de manière durable et inclusive. L’accent mis sur la diversification économique est particulièrement significatif. En visant à réduire la dépendance excessive aux secteurs extractifs, le Programme promeut le développement de l’agriculture, des infrastructures, et des industries manufacturières. Cette diversification est essentielle pour créer des emplois durables et stimuler une croissance économique inclusive.
Les investissements massifs prévus dans les infrastructures sont un autre point fort majeur. Le développement des routes, des chemins de fer, et des installations énergétiques est crucial pour améliorer la connectivité et faciliter le commerce à travers le pays. Ces projets d’infrastructures sont également conçus pour relier les zones de production agricole et minière aux marchés nationaux et internationaux, ce qui est fondamental pour le développement économique. Le programme met également l’accent sur la sécurité et la stabilité, en renforçant les capacités des forces de défense et de sécurité pour protéger le territoire national et sécuriser les biens et les personnes. Cet engagement est crucial dans le contexte de la RDC, où l’insécurité reste un obstacle majeur au développement.
Enfin, le Programme se distingue par son engagement envers les progrès sociaux. Des initiatives telles que l’amélioration de l’accès à l’éducation et aux soins de santé, ainsi que la promotion de l’inclusion sociale et de la justice, sont essentielles pour le bien-être de la population et pour la construction d’une société plus équitable et plus résiliente.
DOMAINES NECESSITANT DES AMELIORATIONS
Malgré ses nombreux points forts, le Programme d’Actions du Gouvernement de la RDC pour 2024-2028 présente plusieurs domaines nécessitant des améliorations. Tout d’abord, bien que le programme mette en avant des réformes économiques nécessaires pour stimuler l’investissement privé et lutter contre la corruption, il manque de détails spécifiques sur la manière dont ces réformes seront mises en œuvre. Les mécanismes de mise en œuvre clairs et les étapes concrètes sont essentiels pour assurer que ces réformes produisent les résultats escomptés.
Un autre aspect nécessitant une amélioration est la capacité institutionnelle. La RDC doit renforcer les capacités de ses institutions publiques pour garantir une exécution efficace du programme. Cela inclut la nécessité de formations spécialisées, l’amélioration des infrastructures administratives, et l’établissement de processus de gestion efficaces. Sans une solide capacité institutionnelle, même les meilleures stratégies risquent de ne pas être mises en œuvre de manière efficace.
Le financement du Programme représente également un défi majeur. Le coût total de 92,9 milliards USD est extrêmement élevé, et il est crucial de développer des plans détaillés sur la manière de mobiliser ces ressources. Cela inclut l’identification des sources de financement, qu’elles soient internes ou externes, et la mise en place de mécanismes robustes pour gérer ces fonds de manière transparente et responsable.
La coordination intersectorielle est un autre domaine clé nécessitant des améliorations. Pour éviter les conflits de politiques et assurer une approche intégrée, il est essentiel de mettre en place des mécanismes robustes pour coordonner les actions entre les différents ministères et secteurs. Une meilleure coordination permettrait de maximiser l’impact des initiatives et d’éviter les redondances et les inefficacités.
Enfin, le Programme pourrait bénéficier d’un système de suivi et d’évaluation plus détaillé. Il est crucial d’établir des indicateurs clairs pour évaluer les progrès et ajuster les stratégies en fonction des résultats obtenus. Un suivi rigoureux permettra de s’assurer que les objectifs du programme sont atteints et que les ressources sont utilisées de manière efficace.
LE PROGRAMME REPOSE-T-IL SUR UN DIAGNOSTIC COMPREHENSIF DE LA SITUATION DE LA RDC ?
Le Programme d’Actions du Gouvernement de la RDC repose sur une analyse approfondie et exhaustive des défis auxquels le pays est confronté. Cette analyse englobe divers aspects, y compris les contraintes économiques, les défis sécuritaires, et les besoins en infrastructures et en services sociaux. Le document reconnaît la complexité de la situation macroéconomique du pays, marquée par une dépendance excessive aux secteurs extractifs, une volatilité économique due aux chocs externes, et une nécessité impérative de diversification économique. La RDC est décrite comme un pays avec un potentiel énorme mais confronté à des défis structurels significatifs. Le programme reconnaît les impacts négatifs des conflits armés récurrents, notamment dans l’Est du pays, qui perturbent les chaînes d’approvisionnement et empêchent le développement économique. Il souligne également l’importance de résoudre les problèmes de gouvernance et de renforcer l’État de droit pour assurer un environnement propice au développement.
L’analyse contextuelle du Programme prend en compte les impacts des chocs économiques internationaux, tels que la fluctuation des prix des matières premières et les pressions inflationnistes globales, qui affectent directement l’économie congolaise. De plus, elle évalue les défis posés par le changement climatique, qui exacerbent la vulnérabilité de l’économie et mettent en péril les moyens de subsistance de millions de Congolais. Sur le plan social, le programme identifie les énormes déficits en matière de services sociaux, notamment l’accès à l’éducation, à la santé et aux infrastructures de base. Il reconnaît que malgré les efforts déployés pour améliorer l’accès à ces services, des disparités significatives persistent entre les régions urbaines et rurales, ainsi qu’entre différentes provinces.
LE PROGRAMME REPOSE-T-IL SUR UNE THEORIE DE CHANGEMENT ?
Le Programme d’Actions du Gouvernement de la RDC semble implicitement basé sur une théorie de changement visant à transformer le pays en une économie diversifiée, résiliente et équitable. Cette théorie de changement repose sur plusieurs piliers stratégiques qui, ensemble, visent à surmonter les défis actuels et à créer les conditions nécessaires pour un développement durable à long terme. Un élément clé de cette théorie est l’accent mis sur la diversification économique. Le programme reconnaît que pour sortir de la dépendance aux secteurs extractifs, il est essentiel de développer d’autres secteurs de l’économie, notamment l’agriculture, l’industrie manufacturière, et les services. Cette diversification est censée créer des emplois, stimuler la croissance économique et améliorer la résilience économique face aux chocs externes.
La modernisation des infrastructures est un autre pilier crucial de cette théorie de changement. En investissant dans les infrastructures de transport et d’énergie, le Programme vise à améliorer la connectivité et à faciliter le commerce, ce qui est essentiel pour stimuler le développement économique et améliorer la qualité de vie des citoyens. La réforme des services publics et la lutte contre la corruption sont également des composantes centrales de cette théorie de changement. Le Programme propose des réformes structurelles pour améliorer l’efficacité et la transparence des services publics, ce qui est crucial pour renforcer la confiance des citoyens et des investisseurs, et pour garantir que les ressources publiques sont utilisées de manière efficace.
En outre, le Programme met en avant la nécessité de renforcer la sécurité et la stabilité, en consolidant les capacités des forces de défense et de sécurité et en améliorant la gouvernance judiciaire. La sécurité est perçue comme un prérequis fondamental pour le développement économique et social, et le programme vise à créer un environnement sécurisé qui permet aux activités économiques de prospérer.
Enfin, le Programme promeut l’inclusion sociale et l’équité, en visant à réduire les disparités régionales et à améliorer l’accès aux services sociaux de base. En intégrant ces éléments, la théorie de changement du programme cherche à créer un Congo plus uni, plus prospère et plus résilient.
Y A-T-IL UNE CORRELATION ENTRE ACTIVITES, STRATEGIES/POLITIQUES ET RESULTATS ATTENDUS ?
Le Programme établit des liens entre les activités proposées, les stratégies/politiques et les résultats attendus. Chaque secteur stratégique du programme est conçu pour répondre à des objectifs spécifiques alignés sur les engagements du président.
Par exemple, les investissements dans les infrastructures visent à améliorer la connectivité et à soutenir le développement économique dans les zones rurales et urbaines, ce qui devrait conduire à une croissance économique plus inclusive et à la création d’emplois. Dans le domaine de la sécurité, les actions telles que le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité sont directement liées à l’objectif de sécuriser le territoire national et de protéger les citoyens. Ces mesures sont conçues pour réduire la criminalité et les conflits, ce qui est essentiel pour créer un environnement stable et propice au développement économique et social.
Le Programme met également en avant des politiques pour améliorer l’accès aux services sociaux de base, comme l’éducation et la santé. Les initiatives dans ces domaines sont directement liées à l’objectif de réduire les inégalités sociales et de promouvoir le développement du capital humain, ce qui est crucial pour la croissance économique à long terme. En matière de diversification économique, le programme propose des réformes dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie pour stimuler la production locale et réduire la dépendance aux importations. Ces actions sont conçues pour créer une économie plus compétitive et générer des emplois durables, contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie.
Le lien entre les stratégies proposées et les résultats attendus est également évident dans l’accent mis sur la gouvernance et la transparence. Les réformes visant à renforcer la gestion des finances publiques et à lutter contre la corruption sont conçues pour améliorer l’efficacité et la transparence des dépenses publiques, ce qui devrait conduire à une meilleure utilisation des ressources et à des résultats plus tangibles pour les citoyens.
Y A-T-IL UN LIEN ENTRE LE DEVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES ET SECTEURS PRODUCTIFS ?
Le Programme met un fort accent sur le développement des infrastructures et leur lien avec les secteurs productifs du pays. Les infrastructures, telles que les routes, les voies ferrées et les voies fluviales, sont reconnues comme des catalyseurs essentiels pour le développement économique, en particulier pour les secteurs clés comme les mines, l’agriculture, le tourisme et les forêts. L’amélioration des infrastructures de transport est considérée comme cruciale pour désenclaver les zones rurales et faciliter l’accès aux marchés pour les produits agricoles. Le programme propose des investissements dans le développement de routes de desserte agricole, ce qui devrait permettre de réduire les coûts de transport, d’améliorer la compétitivité des produits agricoles locaux et de stimuler la production et la productivité agricoles.
En ce qui concerne le secteur minier, le Programme reconnaît l’importance des infrastructures pour le transport des minerais vers les marchés nationaux et internationaux. Les projets comme le corridor Banana-Sakania sont conçus pour faciliter le commerce et attirer des investissements dans le secteur minier, ce qui est essentiel pour la croissance économique de la RDC.
Le développement des infrastructures est également lié au secteur du tourisme. En améliorant les routes et les voies de communication, le Programme vise à promouvoir le tourisme intérieur et international, ce qui peut générer des revenus substantiels et créer des emplois. Le programme prévoit également la réhabilitation et le développement des infrastructures touristiques dans les sites clés pour attirer plus de visiteurs. Dans le secteur forestier, les infrastructures sont nécessaires pour améliorer l’accès aux zones de production et pour soutenir les activités de gestion durable des forêts. Les investissements dans les infrastructures de transport peuvent faciliter l’exportation de produits forestiers et promouvoir des pratiques de gestion forestière durable.
Y A-T-IL UN LIEN ENTRE LE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR ENERGETIQUE ET SECTEURS PRODUCTIFS ?
Le développement du secteur énergétique est un pilier central du Programme d’Actions du Gouvernement de la RDC, avec une reconnaissance explicite de son importance pour les secteurs productifs tels que les mines, l’agriculture, le tourisme et les forêts. L’accès à une énergie fiable et abordable est essentiel pour le développement économique et la compétitivité des entreprises, et le programme met en avant plusieurs initiatives pour améliorer la capacité énergétique du pays. L’un des projets phares du programme est le développement du complexe hydroélectrique Grand Inga, qui a le potentiel de transformer le paysage énergétique de la RDC et de fournir une énergie renouvelable et abondante pour les secteurs productifs. En plus de Grand Inga, le programme prévoit des investissements dans l’énergie solaire et d’autres sources d’énergie renouvelable pour diversifier le mix énergétique du pays et répondre aux besoins croissants en énergie.
Pour le secteur minier, qui est l’un des principaux moteurs économiques de la RDC, un approvisionnement énergétique stable est crucial pour les opérations minières. Le programme propose de renforcer les infrastructures énergétiques pour soutenir l’exploitation minière et la transformation des minerais, ce qui est essentiel pour ajouter de la valeur localement et pour augmenter les revenus du secteur minier. Dans l’agriculture, l’accès à l’énergie est important pour l’irrigation, la transformation des produits agricoles et le stockage. Le programme prévoit des initiatives pour améliorer l’électrification rurale, ce qui peut aider à moderniser les pratiques agricoles et à augmenter la productivité. En outre, le développement des énergies renouvelables peut fournir des solutions énergétiques durables pour les zones rurales, réduisant ainsi la dépendance aux sources d’énergie fossiles coûteuses et polluantes.
Le secteur touristique peut également bénéficier du développement du secteur énergétique. Des infrastructures énergétiques fiables sont nécessaires pour soutenir les installations touristiques et pour améliorer l’expérience des visiteurs. Le Programme propose des mesures pour améliorer l’approvisionnement en énergie dans les sites touristiques clés, ce qui peut attirer plus de touristes et stimuler l’économie locale.
EXISTE-IL UN MECANISME POUR EVITER LES INCOHERENCES ET CONFLITS ENTRE STRATEGIES/POLITIQUES ?
Le Programme semble reconnaître l’importance d’une coordination efficace entre les différentes stratégies et politiques pour éviter les incohérences et les conflits. Toutefois, bien que le document mette en avant la nécessité d’une approche intégrée et coordonnée, les mécanismes spécifiques pour gérer ces interactions ne sont pas détaillés de manière exhaustive. Pour assurer une coordination efficace, il est crucial d’établir des structures de gouvernance claires et des processus de consultation réguliers entre les ministères et les agences responsables de la mise en œuvre des différentes initiatives. Cela peut inclure la création de comités intersectoriels ou de groupes de travail chargés de superviser la mise en œuvre des politiques et de résoudre les problèmes de chevauchement ou de conflit entre les stratégies.
Un autre aspect important est la mise en place de systèmes de planification et de budgétisation intégrés. Le programme propose un dispositif de Planification – Programmation – Budgétisation – Suivi et Évaluation (PPBSE), qui est conçu pour aligner les budgets des ministères et des agences avec les priorités stratégiques du gouvernement. Ce système peut aider à garantir que les ressources sont allouées de manière cohérente et efficace, en évitant les doublons et en maximisant l’impact des investissements publics.
Le renforcement des capacités institutionnelles est également essentiel pour gérer les interactions complexes entre les différentes politiques. Le programme souligne la nécessité de former les fonctionnaires et d’améliorer les infrastructures administratives pour soutenir une mise en œuvre efficace. Des capacités institutionnelles robustes permettent de mieux coordonner les actions, de suivre les progrès et de s’adapter aux défis émergents. Enfin, la transparence et la participation des parties prenantes jouent un rôle crucial pour éviter des incohérences et des conflits. En impliquant les parties prenantes dans le processus de planification et en assurant une communication claire sur les objectifs et les actions, le Gouvernement peut construire un consensus et réduire les risques de conflit entre les stratégies.
DU SYSTEME DE GOUVERNANCE ET DE COORDINATION
Le Programme reconnaît que la réussite de ses initiatives dépend en grande partie de la capacité des institutions publiques à planifier, coordonner et mettre en œuvre les actions de manière cohérente et efficace. Un aspect clé de ce système est l’accent mis sur la transparence et la reddition de comptes. Le Programme propose des réformes pour améliorer la gestion des finances publiques et renforcer la responsabilité des acteurs publics. Ces mesures incluent la mise en place de budgets réalistes et crédibles, l’amélioration de la qualité des dépenses publiques et l’intensification de la mobilisation des recettes publiques. En renforçant la transparence et la responsabilité, le gouvernement vise à assurer une utilisation efficace des ressources et à construire la confiance des citoyens et des investisseurs.
La coordination interinstitutionnelle est également un élément crucial du système de gouvernance proposé. Le Programme prévoit des mécanismes pour aligner les actions des ministères, des structures et des agences avec les priorités stratégiques du gouvernement. Cela inclut la création de plateformes de concertation et de collaboration pour faciliter la communication et la coordination entre les différentes entités gouvernementales. Ces structures sont essentielles pour éviter les chevauchements, maximiser l’impact des initiatives et assurer une approche intégrée du développement.
Le renforcement des capacités institutionnelles est un autre pilier du système de gouvernance et de coordination. Le programme souligne la nécessité de former les fonctionnaires, d’améliorer les infrastructures administratives et de moderniser les systèmes de gestion. En développant des capacités institutionnelles solides, le gouvernement peut mieux planifier, exécuter et superviser les politiques publiques, ce qui est essentiel pour la mise en œuvre réussie du programme.
Enfin, la participation des parties prenantes est considérée comme un facteur clé de succès. Le programme encourage le dialogue et la participation des citoyens, du secteur privé et de la société civile dans le processus de prise de décision. En impliquant les parties prenantes, le gouvernement peut recueillir des informations précieuses, construire un consensus et assurer que les initiatives répondent aux besoins et aux aspirations de la population.
EXISTE-IL UN SYSTEME DE SUIVI ET EVALUATION ?
Le Programme inclut la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation (S&E) pour surveiller les progrès et évaluer les résultats des initiatives proposées. Ce système est essentiel pour assurer que les actions du gouvernement sont efficaces et pour ajuster les stratégies en fonction des performances observées. Le dispositif de Planification – Programmation – Budgétisation – Suivi et Évaluation (PPBSE) mentionné dans le programme est conçu pour aligner les actions et les budgets avec les priorités stratégiques, tout en fournissant un cadre pour le suivi et l’évaluation. Ce système vise à intégrer le suivi et l’évaluation dans le cycle de gestion des politiques publiques, en assurant que chaque étape, de la planification à l’exécution et à l’évaluation, est bien coordonnée et alignée sur les objectifs du gouvernement.
Toutefois, pour que ce système soit efficace, il est crucial d’établir des indicateurs de performance clairs et mesurables. Le Programme devrait définir des indicateurs spécifiques pour chaque objectif stratégique, qui permettront de mesurer les progrès réalisés et d’évaluer l’impact des initiatives. Ces indicateurs doivent être régulièrement suivis et analysés pour identifier les succès et les domaines nécessitant des améliorations.
La collecte et l’analyse des données sont des composants essentiels du système de suivi et d’évaluation. Le Programme doit mettre en place des mécanismes robustes pour recueillir des données fiables et à jour sur les différents aspects des initiatives. Ces données doivent être analysées pour fournir des informations pertinentes sur la performance et pour guider la prise de décision. Il est important de renforcer le CAID (www.caid.cd).
Le retour d’information et l’apprentissage sont également des éléments clés du système de suivi et d’évaluation. Le programme doit inclure des mécanismes pour diffuser les résultats des évaluations et pour intégrer les leçons apprises dans le processus de planification et d’exécution. En utilisant ces informations, le gouvernement peut ajuster ses stratégies et ses actions pour améliorer l’efficacité et l’impact du Programme.
Enfin, la participation des parties prenantes est cruciale pour le succès du système de suivi et d’évaluation. En impliquant les citoyens, le secteur privé et la société civile dans le processus de S&E, le gouvernement peut recueillir des perspectives diverses, renforcer la transparence et la responsabilité, et s’assurer que les initiatives répondent aux besoins et aux attentes de la population.
EXISTE-IL UN MECANISME DE RESPONSABILITE MUTUELLE ?
Le Programme ne décrive pas en détail un mécanisme formel de responsabilité mutuelle, mais il souligne la nécessité de renforcer la transparence, la reddition de comptes et la participation des parties prenantes dans le processus de mise en œuvre. Un mécanisme efficace de responsabilité mutuelle implique la mise en place de structures et de processus permettant de responsabiliser toutes les parties prenantes, y compris les fonctionnaires, les agences gouvernementales, le secteur privé et la société civile, pour leurs rôles et leurs contributions à la réalisation des objectifs du programme. Cela peut inclure la définition claire des rôles et des responsabilités, l’établissement d’objectifs de performance, et la création de systèmes pour suivre et évaluer les contributions de chaque partie.
La transparence est un pilier fondamental de la responsabilité mutuelle. Le Programme propose des réformes pour améliorer la transparence dans la gestion des finances publiques et dans l’exécution des politiques. En rendant les informations sur les budgets, les dépenses et les résultats accessibles au public, le gouvernement peut renforcer la responsabilité et encourager une participation active des citoyens dans le suivi et l’évaluation des actions gouvernementales.
La reddition de comptes est également cruciale. Le Programme mentionne la nécessité d’intensifier la mobilisation des recettes publiques et d’améliorer la qualité des dépenses, ce qui implique un suivi rigoureux et une évaluation régulière des performances. Les mécanismes de reddition de comptes, tels que les audits financiers, les inspections et les évaluations indépendantes, sont essentiels pour assurer que les ressources sont utilisées de manière efficace et que les objectifs sont atteints.
En outre, le Programme encourage la participation des parties prenantes dans le processus de prise de décision et de mise en œuvre. En impliquant les citoyens, les organisations de la société civile et le secteur privé, le gouvernement peut renforcer la légitimité de ses actions, recueillir des informations précieuses et s’assurer que les initiatives sont alignées sur les besoins et les aspirations de la population.
Pour renforcer davantage la responsabilité mutuelle, le Programme pourrait bénéficier de l’intégration de mécanismes formels pour évaluer et sanctionner positivement ou négativement les performances des parties prenantes. Cela peut inclure des systèmes de récompenses pour les performances exceptionnelles et des mesures correctives pour les insuffisances, ce qui encouragerait une culture de responsabilité et d’amélioration continue.
DE L’ADEQUATION DU BUDGET PAR RAPPORT AUX DEFIS
Le budget proposé est ambitieux, avec un coût total estimé à 92,9 milliards USD sur cinq ans. Ce montant reflète l’ampleur des défis auxquels le pays est confronté et l’envergure des initiatives nécessaires pour les surmonter. Cependant, l’adéquation de ce budget par rapport aux défis à relever soulève plusieurs questions critiques sur la capacité du Gouvernement à mobiliser les ressources nécessaires et à gérer efficacement ces fonds. Tout d’abord, la mobilisation des ressources pour financer ce budget est un défi majeur. Le programme propose de couvrir le coût total par des ressources étatiques et non étatiques, provenant à la fois du gouvernement central, des provinces et des entités territoriales décentralisées. Toutefois, la capacité de la RDC à mobiliser ces ressources dépend de plusieurs facteurs, y compris la performance économique du pays, l’efficacité des systèmes de collecte de revenus, et la capacité à attirer des financements externes, que ce soit par des investissements directs étrangers, des prêts ou des aides internationales.
Ensuite, la gestion efficace de ce budget est essentielle pour assurer que les ressources allouées produisent les résultats escomptés. Le Programme met en avant la nécessité de réformes pour améliorer la gestion des finances publiques, y compris la mise en place de budgets réalistes et crédibles, et l’amélioration de la qualité des dépenses publiques. Ces réformes sont cruciales pour éviter les gaspillages, les inefficacités et les détournements de fonds, et pour garantir que les investissements sont dirigés vers des initiatives à fort impact.
L’adéquation du budget par rapport aux défis à relever dépend également de la capacité du gouvernement à prioriser les investissements. Le Programme propose une large gamme d’initiatives dans divers secteurs, ce qui nécessite une planification et une budgétisation rigoureuses pour s’assurer que les ressources sont allouées de manière stratégique. Les priorités doivent être définies en fonction de leur potentiel à contribuer à la croissance économique, à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie de la population.
Un autre aspect à considérer est la viabilité financière à long terme du programme. Le coût élevé du Programme pose la question de la durabilité des finances publiques de la RDC et de la capacité du pays à gérer son endettement tout en poursuivant ses objectifs de développement. Il est crucial de s’assurer que le financement du Programme ne compromet pas la stabilité macroéconomique du pays et ne génère pas une dépendance excessive aux financements externes.
LE PROGRAMME CONTIENT-IL DES STRATEGIES POUR AMELIORER LA REPUTATION ET LA CREDIBILITE DU GOUVERNEMENT ?
L’un des piliers fondamentaux du Programme est l’amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Ce programme reconnaît que pour restaurer la confiance des congolais et des investisseurs, il est essentiel de renforcer la transparence et la redevabilité. Ainsi, des mécanismes comme la publication régulière des contrats miniers et la mise en œuvre d’un système intégré de gestion des finances publiques (SIGMAP) sont mis en avant. La lutte contre la corruption est abordée de manière proactive avec des réformes visant à renforcer les structures de lutte contre la corruption et à améliorer la gouvernance économique.
Cette orientation est cruciale pour plusieurs raisons. Premièrement, elle vise à rétablir la confiance des congolais dans leurs institutions. La RDC a longtemps été marquée par une méfiance généralisée envers les autorités publiques, souvent accusées de corruption et de mauvaise gestion. En montrant un engagement clair envers la transparence et la bonne gouve-rnance, le gouvernement peut commencer à reconstruire cette confiance. Deuxièmement, une réputation solide et crédible est indispensable pour attirer des investissements étrangers. Les investisseurs recherchent des environnements stables et prévisibles où leurs droits sont protégés. En améliorant sa crédibilité, la RDC peut espérer devenir une destination plus attrayante pour les investissements, stimulant ainsi son développement économique. Enfin, la crédibilité du gouvernement renforce son autorité, particulièrement importante dans les provinces où l’État doit réaffirmer son contrôle face à des conflits persistants.
QUID DE LA PARTICIPATION DES PROVINCES ?
Le Programme reconnaît également l’importance de l’inclusion des provinces dans le processus de développement. La RDC, avec sa diversité géographique et culturelle, nécessite une approche de gouvernance qui soit à la fois centralisée pour certaines décisions stratégiques et décentralisée pour permettre une gestion adaptée aux réalités locales. À cet égard, le Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T) est une initiative clé. Il vise à améliorer l’infrastructure et la connectivité dans les territoires éloignés, réduisant ainsi les disparités géographiques et économiques entre les différentes régions du pays.
L’importance de la participation des provinces réside dans plusieurs aspects. D’une part, elle permet de mieux répondre aux besoins locaux en donnant aux autorités provinciales une plus grande responsabilité et des ressources pour développer leurs régions. Cela est particulièrement pertinent dans un pays où les conditions économiques et sociales peuvent varier considérablement d’une province à l’autre. D’autre part, l’inclusion des provinces favorise la cohésion nationale. En impliquant les gouvernements locaux dans la planification et la mise en œuvre des politiques, le programme renforce le sentiment d’appartenance et de solidarité nationale. Cela est essentiel pour maintenir l’unité dans un pays aux multiples identités culturelles et ethniques. Enfin, la participation active des provinces peut contribuer à une gestion plus efficace des conflits en donnant aux communautés locales une voix dans la gouvernance et la résolution des différends.
QUELS SONT LES RISQUES DE DERAPAGE D’UN TEL PROGRAMME DANS LE CONTEXTE DE LA RDC ?
Malgré ses ambitions, le Programme d’Actions du Gouvernement n’est pas à l’abri des risques de dérapage, particulièrement dans le contexte complexe de la RDC. L’instabilité sécuritaire reste l’un des défis les plus pressants. La RDC est confrontée à des conflits armés persistants, notamment dans l’est du pays, où des groupes rebelles continuent de déstabiliser les régions. Cette situation non seulement entrave la mise en œuvre des projets de développement mais met également en péril la sécurité des citoyens et la stabilité économique.
De plus, la volatilité économique constitue un autre risque majeur. La RDC dépend fortement des exportations de matières premières, rendant son économie vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux. Une baisse soudaine des prix des ressources pourrait compromettre les objectifs économiques du programme et exacerber les tensions sociales. La faiblesse institutionnelle est également une préoccupation importante. Les capacités limitées des institutions gouvernementales et locales à gérer efficacement les programmes et les fonds publics peuvent conduire à une mauvaise exécution des projets et à une corruption persistante. Enfin, les défis logistiques et infrastructurels sont omniprésents. Le manque d’infrastructures adéquates et les difficultés logistiques peuvent ralentir ou entraver la mise en œuvre des initiatives prévues dans le Programme.
Pour atténuer ces risques, il est impératif que le Gouvernement renforce ses efforts pour stabiliser les provinces en conflit et renforcer les capacités des forces de défense et de sécurité. La diversification économique doit être accélérée pour réduire la dépendance aux matières premières et créer une économie plus résiliente. En outre, l’investissement dans le renforcement des capacités institutionnelles à tous les niveaux est essentiel pour assurer une gestion efficace des programmes et des ressources. Enfin, le développement des infrastructures critiques doit être une priorité pour améliorer la connectivité et faciliter la mise en œuvre des projets.
RECOMMANDATIONS
Pour renforcer l’efficacité et l’impact du Programme d’Actions du Gouvernement de la RDC pour 2024-2028, plusieurs recommandations peuvent être formulées. Ces recommandations visent à améliorer la mobilisation et l’utilisation des ressources, à renforcer la coordination et la mise en œuvre des initiatives, et à assurer une participation inclusive des Congolais.
Clarification des mécanismes de financement. Il est crucial de développer des plans détaillés pour la mobilisation des ressources nécessaires pour financer le Programme. Cela inclut l’identification des sources de financement internes et externes, la création de partenariats publics-privés, et l’exploration de nouvelles avenues pour attirer des investissements étrangers. En outre, il est important de mettre en place des mécanismes de gestion financière robustes pour garantir une utilisation efficace et transparente des fonds.
Renforcement de la coordination intersectorielle. Pour éviter les incohérences et les conflits entre les stratégies et politiques, le Gouvernement doit renforcer les mécanismes de coordination entre les différents ministères et agences. Cela peut inclure la création de comités intersectoriels ou de groupes de travail, la mise en place de plateformes de consultation régulière, et l’intégration des systèmes de planification et de budgétisation. Une meilleure coordination permettra de maximiser l’impact des initiatives et d’assurer une approche intégrée du développement.
Amélioration de la capacité institutionnelle. Le renforcement des capacités des institutions publiques est essentiel pour assurer une mise en œuvre efficace du Programme. Cela inclut la formation continue des fonctionnaires, l’amélioration des infrastructures administratives, et la modernisation des systèmes de gestion. En développant des capacités institutionnelles solides, le gouvernement peut mieux planifier, exécuter et superviser les politiques publiques, ce qui est crucial pour la réussite du programme.
Développement d’un système de suivi et évaluation détaillé. Un système de suivi et d’évaluation rigoureux est essentiel pour mesurer les progrès, évaluer les résultats et ajuster les stratégies en fonction des performances observées. Le Programme devrait définir des indicateurs de performance clairs et mesurables, mettre en place des mécanismes robustes pour la collecte et l’analyse des données, et intégrer les leçons apprises dans le processus de planification et d’exécution. Cela permettra de s’assurer que les objectifs du Programme sont atteints et que les ressources sont utilisées de manière efficace.
Promotion de l’inclusion sociale et de la participation. Pour s’assurer que les initiatives bénéficient à toutes les provinces et groupes sociaux de manière équitable et inclusive, le programme doit encourager la participation active des congolais, du secteur privé et de la société civile dans le processus de prise de décision. En impliquant les parties prenantes, le gouvernement peut recueillir des perspectives diverses, renforcer la légitimité de ses actions et garantir que les initiatives répondent aux besoins et aux aspirations de la population.
Renforcement de la transparence et de la responsabilité. La transparence et la responsabilité sont essentielles pour construire la confiance des citoyens et des investisseurs et pour garantir une gestion efficace des ressources. Le Programme devrait inclure des mesures pour renforcer la transparence dans la gestion des finances publiques, améliorer la reddition de comptes, et promouvoir une culture de responsabilité et d’intégrité dans les services publics. Cela peut inclure la publication régulière des informations sur les budgets, les dépenses et les résultats, et la mise en place de systèmes de suivi et d’évaluation indépendants.
Dr. John M. Ulimwengu
Chargé de recherches senior – Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI)